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Les modalités de l’assistance de l’avocat. Le droit à un entretien privé avec un avocat, d’une durée de 30 minutes est maintenu. Ce droit dont bénéficie le suspect est mis en œuvre dès le début de la garde. Ce droit est renouvelé lors de la prolongation de la garde à vue. L’avocat peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions garantissant la confidentialité de l’entretien. Ce qui suppose que de nombreux locaux soient aménagés dans les postes de police et de gendarmerie. L’avocat est informé avant l’entretien de la nature de l’infraction et de sa date présumée. Il ne peut faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue. Ce dont l’avant-projet n’est pas un œuvre créateur sur ce sujet.
Toutefois, l’un des points saillants de celui-ci par rapport à la loi 22-01 réside dans le fait que le suspect peut s’entretenir avec l’avocat dès le début de la mesure et non pas avant la fin de la moitié de la durée principale de la garde à vue. En cas de crime et d’infraction terroriste et si le bon déroulement de l’enquête l’exige, l’entretien avec l’avocat est repoussé sans dépasser la moitié de la durée de la garde à vue.
C’est l’intéressé qui choisit son avocat. Si celui-ci ne peut être joint ou à défaut de choix, c’est le bâtonnier qui lui en désigne un d’office, sur sa demande.
Mais il faut temporiser cet enthousiasme, car il ne faut pas fermer les yeux sur les lacunes du texte. Ces lacunes nous laissent perplexes pour décider du caractère suffisant de la réforme au regard de la protection des droits individuels.
D’abord, l’avocat ne peut pas consulter le dossier ni assister aux auditions et confrontations de son client. Or, l’accès au dossier constitue un aspect du droit d’être entendu. C’est cela qui justifie l’intégration de cette condition dans l’article 63-4-1 du C.P.P français. Cet article permet à l’avocat de consulter le procès-verbal constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi, ainsi que les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste. “Il ne peut en demander ou en réaliser une copie. Il peut toutefois prendre des notes.”
“La personne gardée à vue peut également consulter les documents mentionnés au premier alinéa du présent article ou une copie de ceux-ci.”
Et l’article 63-4-2 du C.P.P. permet à la personne gardée à vue de demander que l’avocat assiste à ses auditions et confrontations. “Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d’identité, ne peut débuter sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office avant l’expiration d’un délai de deux heures suivant l’avis adressé dans les conditions prévues à l’art. 63-3-1 de la demande formulée par la personne gardée à vue d’être assistée par un avocat. Au cours des auditions ou confrontations, l’avocat peut prendre des notes”.
“A l’issue de chaque audition ou confrontation à laquelle il assiste, l’avocat peut poser des questions. L’officier ou l’agent de police judiciaire ne peut s’opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête. Mention de ce refus est portée au procès-verbal.” (art. 63-3-4 du C.P.P. français).
Il aurait donc fallu, dans un premier temps, autoriser à l’avocat d’assister aux auditions et confrontation avant de prévoir l’enregistrement audiovisuel, car il n’est pas sûr que le budget de l’Etat est en mesure de fournir tous les commissariats de police de cet instrument.
Le but étant d’éviter que le suspect ne soit soumis à un traitement inhumain et dégradant et aussi des aveux extorqués surtout que les policiers ont tendance à se limiter aux aveux du suspect pour construire leur conviction et ils sont réticents pour procéder aux autres investigations. L’avocat pourra être le témoin des conditions de la garde à vue. Cela ne met pas en cause l’utilité et l’importance de l’enregistrement audiovisuel, mais le seul recours à celui-ci demeure insuffisant pour protéger l’individu de toute pratique contraire aux instruments des droits de l’Homme.
L’assistance de l’avocat à l’interrogatoire est prévue par l’avant-projet de loi portant modification de la procédure pénale, mais il a limité ce droit aux mineurs, aux personnes handicapées et au suspect laissé en liberté (art. 73-3 C.P.P.). Cette disposition est étonnante, car la réticence du législateur de consacrer ce droit, en dépit de ses limites, l’avocat ne peut pas poser des questions ou faire des observations, au gardé à vue, est susceptible de créer une protection “à géométrie variable”, et par là de porter une violation aux instruments protecteurs des droits de l’homme. Il faut donc uniformiser ce système à toutes les situations.
Mais il faut optimiser davantage cette proposition inspirée du droit français et aller encore plus loin concernant la question de l’assistance de l’avocat aux interrogatoires. Des solutions peuvent ainsi être proposées. Elles s’inspirent de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Ainsi, la Cour européenne des droits de l’homme dans deux décisions : SALDUZ c./ Turquie du 25 novembre 2008, et DYANAN c./Turquie du 13 octobre 2009, a fondé sa décision notamment sur la violation de l’article 6 C.E.S.H. Elle affirme que le prévenu doit bénéficier de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police. Il doit bénéficier d’une assistance effective d’un avocat.
Dans l’arrêt DYANAN, la Cour européenne des droits de l’Homme détaille ce droit à un avocat. Il comporte :
-la discussion de l’affaire ;
-l’organisation de la défense ;
-la recherche des preuves favorables à l’accusé ;
-la préparation des interrogatoires ;
-le soutien psychologique à l’accusé ;
-le contrôle de la détention.
La Cour européenne des droits de l’Homme, FIDANCI c./Turquie (CEDH, 2e sect., 17 janv. 2012, Fidanci c. Turquie, n° 17730/07.), affirme que « l’absence d’avocat lors d’une garde à vue au cours de laquelle le suspect a tenu des déclarations sur lesquelles s’est notamment fondée sa décision de condamnation viole l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme».
5) L’intervention du médecin au cours de la garde à vue
La loi 22-01 ne connaît le droit du suspect à un examen médical qu’en cas de présentation de la personne devant le procureur du Roi. Or cette solution n’est pas forcément la meilleure.
Malheureusement, l’avant-projet de loi n’opère pas un sursaut qualitatif de cette question. En effet, l’O.P.J. ne peut soumettre le gardé à vue à un examen médical que lorsqu’il apparaît sur le prévenu des traces ou une maladie, et après avoir avisé le ministère public. Il ne s’agit là que d’une évolution de petit pas.
Pour s’en convaincre, il suffit de lire le Code de procédure pénale français. En effet, l’art. 63-3, modifié par la loi du 14 avril 2011, prévoit que : “toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, être examinée par un médecin désigné par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire.
En cas de prolongation, elle peut demander à être examinée une seconde fois. Le médecin se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue et procède à toutes constatations utiles. Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences incombant aux enquêteurs en application du présent alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande. Sauf décision contraire du médecin, l’examen médical doit être pratiqué à l’abri du regard et de toute écoute extérieurs afin de permettre le respect de la dignité et du secret professionnel.
A tout moment, le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire peut d’office désigner un médecin pour examiner la personne gardée à vue.
En l’absence de demande de la personne gardée à vue, du procureur de la République ou de l’officier de police judiciaire, un examen médical est de droit si un membre de sa famille le demande ; le médecin est désigné par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire”.
Le législateur marocain doit donc avoir une vision optimale pour pouvoir réussir sa réforme, car il donne l’impression qu’il est toujours hésitant et manque de volonté pour opérer une évolution à grand pas.
En guise de conclusion, la garde à vue est une mesure attentatoire aux libertés individuelles et au principe de la présomption d’innocence. De là, il paraît important que la loi veille à entourer cette mesure de garanties. Or l’avant-projet de loi portant modification de la procédure pénale n’a pas réussi à combler toutes les lacunes de la loi 22-01, comme le renforcement de l’assistance d’un avocat, l’examen médical, le raccourcissement du délai de la garde-à-vue (....). De là cet avant-projet n’opère qu’une réforme qu’on peut qualifier de “petit pas” qui n’est pas en mesure de permettre à notre législation de se conformer aux instruments internationaux des droits de l’Homme et à la Constitution.
(Fin)
* Enseignant-chercheur en droit Faculté de droit -Casablanca
Toutefois, l’un des points saillants de celui-ci par rapport à la loi 22-01 réside dans le fait que le suspect peut s’entretenir avec l’avocat dès le début de la mesure et non pas avant la fin de la moitié de la durée principale de la garde à vue. En cas de crime et d’infraction terroriste et si le bon déroulement de l’enquête l’exige, l’entretien avec l’avocat est repoussé sans dépasser la moitié de la durée de la garde à vue.
C’est l’intéressé qui choisit son avocat. Si celui-ci ne peut être joint ou à défaut de choix, c’est le bâtonnier qui lui en désigne un d’office, sur sa demande.
Mais il faut temporiser cet enthousiasme, car il ne faut pas fermer les yeux sur les lacunes du texte. Ces lacunes nous laissent perplexes pour décider du caractère suffisant de la réforme au regard de la protection des droits individuels.
D’abord, l’avocat ne peut pas consulter le dossier ni assister aux auditions et confrontations de son client. Or, l’accès au dossier constitue un aspect du droit d’être entendu. C’est cela qui justifie l’intégration de cette condition dans l’article 63-4-1 du C.P.P français. Cet article permet à l’avocat de consulter le procès-verbal constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi, ainsi que les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste. “Il ne peut en demander ou en réaliser une copie. Il peut toutefois prendre des notes.”
“La personne gardée à vue peut également consulter les documents mentionnés au premier alinéa du présent article ou une copie de ceux-ci.”
Et l’article 63-4-2 du C.P.P. permet à la personne gardée à vue de demander que l’avocat assiste à ses auditions et confrontations. “Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d’identité, ne peut débuter sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office avant l’expiration d’un délai de deux heures suivant l’avis adressé dans les conditions prévues à l’art. 63-3-1 de la demande formulée par la personne gardée à vue d’être assistée par un avocat. Au cours des auditions ou confrontations, l’avocat peut prendre des notes”.
“A l’issue de chaque audition ou confrontation à laquelle il assiste, l’avocat peut poser des questions. L’officier ou l’agent de police judiciaire ne peut s’opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête. Mention de ce refus est portée au procès-verbal.” (art. 63-3-4 du C.P.P. français).
Il aurait donc fallu, dans un premier temps, autoriser à l’avocat d’assister aux auditions et confrontation avant de prévoir l’enregistrement audiovisuel, car il n’est pas sûr que le budget de l’Etat est en mesure de fournir tous les commissariats de police de cet instrument.
Le but étant d’éviter que le suspect ne soit soumis à un traitement inhumain et dégradant et aussi des aveux extorqués surtout que les policiers ont tendance à se limiter aux aveux du suspect pour construire leur conviction et ils sont réticents pour procéder aux autres investigations. L’avocat pourra être le témoin des conditions de la garde à vue. Cela ne met pas en cause l’utilité et l’importance de l’enregistrement audiovisuel, mais le seul recours à celui-ci demeure insuffisant pour protéger l’individu de toute pratique contraire aux instruments des droits de l’Homme.
L’assistance de l’avocat à l’interrogatoire est prévue par l’avant-projet de loi portant modification de la procédure pénale, mais il a limité ce droit aux mineurs, aux personnes handicapées et au suspect laissé en liberté (art. 73-3 C.P.P.). Cette disposition est étonnante, car la réticence du législateur de consacrer ce droit, en dépit de ses limites, l’avocat ne peut pas poser des questions ou faire des observations, au gardé à vue, est susceptible de créer une protection “à géométrie variable”, et par là de porter une violation aux instruments protecteurs des droits de l’homme. Il faut donc uniformiser ce système à toutes les situations.
Mais il faut optimiser davantage cette proposition inspirée du droit français et aller encore plus loin concernant la question de l’assistance de l’avocat aux interrogatoires. Des solutions peuvent ainsi être proposées. Elles s’inspirent de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Ainsi, la Cour européenne des droits de l’homme dans deux décisions : SALDUZ c./ Turquie du 25 novembre 2008, et DYANAN c./Turquie du 13 octobre 2009, a fondé sa décision notamment sur la violation de l’article 6 C.E.S.H. Elle affirme que le prévenu doit bénéficier de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police. Il doit bénéficier d’une assistance effective d’un avocat.
Dans l’arrêt DYANAN, la Cour européenne des droits de l’Homme détaille ce droit à un avocat. Il comporte :
-la discussion de l’affaire ;
-l’organisation de la défense ;
-la recherche des preuves favorables à l’accusé ;
-la préparation des interrogatoires ;
-le soutien psychologique à l’accusé ;
-le contrôle de la détention.
La Cour européenne des droits de l’Homme, FIDANCI c./Turquie (CEDH, 2e sect., 17 janv. 2012, Fidanci c. Turquie, n° 17730/07.), affirme que « l’absence d’avocat lors d’une garde à vue au cours de laquelle le suspect a tenu des déclarations sur lesquelles s’est notamment fondée sa décision de condamnation viole l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme».
5) L’intervention du médecin au cours de la garde à vue
La loi 22-01 ne connaît le droit du suspect à un examen médical qu’en cas de présentation de la personne devant le procureur du Roi. Or cette solution n’est pas forcément la meilleure.
Malheureusement, l’avant-projet de loi n’opère pas un sursaut qualitatif de cette question. En effet, l’O.P.J. ne peut soumettre le gardé à vue à un examen médical que lorsqu’il apparaît sur le prévenu des traces ou une maladie, et après avoir avisé le ministère public. Il ne s’agit là que d’une évolution de petit pas.
Pour s’en convaincre, il suffit de lire le Code de procédure pénale français. En effet, l’art. 63-3, modifié par la loi du 14 avril 2011, prévoit que : “toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, être examinée par un médecin désigné par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire.
En cas de prolongation, elle peut demander à être examinée une seconde fois. Le médecin se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue et procède à toutes constatations utiles. Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences incombant aux enquêteurs en application du présent alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande. Sauf décision contraire du médecin, l’examen médical doit être pratiqué à l’abri du regard et de toute écoute extérieurs afin de permettre le respect de la dignité et du secret professionnel.
A tout moment, le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire peut d’office désigner un médecin pour examiner la personne gardée à vue.
En l’absence de demande de la personne gardée à vue, du procureur de la République ou de l’officier de police judiciaire, un examen médical est de droit si un membre de sa famille le demande ; le médecin est désigné par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire”.
Le législateur marocain doit donc avoir une vision optimale pour pouvoir réussir sa réforme, car il donne l’impression qu’il est toujours hésitant et manque de volonté pour opérer une évolution à grand pas.
En guise de conclusion, la garde à vue est une mesure attentatoire aux libertés individuelles et au principe de la présomption d’innocence. De là, il paraît important que la loi veille à entourer cette mesure de garanties. Or l’avant-projet de loi portant modification de la procédure pénale n’a pas réussi à combler toutes les lacunes de la loi 22-01, comme le renforcement de l’assistance d’un avocat, l’examen médical, le raccourcissement du délai de la garde-à-vue (....). De là cet avant-projet n’opère qu’une réforme qu’on peut qualifier de “petit pas” qui n’est pas en mesure de permettre à notre législation de se conformer aux instruments internationaux des droits de l’Homme et à la Constitution.
(Fin)
* Enseignant-chercheur en droit Faculté de droit -Casablanca