
"J'ai pas caché des juifs, j'ai caché des êtres humains", a raconté jeudi à l'AFP Lassana Bathily. Le jeune homme a le regard chagrin. Il ne veut pas parler de ses frères, de sa famille, du terme "héros" qu'on lui jette au visage. "Peut-être, je ne sais pas. Je suis Lassana, j'ai sauvé des gens. Je ne vais pas prendre la grosse tête".
Lassana Bathily, visage doux cadré par une barbichette noire, est musulman pratiquant. Il travaille depuis quatre ans dans ce supermarché casher de l'est parisien "avec des juifs et d'autres musulmans". Le jihadiste a été abattu par la police qui a libéré tous les otages - juifs, musulmans, catholiques - qu'il y retenait.
Vendredi de la semaine dernière, Lassana Bathily cache un groupe dans la chambre de congélation, un autre dans la chambre dédiée au "frais". Une femme se dissimule dans des toilettes, elle y restera quatre heures, jusqu'à l'assaut final, dit-il.
Une collègue du Malien descend, missionnée par Amély Coulibaly pour faire monter tout le monde. Le groupe refuse. Lassana Bathily sent qu'il faut bouger, "vite"."J'ai éteint le froid et je leur ai dit : +Restez calmes ! Moi je vais partir+", raconte-t-il. Puis, "j'ai appuyé sur le bouton du monte-charge" qui était un étage au-dessus. "Quand il est arrivé, j'ai cru que (Coulibaly) était dedans". Mais le monte-charge est vide. Pendant la remontée de l'appareil, "J'ai prié que Dieu me sauve". Là-haut, "j'ai ouvert la porte et je suis sorti en courant".
La sortie subreptice du Malien affole les policiers, qui le mettent en joue, il se couche par terre, les mains sur la tête. Il aide ensuite les policiers d'élite à dessiner le plan de la supérette. Avant d'assister à l'assaut, à quelques mètres de distance, enveloppé dans une couverture de survie dorée de la Croix-Rouge.
Le soir, il arrive à une heure du matin dans son foyer de travailleurs migrants du nord de Paris. Ses amis l'acclament. Dimanche, François Hollande l'appelle : "Vous avez été courageux". Le Malien raconte son histoire, puis les deux hommes parlent de la nationalité française. Le président lui promet d'intervenir. Lassana Bathily a obtenu une carte de séjour en 2011, cinq ans après son arrivée sur le territoire français. "La France est un beau pays où tu peux vite t'intégrer".