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Du côté de Nador-Al Hoceima, le nombre de mineurs marocains non accompagnés cherchant à immigrer est en hausse. A noter que Nador s'est transformée en point de départ principalement pour les jeunes Marocains, tandis que les migrants subsahariens semblent avoir disparu des radars, les forêts avoisinantes ayant été vidées.
Dans la région de Tanger-Tétouan, les rapports dressent un tableau sombre de la situation des migrants, soulignant des conditions difficiles et une pression croissante. Pour en savoir plus, dans un contexte national et régional marqué par le renforcement des contrôles et les crispations identitaires, Libé a donné la parole à plusieurs acteurs associatifs pour analyser la situation.
Contexte régional migratoire morose
« Nous assistons à une hausse importante des flux de Soudanais à la recherche de protection internationale. Nous passons deux à trois heures par jour pour accueillir et enregistrer leurs demandes d’asile. Il arrive qu’on accueille 40 personnes dans la même journée, indique une source de l’AMDH-Oujda. Il s’agit de flux provoqués par les refoulements effectués ces derniers jours par les autorités tunisiennes ».
En effet, et depuis des mois, des organisations de défense des droits de l’Homme ont tiré la sonnette d’alarme face à l'escalade des agressions contre les migrants subsahariens en Tunisie. Elles ont particulièrement dénoncé les expulsions massives conduisant des centaines de migrants vers une zone frontalière désertique entre la Tunisie et la Libye. Ces expulsions ont entraîné, selon certains rapports, la mort d'au moins 27 personnes et la disparition de 73 autres.
Les ONG ont également rapporté de nombreux cas d'expulsions massives à travers les frontières algériennes. En Algérie, les migrants sont souvent déportés dans le désert, sans prendre en considération les conditions météorologiques extrêmes. Les expulsions les laissent dans des situations de vulnérabilité critique, avec un accès limité à l'eau, à la nourriture et aux soins médicaux.
En Libye, pays ravagé par des années de conflit, les expulsions conduisent fréquemment les migrants à se retrouver dans des centres de détention contrôlés par des groupes armés. Ces centres sont souvent le théâtre de violations graves des droits de l'Homme, y compris des violences physiques, des extorsions et des conditions de vie déplorables. Les migrants y sont détenus indéfiniment, sans accès à une aide juridique ou possibilité de contacter leurs familles.
Oujda, l’éternel point de passage
Toutefois, Wiam Abderrazak, secrétaire général de l’OMDH-Oujda, précise que les flux des migrants soudanais ne correspondent pas à ceux enregistrés en 2021 et 2022 tout en indiquant que les Soudanais font partie de plusieurs nationalités qui accèdent au territoire marocain dans le but de bénéficier d’une protection internationale. « Nous avons noté la présence de Tchadiens, Guinéens, Maliens et Camerounais. Le nombre de Bangladais dans la région reste faible. A rappeler que leur mouvement et leur déplacement dépendent des réseaux qui les font venir. Souvent ces personnes sont conduites directement vers des barques de fortune pour d’éventuels départs vers l’Europe. Nous avons également constaté qu’ils sont en train d’emprunter les voies migratoires passant par le Sud (vers les Iles Canaries). Ces Bangladais, candidats au départ vers l’Europe, ne cherchent pas l’asile au Maroc. Leurs statuts ne correspondent pas aux critères du HCR. Il s’agit en gros de migrants économiques », a-t-il relevéÒ. Et de poursuivre : « Les Syriens sont davantage rares dans la région. Les Yéménites sont également absents cette année par rapport à la même période de l’année dernière. Néanmoins, nous sommes loin de la période de 2015, 2016 et 2017 où nous avons enregistré des entrées massives des ressortissants yéménites. Ces derniers préfèrent partir directement vers le Nord (Fnideq) et ne cherchent pas à obtenir l’asile notamment les jeunes célibataires ».
S’agissant des frontières avec l’Algérie, notre interlocuteur observe que la situation est fluctuante selon les conjonctures et que les candidats à la migration ne manquent pas d’idées pour déjouer les contrôles en profitant des conditions météorologiques, des occasions religieuses ou de l’expertise des passeurs. « Mais, en règle générale, le nombre des migrants est en chute », a-t-il souligné. Et d’expliquer que la situation de fermeture a eu pour conséquences la hausse des prix des passages et la reformulation de la carte des activités des passeurs qui savent s’adapter aux circonstances en transformant leur activité là où il y a une demande. « Ils sont partout. En fait, il s’agit bien de personnes qui sont au courant des complexités de la question migratoire dans les pays d’origine et ceux d’accueil. A noter, cependant, qu’il y a certains migrants qui comptent sur leurs propres moyens en tentant leur chance via des initiatives personnelles (tentatives de passage par nage ou d’escalade des barrières,...). Un migrant nous a révélé qu’il a tenté 30 fois de passer sans succès », nous a-t-il affirmé.
Le SG de l’OMDH-Oujda estime, toutefois, que les récits des migrants doivent être pris avec une certaine prudence et que la vérité est toujours à chercher entre les lignes. « Dans nos entretiens avec ces personnes, nombreux sont ceux qui déclarent arriver au Maroc seuls alors qu’on sait qu’ils ont payé un passeur. La question du point d’entrée au Maroc pose également problème puisque ces migrants hésitent souvent à y répondre. D’autant qu’ils sont incapables d’évoquer certains détails comme le temps pris pour venir au Maroc, les routes empruntéesÒ... Est-ce que cela est dû à des consignes données par les passeurs ou bien jouent-ils la discrétion afin de protéger les autres en route ou qui pensent les rejoindre ? Personne ne sait ».
Nador, ville fortement contrôlée
Sur un autre registre, Wiam Abderrazak assure qu’il y a une forte présence de mineurs non accompagnés d’origine guinéenne. Un état des lieux qui rappelle celui de Nador où les MNA marocains cherchant à immigrer sont de plus en plus nombreux. Selon une étude menée par l’AMDH-section Nador en partenariat avec l’Entraide nationale et dont les résultats seront publiés prochainement, la ville compte près de 500 mineurs. « Ces derniers sont en majorité des Marocains qui louent des chambres entre eux ou avec leur famille et tentent leur chance de passer vers l’Europe», nous a révélé Omar Naji, SG de l’AMDH- section Nador. Cependant, ce dernier estime que la situation des migrants à Nador diverge largement. « En effet, la zone s’est transformée en point de départ uniquement pour les jeunes Marocains alors que les Subsahariens ont disparu de la circulation. Les forêts avoisinant la ville ont été complètement vidées. La forêt de Gourougou est devenue une zone militaire et celle de Selouane enregistre une présence très faible des candidats à la migration. A rappeler que les Algériens passent par la ville mais n’y restent pas puisqu’ils cherchent à rejoindre la ville de Fnideq pour tenter leur chance par nage», nous a-t-il expliqué. Et d’ajouter : « Le marché de trafic des migrants a beaucoup évolué dans la région (Nador et Al Hoceima). Les réseaux de trafic humain ne chôment pas et recrutent auprès des jeunes de toutes les provinces de Nador. Ces jeunes constituent la majorité des clients de ce marché. Il y en a d’autres issus de Guercif, Taourirt, Fès, Béni Mellal et Laâyoune orientale. Pour les passeurs, ce trafic est devenu plus fructueux que le trafic de drogue. En effet, les prix de passage par personne oscillent entre 11 et 12 millions de centimes. Les candidats à la migration sont transportés via les moyens utilisés dans le trafic de drogue (bateaux Phantom, jet-ski... ».
La question de l'asile en suspens
En outre, notre source nous a indiqué que la question de l’asile ne fait pas débat dans la région, principalement en raison de l'absence de structures y afférentes. En effet, il n'existe actuellement aucune infrastructure ou autorité locale chargée de traiter les demandes d'asile. « Par le passé, il existait un bureau à Mellilia qui traitait les dossiers des demandeurs d'asile. Cependant, ce bureau a fermé ses portes, laissant un vide considérable dans la gestion et le traitement des demandes d'asile dans la région. Cette fermeture a exacerbé la situation déjà précaire des migrants et réfugiés, qui se retrouvent sans recours légal ni protection », témoigne Omar Naji. Et de préciser : « L'ouverture d'un bureau chargé de traiter les dossiers de demandes d'asile a longtemps été l'une de nos principales revendications. Nous jugeons qu’il est impératif d'avoir une structure dédiée à la question de l'asile pour répondre aux besoins croissants des migrants et réfugiés dans la région. La fermeture du bureau de Mellilia a laissé de nombreuses personnes sans aucune possibilité d'obtenir une protection internationale ».
Pour lui, cette situation reflète un manque de volonté politique et de ressources allouées à la gestion des demandes d'asile. Il souligne que sans une structure officielle pour traiter ces demandes, les migrants sont souvent laissés à eux-mêmes, confrontés à des risques accrus de détention arbitraire, d'exploitation et de renvoi forcé vers des pays où ils peuvent faire face à des persécutions. Cette absence de soutien institutionnel rend également difficile la collecte de données précises sur le nombre de demandeurs d'asile et leurs besoins spécifiques, compliquant ainsi toute tentative de réponse humanitaire adéquate. Et de conclure : « La mise en place de tels bureaux permettrait de garantir que les demandes d'asile soient examinées de manière juste et rapide, en conformité avec les normes internationales. Cela offrirait également un point de contact crucial pour les organisations non gouvernementales et les agences internationales souhaitant fournir une aide humanitaire et un soutien juridique aux réfugiés ».
Situation alarmante à Tanger-Tétouan
Du côté de Tanger-Tétouan, les récents rapports de l'Observateur Nord des droits de l'Homme (ONDH) brossent un tableau sombre de la situation des migrants dans cette région. Selon l'ONDH, environ 14 migrants irréguliers, dont 12 Marocains, ont péri noyés dans la mer Méditerranée au cours des mois de mars et avril 2024, alors qu'ils tentaient désespérément d'atteindre le sud de l'Espagne ou les présides occupés de Sebta et Mellilia. A ce jour, 18 autres migrants sont toujours portés disparus.
L'Observatoire a constaté également une augmentation alarmante des tentatives de passage vers les présides occupés, avec une moyenne de 120 tentatives par jour, soit 20 de plus par rapport à janvier et février 2024.
Dans ce contexte, près de 220 migrants irréguliers originaires de pays subsahariens n'ont pas réussi à franchir les clôtures frontalières de Sebta.
Par ailleurs, l'ONDH indique que plus de 70 mineurs marocains non accompagnés ont réussi à atteindre Sebta à la nage. A ce propos, la même source observe une hausse des tentatives de migration de ces mineurs vers les plages de Sebta, en particulier à partir de Fnideq. Ces jeunes, souvent désespérés et vulnérables, sont contraints de nager pendant plus de 10 kilomètres pour atteindre leur objectif. Le voyage maritime entre Fnideq et Sebta peut durer entre 10 et 15 heures, tandis que la route maritime entre Belyounech et Sebta, bien que plus courte (environ deux heures), est caractérisée par des courants marins froids et forts, augmentant ainsi les risques de noyade.
Les responsables de l’ONDH ont souligné la dangerosité extrême de ces traversées, en raison des rochers qui jonchent les rives. Malgré cela, la plupart des migrants irréguliers, y compris les mineurs, préfèrent encore tenter de rejoindre Sebta par la nage, en raison des restrictions sévères et des contrôles rigoureux aux frontières terrestres.
Hassan Bentaleb