Laissez-moi jouer

Mardi 31 Octobre 2017

 Au «Laissez-moi danser» de Dalila fait
écho à un «laissez-moi jouer», cri du
cœur de Tayeb Saddiki, l’un des plus
grands hommes de théâtre du Maroc
(avec Abdessamad Kenfaoui, Abdelkrim
Berrechid, Nabyl Lahlou ou Taîeb A-Alj).
Dans ce livre érudit paru aux éditions
Les infréquentables, Jean-François Clément
restitue le parcours ainsi que l’analyse des œuvres.



Trois périodes ont marqué la vie de Tayeb Saddiki. Tout d’abord, celle des traductions de textes internationaux en langue arabe. Ensuite, celle des adaptations, notamment des pièces de Molière. Enfin, celle des créations, avec des œuvres telles que «Fi T’ariq». Ces trois périodes sont indissociables d’un parcours exceptionnel qui prend son essor sous la colonisation et accompagnera le développement des activités théâtrales au Maroc à partir de l’Indépendance. Jean-François Clément retrace la trajectoire biographique de Saddiki avant d’analyser le contenu de ses pièces. Formé par André Voisin et Charles Nugue à Casablanca, il jouera à Paris en 1956 avec la première troupe marocaine. C’est là qu’il rencontre Jean Vilar, directeur du Théâtre national populaire, avec lequel il travaillera de 1957 à 1959. C’est également lors de ses débuts dans le théâtre qu’il est amené à jouer Molière, dont l’œuvre l’habitera toute sa vie.
Jean-François Clément ajoute de nombreux documents d’archives dans son livre, notamment un texte de 1974 écrit par Saddiki et intitulé « Molière dans le monde arabe ». On y apprend que Molière avait été traduit dès le XIXème en arabe (et connu du Maroc dès le XVII), notamment en raison de la charge subversive de ses pièces mais aussi des relations diplomatiques entre les pays. En Egypte, l’école des femmes est devenue Mahjouba, une femme voilée. Cela ne veut pas dire que la traduction est une acculturation; au contraire, un théâtre autonome s’est créé dans le monde arabe, fonctionnement par inspiration et non par imitation. On peut réécrire « En attendant Godot » de Beckett et l’adapter au contexte maghrébin. La grandeur de Saddiki, dont j’ai eu le plaisir d’avoir l’une des filles comme étudiante lors de mon arrivée au Maroc, est d’avoir travaillé à un théâtre de l’authenticité qui soit à la fois affranchi de l’influence coloniale sans être dans le ressentiment culturaliste et anti-occidentale.
      L’autre apport majeur de Saddiki est dans ce constant souci de proximité entre le théâtre et son public (nous retrouvons ce point dans le très beau livre que lui a consacré Ahmed Massaïa). En 1957, Tayeb Saddiki fonde le Théâtre ouvrier, conjointement à l’entreprise de Abdessamad Kenfaoui avec le syndicat UMT, et joue Gogol et Aristophane en arabe sur le port de Casa pour les dockers : «En jouant dans le port de Casa, Tayeb Saddiki et ceux qui le soutiennent signifiaient que le théâtre n’était pas seulement réservé à «l’élite» (la bourgeoisie française ou francophone qui pouvait voir les tournées de Karsenty au Théâtre municipal de Casablanca».
Toutefois, Jean-François Clément précise que ces publics populaires auxquels s’adresse Saddiki ne sont pas les mêmes qu’en France. Il ne s’agit pas d’un théâtre du peuple, au sens de ce que l’on a vu en Europe au XIXème, mais plutôt de créer un nouveau public à un moment où tout reste à construire pour le théâtre marocain. Cela poussera d’ailleurs très vite Saddiki à s’éloigner de la sphère militante et à travailler pour le ministère. En 1965, alors qu’il n’a que 23 ans, Tayeb Saddiki est nommé directeur du théâtre municipal de Casablanca. Il y jouera des pièces telles que «Mahjouba» mais aussi «La légende de la belle» (Qissat al-hasna) inspirée de « La légende de Lady Godiva» de Jean Canolle, cette belle femme qui se promenait nue sur un cheval et qu’Alain Robe-Grillet a immortalisée d’une autre façon dans ses longs-métrages.
D’autres pièces, telles que «La bataille des trois rois», consolident son ancrage au sein de l’Etat, amenant certains critiques à l’accuser de produire un art au service du pouvoir (pp. 54-55). C’est à ce moment que Tayeb Saddiki cherche à acquérir une certaine indépendance et créer le café-théâtre de Casablanca, dévolu à ce que Bourdieu appelle «l’art pour l’art». Il organise aussi un festival de la marionnette en 1973 et contribue au développement nécessaire de cette accessibilité au théâtre qui l’anima toute sa vie. Le théâtre des gens (Masrah Anâs) est une des initiatives majeures de Saddiki. Il s’agissait d’un théâtre ambulant qui allait jouer dans tout le Maroc, à l’image de ce que faisait Molière lui-même lors de ses tournées. Comme le rappelle Jean-François Clément, il y a une présence forte de la h’alqa dans le théâtre de Saddiki (p. 124), qui insistait beaucoup sur la professionnalisation et la formation des comédiens.
 La traduction, l’adaptation et la création artistique sont au cœur de son travail. Le passage sur « Volpone » est emblématique de la posture de Saddiki et son souci d’authenticité ; quand bien même la pièce raconte l’histoire d’un cynique « qui n’a plus aucune illusion sur la réalité des relations humaines et sur la duplicité qui fonde la plupart des liens sociaux » (p. 212). Il en est de même du passage sur la pièce de Saddiki « Le livre des délectations et du plaisir partagé », écrite en arabe classique en 1983 et jouée en 2004 avec les comédiens Abdellah Lamrani, Saadia Ladibe, Mostapha Salamante et Amina Omar.
Dans cette pièce créée par Saddiki, on y rencontre Abû H’ayyân al-Tawh’îdi, penseur néo-platonicien et amoureux de la poésie, qui est accusé de troubler l’ordre public avec ses idées subversives. La question de la liberté dans le monde arabe est un des fils rouges qui traverse, avec une prudence analogue à celle de Molière, l’œuvre de Saddiki. Le livre de Jean-François Clément a le mérite de la restituer avec tous les développements nécessaires.

Par Jean Zaganiaris EGE Rabat (Cercle de littérature contemporaine)

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1.Posté par DR IDRISSI MY AHMED le 30/10/2017 20:05
SOUVENIR D’HOMMAGES AU GÉANT DES PLANCHES
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DR IDRISSI MY AHMED
Taïeb Seddiki, le Lion de Mogador





Je voudrais offrir au Lion de la scène, le génie qui est parti dormir, sans jamais mourir, ces quelques sentences et ces petits mots. Une élégie, un cantique sans rimes.

Si les arts, l’écriture et la peinture, ont de toujours des commanditaires, des amateurs de parmi les mécènes, les rois et les hommes de culture, occis par la facilité locale et la bienpensante indigène, le cinéma périclite et le théâtre se meurt ! Notre ignorance, notre pauvreté en la matière, sont de leurs ressorts, comme sur les desks de nos régisseurs. Ils s’y affairent et ahanent et on sent leurs efforts.

Mais pitié pour les instits marcheurs, les docteurs qui se sont rangés, les malades et les mourants qui restent dehors, malgré l’invasion des mercantis et des marchandeurs. Le socialisme pousse des siens vers l’extrême opposé et l’extérieur. Martyrs de leur évolution contrite, ils gèrent contre soi et les leurs les affaires. Et s’ils cèdent aux impérialismes divers et ce depuis l’été, le pays a besoin, pour ses engagements, de le faire ! Est-ce pour cela, Si Taieb que les saisons nous tournent en ridicule ? Et qu’on arrose et qu’on chauffe en hiver ? Une impasse, une punition, malgré nos prières surérogatoires et de bon cœur ? Certes pas messieurs.

Le Purgatoire manque d’imagination et d’eau. Non point, on se démène ! On se déchaîne on invente, on crée. On pulvérise nos raccords ! On a le vent en poupe et le radieux soleil est apprivoisé. Le Maroc avance, en train TGV ou en TNR. Vers la sécheresse, tu ne le vois pas ? Non, l’espoir est de mise et les pluies viendront sauver l’année. Si tout est devenu sec, on ne sort plus, le soir pour voir, quoi que ce soit, depuis longtemps. Les télé nous ont assagis et sédentarisés. On se terre. Question de mode ou de flousses ! Le théâtre est at home ! Plus de théâtre, c’est dépassé ou quoi, a Si le Maâlem ? Plus de planches de salut. On manque de pièces nouvelles et on est à la diète, sans Mercie. Et pire, chacun est agrafé enkysté, muet ou bavard, à son phone en solitaire, enchaîné. Dès lors le théâtre, tu peux l’emporter !

Mais si on cherche de parmi les causes de ces replis, j’en retiens une. On est ivre des pièces dépassées, de vos pièces de théâtres, ressassées ! Devenues comme le vin ancien, des labels d’icônes ? Des étiquettes qu’il faut préserver ! On nous les remplace par des délices qui déchantent, incongrus pour les fêtes. Indigestes, rasoirs, surpassés, des motifs de vomitos et des délits assommants surconsommés. Des délits d’ivresse, as-tu dit Seddiki ?

Bourrés de bourrages ! De sommeil s’entend, toi qui crinière aux vents, sur le vertex impérial, blanchie, tu iras découvrir, ce que cache le sous-sol des planches. Là médusé tu verras, comme augures et pythies, des prophétesses et des déesses. Bonnes à faire jaser sur tes scènes ! Mais qui jouera leurs rôles, sans toi pour les diriger, pardi ? En les instruisant, en les amusant, en nous faisant rire et réfléchir ! Parfois, de plaisir jouir et taper…des mains. La bande débandée, s’est éclatée ! Kana aboukouma li Saliha. Wa kanate oummoukouma Saliha !

C’est de toi Taïeb ou de madame Student ces mots ? ‘’J’aime les gemmes et en tant que femme, les camées’’. Ça va mieux, sans le dire. Camées, elles n’ont pas besoin de cadeaux. Elles deviennent utilitaires en silence. Taisez-vous les femmes ! Pas d’insinuations inutiles. On ne va pas l’incinérer. On l’encense, le manitou, on prie sur son âme éternelle et on l’enterre, selon le modus operandi.

Nous célébrons un mort. Prier sur un homme. Et un millier de gens, de parents et de fans, respectueux, te conduisent là où tu sais. Le cadeau, l’offrande est en elles. Pas de trivialité. Il a été un père admirable, un artiste, un lettré, un homme plein de sens, admirable, aimé et respecté ! Nous ne mentons pas à faire ton élégie.

Dieu, le Créateur, n’a pas besoin de se rassurer sur nos crédos. Dieu n’a pas besoin de se révéler à nous. Il est en Ses créatures, dédié et dédicacé. A Lui l’âme et le miracle des corps et de la vie. Face à notre intelligence et notre conscience, face à nos sens restreints et rabougris, il y a la vie dont nous ignorons les repères. Et face à nous, de tous les côtés, il y a tout cet univers qu’Il a fait. Un cosmos, sans limites, qui nous défie d’en connaître les origines. Surtout celles du Concepteur, Celui qui les a faits.

Mais, est-il resté dans ses plafonds, ces portes et ces lits qu’il a façonnés, le menuisier ? Je parle de My Othmane Oudghiri, le maître de Si Taïeb Laalej ! Le scénariste reste-t-il, comme l’auteur sur ses planches et dans les théâtres et les décors qu’il a montés ou sur lesquels il a agi ?

Dis-moi si Taïeb Seddiki, toi qui vient de partir dans le Barzakh, tu m’entends de là ? Je ne parle pas du corps, offert à la terre comme l’ultime acte de ta dernière scène. Le clou planté sur la porte de la maison cédée, selon l’anecdote asinienne est un pari. Un corps cloué, non pas sur une croix de bois, mais sur une porte intergalactique, la Terre. Et puis, si l’homme peut habiter dans les maisons qu’il fabrique, la Déité, Elle, n’y est pas consignée ! Si mon père ou mes ancêtres, sont en moi un peu, comme ces gènes ataviques et irrédentistes, qu’a-t-il l’objet de lié et de physique avec son illustre créateur ? La signature en bas du tableau ! Est-elle le tableau ou le corps et l’espace de l’âme, l’habitacle, de celui qui l’a peint ?

Ou, que reste-t-il chez certains humains, comme vestiges de leurs ancêtres ? Colons, impérialistes ou tyrans, martyrisant les peuples, opposant les pays et déchirant, ostensiblement et sans voiles, de nos jours mêmes, de prestigieuses nations ? Des bêtes immondes et c’est péjoratif pour celles-ci, comme qualifiants injurieux et argument ! Des humanoïdes, civilisés ou pas, démocrates ou fascistes, gênants de par leurs tendances abominables et criminelles ? Dites-moi les Taïeb-s, que dis-je là ?

Nos contemporains méritaient que vous en fassiez, les caricatures charitables ! Des tragédies, à leurs mesures, de pirates, de monstres et de corsaires ! Des comédies pour les maudire, les médire ou les corriger simplement ! Les apocryphes inassouvis, les tyrans aux fausses tendances, religieuses ou démocratiques, fallacieuses et faussaires, les entités bestiales sanguinaires, aux mœurs antédiluviennes fossiles ? De qui tirent-ils les gènes ou pire encore les ficelles et les armements ? Du hasard, le destin de Dieu, (hacha li Allah), de Satan ou des richissimes illuminatis ? Sont-ce les E.T. ? De qui tirent-ils les essences enfin, pour causer aux hommes, tant de guerres et de crimes anti humanitaires ? De là où vous êtes les Taïeb-s, faites-nous en le théâtre, pour les cribler là sur scène et dénoncer ces horribles Machiavels ! Voire de les corriger en rigolant : ‘’castigat ridendo mores’’, c’est dépassé comme sentence, je crois !

Seddiki va se réveiller de son lit et me crier. Tu rêves Docteur ! Ces indélicats sont à jamais incorrigibles. Je te l’affirmerais le jour de la Résurrection et lors du Jugement Dernier.

Sommes-nous, avec eux en premier, les maudits de nos gènes et de nos héritages ? Enfermes dans la malédiction, fanatique et raciste, de nos égotistes entités? Plus près de nous. Il y a quelques observations. Voire en plus pacifistes messages. Comme ces chromosomes qui logent chez Nour et qui actionnent Adam, mes deux petits ! Je ne pense pas qu’on livre à nos bambins toutes les haines, en héritage ! Mais les médias et les politiques, les programmes scolaires les édifient et les cultivent, s’ils ne les dopent et les formatent, avec extase extrémiste et abus de langage !

Dieu, donc n’est pas à l’intérieur de Son œuvre. Nous ne sommes pas en son sein ni une partie de sa chair, pour les plus chrétiens d’entre nous. Ce serait alors, une part périssable de Dieu et ça ne saurait être un critère solvable ni honorable de Sa déité ! Dieu ne peut pas être confondu avec la multiplicité de Son œuvre. Aussi belle soit-elle ! Une œuvre qui défie tous les hasards, de par ses calculs, leurs nombres et leurs complexités.

Dieu ne peut être confondu avec son œuvre qui tombe en jachère, qui périclite et qui meurt. Fussent-elles aussi fantastiques et admirables, ses œuvres ! Je cite en vrac, ses créatures, la vie, ou ces astres, cet univers incommensurable et ces étoiles. Ces galaxies, qui nous déconcertent et nous défient. Puis cet espace-temps incommensurable ! Mais, elles sont Son œuvre, pas Lui ni le chez-lui, même s’il en perce les recoins subatomiques, les plus infimes des corps, des vibrations, des ondes ou les masses colossales les plus éloignées.

Si Taïeb, ne condamnons pas notre quasi futile virtualité ! Je dirais notre punctiforme instantanéité ! Et ne confondons pas le théâtre, la scène, les décors, avec ceux qui les montent ou celui qui les écrit !

Les Taïeb-s, qu’en savez-vous maintenant que vous êtes de l’autre côté du jeu et des chants, loin des livres, ivres de jeux de mots et des planches où vous vous manifestiez et où vous festoyiez ! Seddiki, tu aurais dit, toi, manifestoyiez*! Parce que pour toi, il me semble que la vie était une large planète, un théâtre universel, ou les jeux de mots faisaient fureur et donnaient un sens à la joie et la vie. Et, tel un seigneur, dans ou sur son domaine, tu te confondais corps et âme, en bagouts inclassables, en plaisirs inextinguibles et inlassables; avec ton admirable et passionnante vie.

Tu as bien vécu, vous avez bien vécus, messieurs et longtemps brillé. Mais jamais assez pour toi, Laalej ni toi Seddiki, ni pour nous enfin. Car l’amour et la dignité, Lalla la Dignité, sans arrogance, mais avec fierté, le respect et l’admiration, à vous nous liaient. Et, vous deux, certes vous le saviez !

Il suffit au lierre d’être vert et de s’attacher là où il peut s’agripper. Tu demeureras aussi vert que brillant. Les bambous se souviennent du Wali qui s’en était moqué de leur verdeur, en recevant, il y a dix ans, leurs odes. Les a-t-il lus, mes chants ? Nos élites quand elles reçoivent des félicitations, nos illustres ministres pour leurs postes, les walis, les conseillers, les chefs de Parti, parlementaires ou simples quidams, que ne prennent-ils le temps poli de répondre aux vœux qu’on leurs et aux compliments qu’on leur fait ! Oui, c’est un plus, la politesse, comme dimension. Une concitoyenneté rassurante, une courtoisie de grande classe. Si elle rassure des fois, ou émeut les épistoliers du dimanche, elle apporte un plus de prestige à ceux qui les signent. Comme Fidali, quand il féconde sa peinture par son sigle ou El Assal, qui émarge ses beaux tableaux !

Taïeb, qu’avons-nous de mieux ou plus que les bêtes que nous écrasons par inadvertance, ou que nous mangeons goulument ? La supériorité de la race ou du langage ? L’identité des conquistadores du Nord ? Le poids, la taille, l’intelligence, la conscience, la culture où tu t’activais, ou une partie de l’esprit de Dieu ? Puisque tous les Nobels comme les richards et les leaders, comme les malfrats et les dealers, et lesdits moins que rien, succomberont tous, sans exception !

Parallèlement Taïeb ! La tortue amputée, comme les oiseaux hôtes de ces arbres, adore de me voir arroser le jardin. Par ces mots, je verse ces vers sur le tien. Elle s’arrête, par pudeur ou de peur, sinon par respect, quand il me vient de la rencontrer. Un moment après, je priais, en pensant à ton âme Seddiki. Comme à mes douleurs et mes peines, à mon fils éloigné et à mes patients malades, aussi. J’ai lancé des vœux de repos, versés tels ces mots que j’avais écrits sur Al Bayane, à la suite de la perte de ton frère, que tu appelais tendrement et par respect, Azizi. Et, en m’adressant à Dieu, pour nous exaucer, voilà que le rare crapaud, que je n’ai jamais vu au jardin, se met à coasser. Je n’ai pas dit croasser, je laisse ça à la noire victime des renards ! Qu’a-t-il dit en m’entendant ? Etait-ce un dialogue impromptu, une chicane ou une prière conjointe ? On n’en sait rien !

Les troncs bruissent en se frottant les branches. Sans le vent, cet autre ne saurait se gratter au mur de clôture, pour sentir qu’il existe et ainsi chasser les parasites qui lui collent aux feuilles. Par-delà le terrain vague, verdi et fleuri, en ce printemps sec qui défie les gouvernants, mon regard croise un chanteur de cuicuis. Il est attaché, en oblique sur l’une des branches de cet autre bosquet. Et son chant agace le nouveau chien du nouvel avocat, qui ne comprend rien aux litanies ! Faute de le comprendre et de lui répondre dans la langue qu’il sait, l’écho face au Bar-Lev, lui tient compagnie et amplifie sa voix. Mon regard se fixe sur les hauteurs de cette rangée d’immeubles envahissant des voisins qui me cachent le bon Dieu, le fleuve et le port, en perçant les nuées. Tel est mon monologue !

Les échelles des toitures, ces antennes hideuses, reliefs des années de plomb, commencent à céder leurs hauteurs à ces oreilles perfides qui écoutent les satellites. Ces émissions culturelles et d’information ou de détente défient le temps ! Au contraire des plus noires et polluantes, ces fumées toxiques et pathogènes, des 5 cheminées de cet Onee de Kénitra. Ou comme ces panneaux publicitaires horribles par endroits, ces pénaux hideux, qui nous défient et polluent l’esthétique de la cité de Lyautey. Et c’est grâce à cette radiotélévision, que j’ai suivi ton enterrement et la soirée qui t’a été dédiée, en hommages, il y a longtemps ! Et puis en cet instant ta pièce, le kaftan d’amour. Salut l’artiste !

Ces émissions de télévision, envahissantes, fanatiques ou vicieuses, nous apportent des valeurs, parfois douteuses ou intrépides, qui nous sortent de nos cultures poudreuses en nous mettant aux pas, au rythme des pays avancés. Elles stimulent nos productions, c’est un fait ! Des idées déconcertantes qu’on sait mal intégrer, nuisibles qu’elles sont parfois. Car ces perfides services satellitaires, n’est-ce pas, nous déstabilisent en défiant nos gouvernants pacifistes et nos avancées rassurantes.

A côté des fadaises locales et des berceuses importées, des pubs envahissantes et invétérées, nous assomment. Face aux inerties indigènes et indigentes, la multiplicité des stations défie l’entendement. Les idées interdites, les films obscènes, s’ils libèrent certains dérangent la majorité morale des gens réguliers et des bien-pensants que nous paraissons être. Ou devoir être, entre schizophrènes, on s’est compris ! Et là, je me demande les Taïeb-s, où sont vos successeurs ? Les génies catapultés, ne font que chanter pour nous distraire…De quoi au juste ?

Commencent alors la chicane des forums injurieux ou complaisants, rehaussant les interdits et jactant sur leurs précipitations. Prévenance ! Cette prophylaxie ressemble à un interdit et devient un excitant. A ce stade ils ne font qu’enticher la masse des interdits, qui gagnent en célébrités et en auras, sans mériter normalement autant. A titres préventifs, bien des vaccins sont en ce moment conspués ! Demain, dans un siècle, le Ministre les interdira.

Face à ces défis et à ces manques, je me répète. Et, si je prie Dieu pour le repos de vos âmes, je demande à vous les Taïeb-s, Seddiki et Laalej, où sont donc vos successeurs ? Ternis ou enterrés ou qu’on ne les ait pas fabriqués ?

Recevez ce panégyrique, forgé de demandes insistantes aux Responsables, afin d’honorer vos successeurs et pour relever le deal de l’éducation, de l’enseignement et de la culture. La charge qu’ils ont de réveiller la culture dans ce bled, est honorable et primordiale. Elle est à la hauteur de votre génie et au respect indu à ceux des instituteurs et des professeurs qu’il faut encourager et ménager, au lieu de malmener pour un dernier mot ou un vulgaire pactole.

Je pense que pareilles conclusions et sermon eussent pu être inscrits dans vos testaments ou sur vos pierres tombales, pour une meilleure succession. Une succession qui n’enlèvera rien à votre génie et qui tombe à point nommé, comme une épitaphe !

Dr Idrissi My Ahmed, Kénitra, le 07 février 2016

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