Alors que la grève dure depuis lundi dernier, les usagers du transport en commun continuent à subir de plein fouet les blocages. Partout à Casablanca, il n'y a pas moyen de trouver un grand taxi. Pour les usagers, le problème revêt une importance extrême. Ils doivent rejoindre leurs postes de travail surtout quand il s'agit d'une société privée. Car pour une société privée qui veut assurer la continuité de son service et ne pas perdre ses contrats, une grève dans les transports en commun, ce n'est pas une excuse valable. Certes, les employeurs comprendraient peut-être les difficultés passagères dues à cette situation. Par exemple, à Sidi Maârouf, une zone périphérique de la métropole, le problème revêt une dimension critique. Déjà le flagrant manque de moyens de transport pose problème depuis plus de quatre ans. Et à cause de cette grève, on assiste à une scène des plus dramatiques. Tôt le matin, une longue file attend le bus. Pas de grands taxis. Introuvables ou insuffisants, les petits taxis, quant à eux, se font de plus en plus rares. Et quand ça arrive et qu’un chauffeur de taxi accepte de déposer tel ou tel client, il applique sa propre loi: pas de compteur et double tarif. « J'ai l'habitude de prendre un petit taxi de Bourgogne vers la gare ferroviaire, Casa-voyageurs, à 15 DH. Vu la grève actuelle, je l'ai pris à 30 DH, soit pratiquement le double», déclare, attristé, Mohamed, employé dans une société. Une situation qui ne profite à personne sauf aux khtattafas, chauffeurs de taxi clandestins. Ceux-ci ont pu en l'espace des cinq derniers jours faire des recettes record. Ils ont gagné du terrain. Et ce ne sont pas les exemples qui manquent. Au centre-ville, on dépose les clients à 40 DH pour des trajets coûtant habituellement au maximum 20 DH. Et pour atteindre les zones périphériques de la métropole, les usagers payent jusqu'à 60 DH pour Aïn Sebaâ, Bernoussi, Sidi Moumen, entre autres. Les bus sont très rares et ne suffisent pas vraiment pour assurer le transport dans la capitale économique du pays.
Le pas de trop des grévistes
D'irréfléchis fauteurs de troubles, en somme. C'est le moindre que l'on puisse dire sur les grévistes qui ont commis des actes de violence, mercredi dernier à la gare routière Oulad Ziyane. Tout autour, une dizaine de chauffeurs de taxi et autres grévistes manifestaient à pied, entraînant des perturbations de la circulation. Ils bloquaient ensuite les entrées de la gare empêchant les autocars d’en sortir. Et à l'arrivée des forces de l'ordre, des affrontements ont eu lieu entre ceux-ci et les grévistes. Un incident suite auquel, dix d'entre eux ont été arrêtés.
A Médiouna, une dizaine de taxis étaient en convoi pour mettre en place des barrages filtrants. A Bine L'mdoun, plusieurs taxis se sont rassemblés dès 07h30 perturbant la circulation des bus, des camions et des taxis. Conséquence: une trentaine de grèvistes arrêtés, près de quarante chauffeurs blessés, plus de soixante véhicules saccagés, menaces verbales et physiques contre les non-grévistes. A dire vrai, le chaos total. Face à cette situation, le gouvernement s'est contenté de rappeler que «l’organisation de la grève ne doit pas porter atteinte à la liberté du travail et incite au respect de cette liberté par les parties appelant au mouvement de débrayage». Affaire à suivre.
Les médias déplacent le conflit
Dans les titres des journaux comme dans le JT, on retrouve la langue de bois habituelle à propos de ce conflit. Informant sur les effets plutôt que sur les causes, la plupart des médias opposent les grévistes aux usagers, plutôt qu'au ministère de tutelle qui s'attaque à leurs droits. Quand les raisons du mouvement sont évoqués, seul le mécontentement des syndicalistes est mentionné, alors que les revendications sont multiples. Dans la presse quotidienne, sur les radios, c'est le même refrain. Les chauffeurs des grands taxis de la métropole manifestent leur colère. Pourtant, l'affaire est très simple. Les syndicats des chauffeurs de taxi à Casablanca pointent du doigt le gouvernement. Ils s'insurgent contre l'indifférence de ce dernier et expliquent que cette grève émane en majeure partie des revendications des professionnels. Objectif : forcer le gouvernement à annuler un sous-titre de son nouveau Code de la route, proposé par le ministre du Transport, Karim Ghallab. Un code qui autorise le retrait du permis de conduire au cas où le conducteur dépasserait les 24 points ou encore le nombre de procès intentés à celui-ci. Pire encore, dans ce cas-là, le chauffeur est obligé de renouveler ses papiers et repasser l'examen de permis.
Ralentissement des exportations
Rien qu'en six jours, la grève a eu un impact négatif sur le marché de fruits et légumes. Les professionnels du secteur notent un léger ralentissement des exportations. La flambée des prix de ces produits ne se fait pas tarder. Le prix des légumes a connu une hausse d'environ 30%. Celui des tomates, par exemple, est passé de 3 à 5 DH. La même chose ou presque pour les fruits. Cependant, le marché est suffisamment approvisionné en produits et pourrait tenir le coup. Car, il y a des professionnels qui prennent encore le risque de faire transporter leurs marchandises pendant la journée pour échapper aux actes de violence des grévistes qui n'hésitent d’ailleurs pas à saccager les pare-brise des camions.