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Le drame syrien, neuf ans d'amertume pour les enquêteurs de l'ONU

Le bilan est de plus de 380.000 morts auxquels il faut ajouter des millions de réfugiés et de personnes déplacées


Vendredi 13 Mars 2020

  Le drame syrien, neuf ans d'amertume pour les enquêteurs de l'ONU
Après avoir passé neuf années à examiner l'horreur du conflit syrien, les enquêteurs de l'ONU ne cachent pas leur amertume face à la poursuite des violences, mais restent déterminés à oeuvrer pour qu'un jour justice soit faite.
La Commission d'enquête de l'ONU pour la Syrie a été créée en août 2011 par le Conseil des droits de l'Homme, quelques mois après le début de la répression de manifestations pacifiques, pour identifier les atteintes aux droits humains et leurs auteurs. Mais Damas ne les a jamais laissé aller en Syrie.
"Je pensais que nous en aurions pour une année de travail ou un peu plus", a déclaré un des trois membres de la commission, l'Américaine Karen Koning AbuZayd, qui en fait partie depuis sa création, comme son président, le Brésilien Paulo Pinheiro.
"Je ne pensais pas que nous serions encore là", a-t-elle dit dans un entretien avec l'AFP, quelques jours avant la présentation de leur 19e rapport cette semaine à Genève.
Neuf ans après, le bilan humain de cette guerre dévastatrice est de plus de 380.000 morts auxquels il faut ajouter des millions de réfugiés et de personnes déplacées. Viols, tortures, exécutions sommaires... les rapports des enquêteurs de l'ONU n'épargnent aucun détail.
La commission n'a eu de cesse de dénoncer les crimes de guerre commis par les acteurs du conflit, voire, dans certains cas, les crimes contre l'humanité. Mais ses appels à la saisine de la Cour pénale internationale sont restés lettre morte.
"Bien sûr, c'est très frustrant", a dit à l'AFP l'enquêteur égyptien Hanny Megally, qui a rejoint la commission en 2017.
"Mais nous avons estimé que nous avions l'obligation" de continuer à travailler, a-t-il encore déclaré, inquiet de la poursuite des violences, comme à Idleb, le dernier bastion rebelle et jihadiste de Syrie, sous le feu du régime de Damas.
Près d'un million de personnes ont fui depuis début décembre l'offensive du régime de Bachar al-Assad et de Moscou.
Les civils fuyant les violences à Idleb trouvent refuge dans des zones plus au nord, près de la frontière avec la Turquie. Et certains enfants meurent de froid, raconte Hanny Megally.
"Pour moi, le pire, c'est souvent quand je vois des gens mourir de morts insensées qui pourraient être évitées", a-t-il dit, dénonçant l'immobilisme de la communauté internationale.
En tant qu'ancienne commissaire générale de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Mme Koning AbuZayd connaît très bien la région et la Syrie. "C'est tellement triste". "Les méchants gagnent. Ils ont le pouvoir et les armes et les gens ordinaires souffrent", a-t-elle déploré.
Si leurs appels n'ont pas été entendus, les enquêteurs de l'ONU ont continué leur tâche, établissant une liste secrète d'individus et de groupes soupçonnés d'avoir commis de graves atteintes aux droits humains.
"Nous avions espoir qu'une telle liste et le fait de parler d'éventuelles poursuites devant la Cour pénale internationale auraient eu un effet dissuasif", a expliqué M. Megally.
Mais la paralysie du Conseil de sécurité de l'ONU a empêché toute saisine de la CPI.
Désormais, les enquêteurs essaient aussi d'aider les pays qui veulent juger dans leur juridiction des personnes soupçonnées de crimes de guerre en Syrie. Ils ont reçu plus de 200 demandes d'assistance.
Ces cas seront connus, a assuré M. Megally, qui espère que les auteurs de violations des droits humains se rendront compte qu'ils devront répondre de leurs actes.
En attendant, les enquêteurs poursuivent leur travail de documentation de l'horreur du conflit. "Je pense que tout le monde est traumatisé", a estimé M. Megally, qui aime faire la cuisine pour se changer les idées.
Cette dernière activité apporte une "satisfaction parce que vous pouvez (...) sentir que vous avez accompli quelque chose", alors qu'avec l'enquête sur la Syrie "ça continue encore et encore".
N'ayant jamais reçu le feu vert de Damas pour se rendre dans ce pays, la commission rédige ses rapports grâce aux récits des victimes et d'autres témoins des violations des droits humains.
Les trois commissaires ne sont pas rémunérés et bénéficient du soutien d'une équipe d'une trentaine d'experts et d'analystes qui suivent la situation en Syrie non stop.
"Je ne sais pas comment ils y arrivent, car c'est jour et nuit", a fait remarquer Mme Koning AbuZayd.


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