Le Mexique s’embourbe dans sa guerre contre les narcotrafiquants


MAP
Jeudi 30 Décembre 2010

Quatre ans après l’amorce d’une lutte sans merci contre les cartels de la drogue, le Mexique continue de s’embourber dans les sables mouvants de cette « guerre », qui aurait été lancée sans une réelle préparation et sans aucune vision pour la conclure à temps.
Selon les derniers chiffres officiels déclinés par le Parquet général, plus de 30.000 personnes ont trouvé la mort dans cette lutte contre les narcotrafiquants depuis décembre 2006. 2010 a été l’année la plus meurtrière avec plus de 12.450 victimes au compteur.
Le trend ascendant des victimes de ce combat depuis l’investiture de l’actuel gouvernement en décembre 2006 confirme, encore une fois, que le gouvernement mexicain est loin de gagner cette guerre, en dépit de l’élimination ou l’arrestation de « capos » importants de la drogue.
Les forces de sécurité ont, en effet, réussi à abattre les têtes visibles des groupes de trafic de drogue ayant défié les autorités dans les régions du nord et de l’ouest du pays, où l’absence des institutions de l’Etat se fait sentir par moment, font observer des analystes mexicains et des diplomates étrangers.
Le dernier trophée exhibé dans cette guerre est l’élimination, début décembre courant, de Nazario Moreno, alias « El Chayo », un « capo » illuminé du puissant cartel de la « Familia Michoacana », terre natale du président Felipe Calderon.
Les cartels tentent d’occuper
le terrain politique  
En dépit de ce coup dur, le cartel ne semble pas pour autant très affecté et s’est même offert le luxe de diffuser un message audio sur la principale télévision mexicaine, à l’image des messages d’Ossam Bin Laden sur Al-Jazeera, dans lequel le nouveau gourou appelle ses partisans à « poursuivre la lutte » contre le pouvoir central.
La stratégie de ce cartel, qui donne du fil à retordre aux forces de sécurité dans la région de Michoacan, au nord-ouest de la capitale, ne se limite pas au trafic de drogue, mais cible aussi la sphère politique. « La Familia Michoacana» a réussi à installer un de ses présumés associés, Cesar Godoy, à la Chambre des députés avant que celle-ci ne s’en ravise et lui retire l’immunité parlementaire pour affronter un processus judiciaire pour crime organisé et trafic de drogue.
Un mois auparavant, la Marine mexicaine avait réussi à décapiter le cartel du Golfe, agissant dans le nord-est du pays, en éliminant après plusieurs heures de combat à l’arme automatique et à la grenade, Antonio Ezequiel Cardenas Guillen, alias æ’Tony Tormenta’’ (Tony la tempête), qui tenait en joue la population de Tamaulipas.
Dans les deux opérations, les combats acharnés entre l’armée et les cercles de sécurité autour des « capos » mexicains ont mis en évidence la puissance de feu dont disposent ces groupes, qui s’approvisionnent en armes de l’autre côté de la frontière avec les Etats-Unis.
Les récentes fuites de Wikileaks ont mis au grand jour le fond de la pensée des américains sur la situation désastreuse dans certaines régions du Mexique, en se basant sur des indiscrétions imputées à de hauts fonctionnaires mexicains.
Ces responsables ont, en effet, reconnu devant leurs homologues US que le gouvernement serait en passe de perdre le contrôle de pans entiers du territoire national dans le nord du pays, occupé désormais par des groupes de trafic de drogue, insistant sur la nécessité de recevoir plus d’aides financières et technologiques des Etats-Unis afin de reprendre le contrôle de la situation dans ces zones.
Sans aller jusqu’à rejeter en bloc ces assertions des diplomates américains, le ministère mexicain des Affaires Etrangères a estimé qu’il s’agissait plutôt d’affirmations « partiales et incorrectes » invitant le voisin du nord à collaborer davantage dans cette lutte selon le principe de la « coresponsabilité». Les révélations de Wikileaks auraient touché en plein dans le mille et irrité tellement les mexicains que le président Felipe Calderon en a évoqué la teneur dans une conversation au téléphone avec Barack Obama.
Auparavant, la secrétaire d’Etat US, Hillary Clinton, n’avait pas hésité à évoquer une situation « d’insurrection criminelle au Mexique », à cause des attaques presque quotidiennes contre les forces de l’ordre, des blocages d’avenues et de routes sans qu’aucune personne ne soit mise sous les verrous. Sans avoir une expression politique prononcée, cette « insurrection » aurait le contrôle de régions entières dans le Nord et l’Ouest du Mexique, où elle aurait réussi à gagner le soutien de la population et jouerait le rôle de régulateur social en lieu et place des autorités.
L’insurrection criminelle
dans le nord
Il est vrai que le désastre sécuritaire est régionalement inégal, des zones étant plus affectées que d’autres. Dans le nord frontalier avec les Etats- Unis, des villes et des villages se sont vidés de leurs habitants et d’autres ont vu démissionner tous les policiers sensés affronter les narcotrafiquants.
L’Etat de Chihuahua, limitrophe des Etats-Unis et dont la superficie est supérieure à celle de la Grande Bretagne, reste la région la plus affectée avec plus de 4.000 morts violentes en 2010.
Sa ville frontalière, Ciudad Juarez, est un champ de bataille permanent entre différents cartels au regard de sa situation stratégique sur la route de la drogue vers le marché américain très prisé. Plus de 3.100 personnes y ont trouvé la mort dans des fusillades entre groupes armés ou entre ceux-ci et les forces de sécurité. Cette insécurité ambiante au Mexique risque d’hypothéquer les acquis démocratiques et économiques du Mexique. Des voix s’élèvent régulièrement pour dénoncer les bavures des militaires mexicains dans la campagne contre le narcotrafic et qui ont coûté la vie à des dizaines de civils innocents, pris dans le feu croisé des soldats et d’hommes armés.



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