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"Le Maroc à l'épreuve du terrorisme" de Aziz Khamliche : Les tentacules de la pieuvre (1)


Libé
Mercredi 25 Août 2010

"Le Maroc à l'épreuve du terrorisme" de Aziz Khamliche : Les tentacules de la pieuvre (1)
Le Maroc a connu plusieurs actes terroristes aux relents islamistes, mais à la différence de tous ceux qui les ont précédés, ceux du 16 mai s'inscrivent dans la nouvelle vague d'attentats suicide relevant du répertoire d'Al-Qaïda et répondent à l'appel de ses dirigeants.
Dans un texte d'Ayman al-Zawahiri, dont le titre peut être traduit par "Des chevaliers sous la bannière du prophète", le ton de l'auteur est sans équivoque: "Nous devons répondre sur le terrain de notre choix; à savoir frapper les Américains et les juifs se trouvant dans nos pays". Le bénéfice en sera triple", dit-il.
"D'abord, c'est un coup porté au "grand maître" dissimulé derrière ses agents locaux. Ensuite, cela permet de gagner l'adhésion du peuple musulman en atteignant "une des cibles préférées, qui suscite de la sympathie à l'égard de celui qui la frappe". Enfin, cela permet de démasquer le régime contraint de mener des représailles en défense de ses "maîtres américains et juifs, montrant ainsi son hideux visage, le visage du policier sous contrat qui sert avec zèle l'occupant et les ennemis de la nation musulmane."                                                                     
Les directives étaient donc claires, mais la volonté de capter leurs signaux faisait apparemment défaut.
Les autorités marocaines, déjà en première ligne de la guerre contre le  terrorisme, avaient découvert et ont fait avorter le projet d'attentat de Gibraltar. Mais elles étaient convaincues de n'avoir affaire qu'à un terrorisme d'importation, circonscrit aux trois Saoudiens arrêtés à cette occasion.
Pourtant, plusieurs éléments indiquaient que les Marocains sont fortement impliqués dans la mouvance du terrorisme international. Un rapport établi par le gouvernement pakistanais en 1995 faisait état de l'existence de 102 Marocains parmi les "Arabes afghans" dont le nombre était estimé à 5000. 
Certes, à l'exception de deux d'entre eux, selon un garde du corps de Ben Laden, ils n'appartenaient pas au noyau central de la mouvance _ toujours dirigé par Oussama Ben Laden et Aymen al-Zawahiri, lesquels sont chargés de définir les grandes lignes stratégiques sous forme de communiqués, de fatwas et de conseils. Ils n'avaient pas de place parmi les idéologues ou financiers du réseau, mais faisaient partie (certains continuent encore de l'être) du groupe de fédérateurs et de coordinateurs entre le premier cercle et les différentes sphères d'action, comme c'est le cas pour certains "prédicateurs du jihad", pour la plupart formés dans les camps afghans. Ils se situent également au bout de la chaîne et sont nombreux dans les organisations "franchisées" qui opèrent sur des théâtres divers, au Maroc, en Europe, en Irak, au Pakistan et en Amérique du Nord, dont notamment le Canada.
La nébuleuse
Dans le rapport d'enquête américain sur les attaques terroristes du 11 septembre contre les États-Unis, il a été établi que plusieurs Marocains se sont rendus dans les camps d'entraînement d'Al Qaïda en Afghanistan, au Soudan et dans d'autres pays, et à certaines occasions, avaient aidé les pirates de l'air du 11 septembre à mettre leur complot à exécution comme c'est le cas pour ceux qui ont participé à la création de la cellule de Hambourg.
Selon ce rapport, Ben Laden et Khalid Cheikh Mohamed avaient envisagé d'utiliser des membres confirmés d'Al-Qaïda pour mener à bien l'opération des avions, mais l'arrivée, fin 1999 à Kandahar, de quatre éléments en provenance d'Allemagne suggéra soudain une alternative plus séduisante.
Le groupe de Hambourg partageait la ferveur anti-américaine des autres candidats, mais avait en plus l'énorme avantage de parler couramment l'anglais et de bien connaître la vie occidentale grâce aux années que chacun de ses membres avait passées en Allemagne.
Il n'est donc pas surprenant que Mohamed Atta, Ramzi Ben Al-Shibh, Marwan Al-Shehhi et Ziad Jerrah soient devenus des figures centrales de la conspiration du 11 septembre.
Les Marocains de la cellule de Hambourg
Selon des enquêteurs allemands, la cellule de Hambourg incluait sept étudiants: Atta, Jarrah, Al-Shehhi, Ben Al-Shibh, Mounir Motassadeq, Zacarias Essebar et l'informaticien Saïd Bahaji.  
Les personnes originaires du Maroc se sont fait distinguer en Allemagne, particulièrement à Hambourg par leur activisme islamique radical.                                         - Saïd Bahaji,  fils d'un immigré marocain, disposant de la nationalité allemande, et un des complices les plus proches de Mohamed Atta (pilote saoudien de l'un des avions qui se sont écrasés aux USA, le 11 septembre 2001). Selon certaines sources, Bahaji était le leader d'Al-Qaïda en Allemagne.
Après des études au Maroc, Bahaji revint en Allemagne pour des études de génie électrique à l'Université de technologique de Hambourg. Il passa cinq mois dans l'armée allemande avant d'être exempté pour raison médicale, et vécut huit mois avec Atta et Ben Al-Shibh (Un autre terroriste du 11 septembre) au 24 Marienstrasse, entre novembre 1998 et juillet 1999. Décrit comme un fidèle aux convictions hésitantes, sans personnalité et aux connaissances de l'islam limitées, Bahaji professait cependant son désir de s'engager dans l'action violente. Atta et Ben Al-Shibh utilisèrent l'ordinateur de Bahaji pour des recherches Internet, comme l'attestent des documents et des disquettes saisis par les autorités allemandes après le 11 septembre.
Il s'est enfui au Pakistan avant l'attentat.
Deux témoins affirment l'avoir vu, ainsi que Zakarias Essabar, dans un camp des environs de Kaboul.
En octobre 2009, suite à une offensive contre les Talibans et Al-Qaïda, les autorités pakistanaises ont trouvé le passeport de Bahaji dans la région d'Ouaziristan aux frontières avec l'Afghanistan.
- Zakariya Essabar est arrivé en Allemagne le 5 février 1997. Le 1er octobre 1998, il commence des études de médecine à l'Université technique.
 Le 16 juillet 1998, Jerrah et Essabar commencent à travailler chez Volkswagen à Wolfsburg, au sud de Hambourg.
Peu de temps après, ce dernier rencontra Ben Al-Shibh et les autres dans une mosquée turque. Essabar devint un extrémiste assez soudainement, probablement en 1999. Il aurait exercé des pressions physiques sur quelqu'un qu'il connaissait pour qu'il devienne plus religieux. Il se laissa pousser la barbe et obligea son épouse à se convertir à l'islam.
Les parents d'Essabar semblent avoir fait des efforts répétés mais infructueux pour le convaincre de renoncer à ce mode de vie. Peu avant les attentats du 11 septembre, il s'est rendu en Afghanistan pour communiquer la date des attentats aux chefs d'Al-Qaïda.
Il devait probablement remplacer le pilote Ben Al-Shibh. Il a tenté, à cet effet, par deux fois (le 12 décembre 2000 et le 28 janvier 2001) de se rendre aux États-Unis, mais n'a pas obtenu de visa.
Des témoins affirment l'avoir vu pour la dernière fois à Hambourg vers fin août, puis à Kaboul.
- Mounir El Moutassadeq vint en Allemagne en 1993 et s'installa à Hambourg deux ans plus tard pour faire des études de génie électrique à l'Université de technologie. Un témoin s'est souvenu de propos de Motassadeq selon lesquels il serait prêt à tuer toute sa famille si ses convictions religieuses l'exigeaient. Un des colocataires de Motassadeq se souvient qu'il parlait d'Hitler comme d'un "homme bien", et qu'il organisait des séances de projection de films qui incluaient des discours de Ben Laden. Motassadeq allait aider à dissimuler le voyage du groupe en Afghanistan à la fin de 1999.
En février 2003, à l'âge de 31 ans, il est condamné par le Parquet fédéral allemand à la peine maximale (soit quinze ans de prison) pour complicité de meurtre dans plus de 3.000 cas - autant que de victimes dans les attentats du 11 septembre 2001 - et appartenance à une organisation terroriste.
L'accusé avait notamment une procuration sur un compte bancaire au nom de Marwan Al-Shehhi, deuxième terroriste de la cellule d'Al-Qaïda à Hambourg, servant à financer les cours de pilotage des volontaires de la mort.
Déjà lors de son premier procès en 2003 à Hambourg, Motassadeq avait déclaré avoir effectué plusieurs transferts d'argent pour les terroristes et affirmé que cela faisait partie de l'entraide habituelle entre Arabes.


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