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La guerre du Rif dans la mémoire marocaine


Mimoun CHARQI
Samedi 7 Février 2009

La guerre du Rif dans la mémoire marocaine
L’Emir Mohamed Abdelkrim El Khattabi demeure, aujourd’hui plus que jamais, présent dans la mémoire collective marocaine, et tout particulièrement chez les Rifains.
Cependant, cette présence est issue des transmissions orales que nos parents et grands-parents ont bien pu nous transmettre.
L’enseignement officiel, dispensé au pays, n’apprend pas grand-chose sur l’homme, la guerre du Rif et la pensée politique de l’Emir. Ce que j’ai pu en apprendre, au-delà des transmissions orales, je l’ai su en grande partie grâce aux livres espagnols, français et anglais.
J’ai été étonné, lorsque étudiant, fréquentant les bibliothèques espagnoles et françaises, j’ai pu me rendre compte de la place occupée par la guerre du Rif et Abdelkrim chez ses ennemis d’hier.
Au final, on en apprend bien plus sur soi chez les autres que chez soi.
Ce n’est qu’avec ce que l’on appelle la nouvelle ère qu’un regain d’intérêt a commencé à s’exprimer au sujet de Mohamed Abdelkrim El Khattabi et la guerre du Rif. Des livres rédigés par des auteurs marocains sont venus enrichir la bibliothèque nationale. Des colloques et journées d’études ont été depuis organisés, régulièrement, avec au moins une rencontre annuelle.
Une Fondation portant le nom de l’Emir a même pu voir le jour avec l’alternance, et déclarée même d’utilité publique, sans que cependant elle fonctionne réellement, en dépit des volontés des uns et des autres qui ne manquaient pas.
Un colloque international a pu être organisé sur Al Hoceima sous le thème de l’installation de Mohamed Abdelkrim El Khattabi en Egypte. Une autre Fondation à l’initiative du docteur feu Omar El Khattabi est restée aussi sans lendemain.
Un sondage organisé, il y a trois ans, par un journal marocain posait la question de savoir qui était Mohamed Abdelkrim El Khattabi. Les réponses sont surprenantes et saugrenues : (Président du conseil municipal d’El Jadida, joueur de foot, militant de l’Istiqlal,…).
Certes, un certain nombre de journaux consacrent assez régulièrement, chaque année, un papier à la bataille d’Anoual. Mais quoi de plus étonnant que l’article de l’année dernière, un quotidien national puisse arriver à écrire un article sur la bataille d’Anoual sans même nommer Mohamed Abdelkrim El Khattabi!
Un épisode mérite d’être conté. L’ancienne Instance Equité et Réconciliation (IER) avait pensé clore ses travaux en les couronnant par le rapatriement de la dépouille de l’Emir, depuis Le Caire.
Lorsque l’IER se rendit compte qu’elle ne pouvait le faire sans conditions, elle a abandonné tout simplement le projet.
Les partis politiques, d’une façon générale n’ont exprimé aucun intérêt à la question. Seuls quelques journaux indépendants s’en sont fait l’écho.


Le recours aux armes chimiques

Mais il n’y a pas que le rapatriement de la dépouille de Mohamed Abdelkrim El Khattabi qui n’intéresse pas. C’est le cas aussi de la guerre chimique contre le Rif.
Lorsque nous avons voulu tenir un colloque international sur la question, nous avons eu toutes les difficultés et tracasseries administratives.
Incompréhensibles au demeurant. L’Etat marocain n’accorde aucun intérêt au sujet. Lors de l’invitation du Groupe de recherche sur la guerre chimique contre le Rif, au parlement espagnol, les chaînes de télévision marocaines ont été invitées, en vain. Aucune n’a répondu à l’appel.
Si dans le Rif, l’usage des armes chimiques de destruction massive est encore présent, aussi bien dans les esprits que physiquement, d’aucuns s’interrogent, dans le reste du pays, s’il y a vraiment eu une guerre chimique contre le Rif.
Mais, que s’est-il passé au juste ? Lors de la guerre du Rif, entre 1921 et 1926, il a été fait usage, principalement par l’Espagne et subsidiairement par la France, d’armes chimiques de destruction massive (ACDM). Ces armes étaient connues sous des euphémismes : gaz toxiques, bombes spéciales, bombes X,…
En fait, il s’agit d’ypérite (gaz moutarde), de chloropicrine et de phosgène. La qualification consacrée, aujourd’hui, pour la désignation de ces armes est celle d’armes chimiques de destruction massive.
Et le plus grave, dans toute cette histoire, c’est que les effets de ces ACDM se font encore ressentir de nos jours dans le Rif et ses populations. Longtemps durant, on ne comprenait pas pourquoi il y avait un taux démesurément élevé de cancers du pharynx et du larynx chez les populations rifaines.
Des études scientifiques, faites par des experts généticiens internationaux reconnus et travaillant pour le compte des Nations unies et d’institutions sérieuses affirment, sans ambages, au terme de leurs recherches que les armes en question se trouvent avoir des effets cancérigènes et mutagènes, de génération en génération.
Aujourd’hui, en France, l’Etat français revient, d’une façon générale, sur les lois mémorielles.
Il n’est plus question de magnifier les «bienfaits de la colonisation», ou de dire aux professeurs ce qu’ils doivent obligatoirement enseigner.
Pas loin de chez nous, nos voisins proches ne cessent de réclamer des excuses, voire réparation de l’Etat français pour la colonisation et la guerre d’Algérie. Récemment, la Libye a obtenu, de l’Italie, réparation matérielle pour les préjudices subis du temps de la colonisation.
En ce qui concerne le Maroc, seule la société civile, ou tout au moins une partie, milite en faveur de la question et récemment, deux partis politiques viennent de s’exprimer, du bout des lèvres, pour une réparation.
Abdelkrim, de son vivant, a milité pour le recouvrement de l’intégrité territoriale de l’ensemble du Maroc, dont le Sahara. Aujourd’hui, le Maroc dispose d’atouts historiques, politiques et autres dont il tarde à se servir.


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