Le Pr. Jean-Louis Sanchez : «La question sociale est prioritaire»


Propos recueillis par Ahmadou El-Katab
Vendredi 17 Avril 2009

Le Pr. Jean-Louis Sanchez  : «La question sociale est prioritaire»
En marge du Festival de Laâyoune, Libé a rencontré le Pr. Jean-Louis Sanchez,  fondateur
de l’Observatoire national de l’action sociale qui regroupe tous  les acteurs de l’action sociale
en France

Libé : Professeur, voudriez-vous nous présenter à nos lecteurs ?

Professeur Sanchez : Mon nom est Jean-Louis Sanchez. Je suis le président  fondateur de l’Observatoire national de l’action sociale qui regroupe tous les acteurs du secteur social en France. C'est-à-dire dans tous les départements français qui sont l’équivalent de vos provinces. Ils constituent l’ensemble des grandes villes, l’état, la sécurité sociale et le mouvement associatif. Cet organisme qui regroupe l’ensemble des acteurs a des financements divers, ce qui lui permet d’être indépendant. La deuxième de mes responsabilités concerne le journal  de l’action sociale et du  développement social qui est le 2ème journal dans ce créneau, avec 150.000 lecteurs en France. Ma troisième responsabilité et à laquelle je tiens le plus, notamment quand je suis au Maroc, est celle d’être le président  du collectif national qui s’appelle Grande Cause fraternité, car nous avons un souci en France, c’est d’essayer de montrer à tous les Français qu’une solidarité qui repose uniquement sur les droits, ne suffit pas si elle ne s’accompagne pas d’une solidarité d’application. C'est-à-dire plus de liens entre les habitants et les collègues de travail, ce  que nous appelons, nous autres, une capacité d’écoute, d’entraide et de respect qui est encore très naturelle mais que nous avons perdu en France.

Vous avez dit que quand vous êtes au Maroc, vous tenez surtout à votre troisième responsabilité. Cela sous-entend donc que vous êtes déjà venu au Maroc. Avez-vous, lors de vos précédents voyages, visité les provinces sahraouies ?

Non. Je connais le Maroc, malheureusement, comme beaucoup de Français, à travers seulement ses lieux les plus prestigieux. Mais là où il y a, à la fois,  la réalité du Maroc mais aussi, je dirais beaucoup de  fumée provoquée par le nombre de touristes par les contraintes du lien touristique. Ce qu’il y a d’intéressant dans les provinces du Sud, c’est de retrouver plus d’authenticité. On se retrouve dans un endroit où les gens représentent plus l’âme profonde du Maroc. Par conséquent, de tous les voyages que j’ai faits au Maroc, c’est probablement, celui qui m’a ému le plus, parce que plus beau que le paysage touristique, c’est le paysage de l’homme.

Vous n’êtes pas sans savoir que le Maroc et le Polisario sont en phase de pourparlers qu’ils doivent reprendre dans les derniers jours de ce mois d’avril. Que pensez-vous de ce faux problème qui entrave la réalisation du Maghreb des peuples ?

 Je suis, franchement, très mal informé  sur ce problème. Ce que je pense, en tout cas, c’est que le 21ème siècle ne peut pas être un siècle d’affrontements. L’homme est confronté à des enjeux terrifiants pour l’avenir de nos enfants : l’enjeu économique, avec la crise, mais encore l’enjeu écologique qui est probablement plus inquiétant, l’enjeu alimentaire pour un grand nombre de peuples et derrière tous ces enjeux, celui de la violence et de la guerre. Je crois que nous devons vraiment profiter de  cette complexité pour dire que nous ne pourrons pas résoudre ces problèmes avec les méthodes du passé qui sont celles de la violence mais qu’il faut, au contraire, rechercher de nouvelles formes de coopération entre les hommes, entre les peuples.  L’avis que je voudrais émettre, c’est qu’il faut résoudre ces problèmes par la coopération.

Vous avez certainement entendu parler de provocations faites par le Polisario, dans la zone-tampon au Sud du Maroc, soumise aux conventions de cessez-le-feu de 1991 signées sous l’égide de l’ONU. Que pensez-vous de ces violations ?

Franchement, je ne me sens pas autorisé à répondre à ces questions qui ne sont pas dans mon domaine d’activités et je ne connais pas le sujet pour pouvoir vous répondre.
Nous voulons votre point de vue, sur un plan humaniste.
C‘est une question qui n’est pas mon domaine qui est essentiellement social. Mais comme je vous l’ai déjà dit, je pense que, de nos jours, ces problèmes ne doivent et ne peuvent plus être réglés par la violence mais par la coopération.

Au moment où l’Europe vient de passer de 15 à 25 membres et où seuls les regroupements peuvent être dans le village planétaire qu’est le monde, que pensez-vous d’un petit Etat qui serait créé entre  les dunes du Sahara ?

Vous savez, j’aime répondre à des questions qui soient dans ma sphère de compétence. Cependant, il me semble que de nos jours, les grands problèmes de l’humanité ne seront pas ceux de définition de frontières. Ils sont ceux qui portent sur la survie de l’homme dans une planète par des enjeux écologiques considérables. Nous allons indiscutablement vers une accélération des problèmes de réchauffement de la planète qui nous menacent, cette fois-ci dans les 10 ou 20 ans qui viennent où l’on sait qu’il y aura des territoires qui seront engloutis par la montée des eaux. Ce qu’il faut rechercher dans le monde, d’aujourd’hui, puisque chacun d’entre nous se sent de plus en plus interdépendant des autres peuples, c’est de créer des mécanismes de coopération entre les nations en les unissant dans le cadre d’une gouvernance universelle respectueuse des peuples. Il faut donc réfléchir à une gouvernance mondiale, plutôt que de créer des micro-Etats peu viables. Il y va de l’avenir de nos enfants.

Pour revenir à votre domaine de compétence. Que pensez-vous du Festival de l’enfant?

Pour vous parler sincèrement, le Maroc a l’immense mérite d’essayer de lutter contre la fatalité d’une économie fragile et de devenir un pays avec un avenir économique viable. Et ce qui est tout a fait remarquable, c’est de voir que ce développement économique s’accompagne d’un développement social. Ces deux jours, j’ai pu observer que tous les acteurs, qu’ils soient publics ou  associatifs, tentent de faire du social une question prioritaire. C’est fait avec beaucoup plus de spontanéité que dans la vieille Europe qui, je pense, a beaucoup à apprendre du Maroc, dans ce domaine.



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