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"Le Maroc à l'épreuve du terrorisme" de Aziz Khamliche : Les terroristes du 16 mai 2003, qui sont-ils? (4)


Libé
Mercredi 1 Septembre 2010

"Le Maroc à l'épreuve du terrorisme" de Aziz Khamliche : Les terroristes du 16 mai 2003, qui sont-ils? (4)
Le 16 Mars 2007, soit quatre années après son arrestation, saisissant l'occasion de la mort d'Abdelfettah Raydi, le11 mars en actionnant une bombe qu'il dissimulait sous ses vêtements, Abou Hafs rend public un appel dans lequel il condamne le terrorisme.
 Les actes terroristes constituent "une transgression claire de la charia qui interdit d'attaquer des personnes ou des biens sans raison", écrit-il.
"Commettre des actes pareils conduit à étouffer les prédicateurs, à restreindre le champ de la daâwa (prédication), à encercler les oulémas (théologiens de l'islam) et à affaiblir leurs positions, comme leur stature", poursuit Abou Hafs.
Il ajoute que "ces actes ralentissent l'examen par les autorités marocaines des dossiers (de demande de mise en liberté) des détenus condamnés après les attentats de 2003". Ils constituent "un cadeau présenté à ceux qui voudraient nous enterrer en prison", estime-t-il.
"Si le mobile de pareils actes était la volonté de défendre les causes de la oumma (nation islamique) en Palestine, en Irak et en Afghanistan, que les jeunes sachent que ces actes portent préjudice à ces causes" et "font de tout moujahid ou résistant à l'occupation un terroriste propageant le mal", a-t-il conclu.
Sans nul doute, après les attaques terroristes du 16 mai, l'État avait besoin de marquer sa présence. Alors qu'elle était modérée, la répression s'endurcit. Les bandes islamistes, qui étaient organisées en milices privées, s'entraînaient à longueur de journées, investissaient les grottes et forêts et tentaient de faire régner leur conception de l'ordre au sein des quartiers périphériques, furent annihilées après avoir été décapitées. Les prédicateurs ne jouissaient plus des marges de manœuvre dont ils disposaient auparavant, ni de la liberté de circulation.
Socialement, les prédicateurs, dont nous avons présenté un échantillon, sont presque tous aisés. Même ceux qui ont un statut professionnel modeste, bénéficiaient du prestige et des privilèges accordés traditionnellement aux intellectuels proches des sphères du pouvoir. Leur mépris de la modernité et des forces démocratiques semble arranger les affaires des forces traditionnelles et conservatrices. La politique du "laisser aller, laisser faire" adoptée à leurs égards a eu des limites.

Les convertis
Très souvent, l'on se vante dans les milieux traditionnels du triomphe de l'islam en Occident et de l'islamisation croissante de certains Européens et Américains. Les intellectuels, artistes et sportifs convertis, tel Roger Garaudy, Cat Stevens ou Mohamed Ali Clay, sont présentés comme la preuve irréfutable du succès croissant de l'islam et de la décadence d'un Occident "en manque de spiritualité". En revanche, on se tait lorsqu'il s'agit de la christianisation de certains musulmans ou leur abandon de la pratique religieuse. Dans les sphères de l'islamisme radical, les convertis jouent un rôle prééminent dans la propagande et la préparation des attentats terroristes. Leur appartenance aux pays occidentaux et le fait qu'ils soient de nationalités française, britannique, espagnole, américaine, canadienne, ou autres, leur facilite les déplacements à l'étranger et leur permet d'effectuer des opérations de location de véhicules et d'appartements, de gérer bon nombre d'associations caritatives et d'assurer la logistique nécessaire à la résidence et au déplacement de leurs acolytes. En contrepartie, en tant que cas sociaux, ils jouissent d'un prestige au sein de leurs nouveaux groupes d'appartenance et bénéficient de la protection dont ils ont besoin, notamment à travers les liens de mariage et d'"amitié". Les évènements du printemps de l'année 2003 au Maroc ont hissé au devant de la scène médiatique les profils des deux convertis suivants:
- Pierre Robert, ou Pierre Richard, ou Robert Richard Antoine, alias "Al Hadj", "Abou Abderrahman", un commerçant de nationalité française, né en 1972 en France. Il a grandi près de Saint-Etienne (Loire), où vivent ses parents retraités et ses deux frères. Il s'est marié en 1997 à une marocaine, prénommée Fatima. Père de deux enfants, Brahim et Salma, il ne disposait pas d'une carte de séjour au Maroc.
Selon la police, il entretenait des contacts avec des extrémistes religieux dans les villes de Tanger, Fès et Chefchaouen.
Il assistait également à des conférences d'Al Fizazi, Abou Hafs et Al Kettani.
Il s'est converti à l'islam et s'est rendu en Turquie et en Afghanistan où il avait reçu un entraînement paramilitaire axé sur le maniement des armes, mines et grenades et sur la fabrication d'explosifs.
Après avoir épousé une Marocaine, il s'est établi à Tanger.
Il a participé à la création d'une cellule visant à perpétrer des actes terroristes et a aménagé des camps d'entraînement à Fès et Chefchaouen.
Pour mener à bien cette mission, son groupe avait "décidé de se faire aider par un réseau de trafic de drogue pour l'acquisition de fusils en vue d'en faire usage contre les forces de l'ordre."
Lors de son procès, il a déclaré son appartenance aux services secrets français, mais cela ne l'a pas empêché d'être condamné à la réclusion à  perpétuité.
Une connivence de longue date : Fizazi et Pierre Robert ont fréquenté des mosquées construites deux décennies auparavant grâce aux revenus de la drogue.
Les événements du 11 mars 2004 à Madrid n'ont fait que corroborer ce fait.  
Depuis lors, les enquêteurs espagnols ont commencé à envisager une réelle connexion entre les trafiquants de drogue et les groupes islamistes. Le quartier où Jamal Zougam a élu domicile était connu comme étant un lieu de trafic de drogue, de prosélytisme religieux et de rassemblements d'immigrés clandestins.
- Pierre Antoine Johnsen, alias "Yassine" est accusé d'appartenance à une bande criminelle et participation à la débauche. Ses dernières visites au Maroc datent du 28 septembre 2002 et du 9 juin 2003. Il a été condamné en Grande Bretagne pour contrebande et trafic d'ordinateurs de manière illégale. Marié à une Marocaine disposant de la nationalité britannique, il a séjourné à Tanger puis à Larache, Laksar Lekbir et Fès, et s'est marié une deuxième fois à une Marocaine, Fatem Ezzahra, mais sans conclusion d'acte de mariage (ce qui est illégal au Maroc et considéré comme étant acte de fornication illicite et une incitation à la débauche).
Pierre Antoine Johnsen a effectué des voyages au Pakistan, en Afghanistan, Tchétchénie et Georgie.
Grosso modo, les deux "Pierre" appartiennent initialement à des couches sociales pauvres et marginalisés. Leur adhésion à la mouvance islamiste radicale et leur mariage à des Marocaines leur fournissaient la stabilité dont ils avaient besoin, autant sur le plan moral que psychologique. Hissés au rang d'émirs (chefs de groupe) dans une communauté liée par le souci de défendre l'islam, ils s'estimaient être sortis de l'état d'anonymat désespérant dans lequel ils se débattaient,  ils ne leur manquait donc qu'un pas à franchir pour se considérer moralement supérieurs au reste de la population et inciter leurs groupes au terrorisme.


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