Condamnés à freiner avant d'entrer en gare, les trains marocains semblent avoir pris la fâcheuse habitude de ne s'y arrêter qu'avec retard. La semaine écoulée, les horaires de l'ONCF ont ainsi été écornés à plusieurs reprises par ses mécaniciens. Une manière de faire comprendre au commun des mortels que si les augmentations de leurs émoluments prennent souvent plus de temps qu'il n'en faut pour entrer en application, ils n'arriveront peut-être jamais à rattraper un coût de la vie dont la course effrénée vers les sommets ne cesse de s'accélérer. De fait, ce n'est nullement là la cause essentielle des retards de train que l'Office prend un malin plaisir à ne jamais communiquer au public autrement que dans ses gares. L'état du réseau ferroviaire et l'existence de nombreux passages à niveau non gardés y sont certainement pour beaucoup.
Mais l'arrivée en retard des trains ne déroge nullement à la règle générale. Les autocars le font souvent sans que l'on n'y prenne garde. Idem pour les taxis ; voire même, dans certains cas, les avions. En somme, tous les moyens de transports publics marocains sacrifient peu ou prou à cette culture du retard qui distingue les pays développés de ceux qui s’échinent à les suivre dans l'espoir de les rattraper un jour.
Le retard apparaît dans ce cas comme symptomatique d'un refus manifeste d'entrer de plain-pied dans la modernité. Autrement dit, le vrai retard n'est pas uniquement celui du transport public des hommes et des marchandises. Il est plus général et concerne des sphères aussi éloignées les unes des autres que le sont la culture, la société, le monde des affaires, la politiques, etc. Il n'en est que plus dangereux.