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S’exprimant d’une voix unie, les représentants des experts appellent à la prise de mesures concrètes avec notamment des instructions claires adressées dans ce sens au parquet, poursuites à l’encontre de personnes à l’origine de plaintes calomnieuses, indemnisations pour les experts injustement mis en cause, et une meilleure coordination avec les associations professionnelles. Une démarche qui vise à protéger l’indépendance de l’expertise judiciaire, élément essentiel du bon fonctionnement de la justice.
Dans notre prochaine édition, nous publierons la seconde lettre adressée cette fois au Président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, dans laquelle le Conseil poursuit son plaidoyer pour une réforme en profondeur du traitement des plaintes pénales contre les experts, et interpelle les magistrats sur leur rôle de garants de l’équilibre judiciaire.
A Monsieur le Président du Ministère public
Objet : Demande d’intervention contre les plaintes pénales abusives à l’encontre des experts judiciaires devant le parquet
Salutations respectueuses en présence de Sa Majesté le Roi, Commandeur des Croyants,
Le Conseil des présidents des associations des experts judiciaires du Maroc, représentant les différentes associations sectorielles agréées auprès des juridictions du Royaume, a l’honneur de soumettre à votre haute autorité cette lettre à caractère professionnel et institutionnel concernant une situation préoccupante qui affecte directement le travail des experts judiciaires, leur indépendance et la qualité de leur contribution à la justice.
Ces derniers temps, on constate une recrudescence alarmante des plaintes pénales devant les procureurs généraux du Roi et les procureurs du Roi. Le recours aux poursuites pénales est devenu un moyen systématique employé par certaines parties comme outil de pression ou de vengeance, en raison du contenu de rapports d’expertise judiciaire qui ne servent pas leurs intérêts, bien que ces rapports ne concernent pas les tribunaux et restent soumis à leur pouvoir d’appréciation.
Monsieur le Président,
Le phénomène que nous portons à votre Attention prend une forme abusive et systématique, car les plaintes ne reposent pas sur des preuves tangibles de falsification ou de fraude, mais simplement sur le désaccord d’une partie avec les conclusions de l’expertise. Pire encore, ces plaintes sont utilisées dans les procédures de récusation ou pour influencer les tribunaux afin d’écarter l’expert ou l’empêcher d’être à nouveau désigné, ce qui constitue une atteinte grave à la neutralité, à l’indépendance de l’expertise, et à la justice dans son ensemble.
Comme vous le savez, la législation marocaine, notamment le Code de procédure pénale, permet à toute personne de déposer une plainte sans restriction. Cela est malheureusement exploité dans ces cas pour détourner ce droit de ses objectifs légitimes, en le transformant en instrument de chantage judiciaire.
En conséquence, nous sollicitons de votre haute bienveillance, en votre qualité de supérieur hiérarchique des parquets du Royaume, les actions suivantes :
Emettre une circulaire ou des instructions claires aux procureurs généraux et aux procureurs du Roi, les invitant à faire preuve de sagesse et de rigueur dans l’examen des plaintes déposées contre les experts, et à rejeter toute poursuite non fondée sur des éléments concrets établissant une intention de fraude ou de falsification, en écartant toutes les plaintes basées uniquement sur un désaccord technique ou d’analyse.
Engager automatiquement des poursuites à l’encontre de toute personne reconnue coupable de plainte calomnieuse visant à influencer une expertise ou à diffamer un expert, conformément à l’article 445 du Code pénal relatif à la dénonciation calomnieuse.
Appliquer les peines les plus sévères contre les dénonciateurs mensongers et accorder aux experts les indemnisations les plus complètes pour le préjudice subi, surtout lorsque la plainte n’a qu’un but vindicatif. Cela contribuera à préserver la dignité de la justice et la confiance des citoyens en celle-ci.
Ouvrir des canaux de coordination avec les associations sectorielles des experts judiciaires, pour s’appuyer sur leur avis technique concernant certaines plaintes, compte tenu de la complexité et de la technicité des missions des experts, qui diffèrent fondamentalement des fonctions juridiques ou judiciaires.
Monsieur le Président,
La persistance de ce phénomène, en l’absence de directives institutionnelles claires, menace non seulement la crédibilité de l’expertise judiciaire, mais risque de provoquer un véritable blocage, nombre d’experts refusant désormais les missions ou les dossiers complexes par crainte de poursuites, ce qui aurait de graves conséquences sur le fonctionnement normal de la justice, notamment dans les affaires économiques et financières.
En sollicitant de votre part cette intervention urgente, nous réaffirmons notre disponibilité permanente à collaborer institutionnellement avec la Présidence du Ministère public dans tout ce qui concourt à la protection de l’indépendance de la justice et à la qualité de l’expertise technique.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.
Pour le Conseil des experts judiciaires du Maroc.