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La coopérative féminine Targante Ijjane se met au diapason : Quand les villageoises de Tiznit s’initient à la fabrication de savon à base d’huile d’argan


D.N.E.S IDRISS OUCHAGOUR
Vendredi 24 Juin 2011

La coopérative féminine Targante Ijjane se met au diapason : Quand les villageoises de Tiznit s’initient à la fabrication de savon à base d’huile d’argan
Commune de Sidi Hmad Omoussa, à 60 km au Sud-est de Tiznit. Après une bonne dizaine de kilomètres de pistes rocailleuses et cahoteuses par endroits, on accède à Toumanar. Un village perdu au milieu de nulle part, entre des montagnes abruptes jonchées à perte de vue, particulièrement d’arganiers, jujubiers, et euphorbes.
A peine arrivé au centre du hameau par une ruelle étroite, on est d’emblée frappé par une bâtisse en béton rouge ocre, entre les maisons dans l’ensemble construites en pisé, c’est le local de la coopérative «Targante Ijjane» du village. Sa présidente, Yamna Boukssim, avertie de notre visite pour s’enquérir du projet de fabrication du savon, guette notre arrivée à la porte. La coopérative, créée en 2005 par l’Association de développement du village en partenariat, entre autres, avec la GTZ, l’INDH, compte, aujourd’hui, une quarantaine de femmes et filles membres permanentes. Elle produit les huiles d’argan : les cosmétiques au même titre que les comestibles. Il suffit d’une visite dans les différents locaux pour s’apercevoir qu’elle est bien équipée en matériel adéquat : torréfacteur, dénoyauteur, machine à concasser, de mise en conditionnement, d’emballage, etc. C’est dire de quoi créer une petite économie d’échelle … !. Vêtues de longues blouses blanches avec au dos en gras le nom de leur structure agricole, les femmes s’affairent autour de Charlotte Gallois et Sara Tauzin, deux élèves en première année en cycle ingénieur à l'Ecole nationale supérieure de chimie de Rennes, hôtes, il y a de cela deux semaines, des villageoises. Elles sont là pour les initier au procédé de fabrication du savon à partir des huiles d’argan, d’olive et de palme.
Notre arrivée semble tomber à point nommé. «Venez! nous invite la présidente, Yamna, nous allons assister, avant le départ des deux étudiantes, à la dernière séance de démonstration du processus d’extraction du savon à partir des huiles végétales ». Dans la cour de la bâtisse, tout le matériel à utiliser y est prêt. Et ça commence ! Hafida, les mains gantées, branche une balance électrique. «C’est un outil de première nécessité pour les pesées des différents ingrédients», nous renseigne-t-elle. Les dosages sont déterminés au milligramme près;  tout excès risque de compromettre la qualité du produit final.
Elle et Naîma s’occupent d’établir la «posologie» exacte en fonction de la quantité de savon à obtenir. Une fois l’opération terminée, le tout est versé dans une bassine. Les deux jeunes filles demandent par la suite l’assistance de Mina pour la phase finale.
Elles enfilent gants, lunettes spéciales et masques, pour se protéger des inhalations dégagés par la réaction du mélange après l’ajout d’un produit dangereux aux matières posées dans le récipient. Avant de procéder au malaxage avec un pilon pendant un temps déterminé. Le contenu visqueux est transvasé, ensuite, dans un moule de fortune, pour laisser sécher et durcir pendant un mois. Dès lors, on le coupe en morceaux. «Suivez-moi pour voir le produit obtenu des expériences précédentes », nous demande Sara, en pénétrant dans une salle où sont exposés sur une haute table en béton des lots de spécimens. «Voilà c’est un peu comme ça que ça deviendra une fois coupé; il y a là trois types de savon : celui-ci est à base de l’huile d’argan et de palme, celui-là à base d’olive et de palme, à côté, il est fait de graisse de bœuf et huile d’argan avec du citron, et l’autre, avec l’huile d’argan, de palme et du sable» ; explique-t-elle.
«Vous remarquez que les tailles des morceaux ne sont pas régulières,  faute de moule et d’outils de coupe; du coup, nous nous sommes rabattus sur le fil, pour cette opération», intervient Yamna. Si on ne divulgue pas les détails du processus de fabrication, c’est à l’instigation des femmes de la coopérative qui préfèrent garder en secret la recette. Sans nul doute, l’enjeu en vaut la chandelle !
La préparation des savons issus des huiles, c’est un nouveau créneau pour les coopératives locales. D’autant plus qu’aucune entité de ces dernières n’y est parvenue jusque-là. « La seule coopérative d’argan est à Tafraout. Mais, rien n’est réalisable sur place. La fabrication se fait à Tanger ou Casa, à la demande et pour le compte de celle-là, avant de recevoir le produit fini prêt à être commercialisé», nous avance Yamna.
C’est de bonne guerre, enchaîne-t-elle. L’atout est dans le coût de revient, et donc de la vente. Notre coopérative jouera sur cela pour gagner l’avantage concurrentiel, se frotte les mains, la présidente. Désormais que la leçon semble être bien assimilée par les femmes de Toumanar, celles-ci peuvent s’y mettre toutes seules. La conception ou le choix de l’emballage adéquat à même de valoriser le produit dans le respect de l’environnement, taraude déjà Targante Ijjane.
«Nous sommes pour l’adoption d’un emballage carton biodégradable, le plastique est à bannir ; il faut s’aligner sur le principe de la lutte contre la pollution de la nature », suggèrent les membres du bureau. Toutefois, le problème urgent qui s’invite à la table dès maintenant c’est : la protection de la marque et la commercialisation de son produit. Mais là, Yamna a tout anticipé. Elle semble en être avisée, pour s’être empressée d’entamer les démarches nécessaires. «C’est fait; toutes les dispositions administratives demandées seront parachevées dans un bref délai », confirme-t- elle. Les produits cosmétiques dérivés des huiles d’argan ont désormais de plus en plus de la cote auprès, aussi bien des Marocains que des étrangers, fascinés par leurs vertus avérées. Il n’est pas étonnant de voir le marché de ces produits s’élargir, et exprimer des «demandes pantagruéliques», souvent grandissantes. Nul doute que l’impact socioéconomique de ce projet sur les populations de Toumanar sera bénéfique.
« Nous plaçons beaucoup d’espoir dans ce projet. Surtout que dans notre village, les familles vivent uniquement de la petite agriculture et de l’arboriculture qui sont loin d’être très rémunératrices; ce sera donc une ressource d’appoint pour les femmes à même de contribuer à améliorer leur situation et celle de leurs familles», pronostique Yamna.
En effet, l’isolement et l’enclavement vu sa position géographique et l’état de la route à Toumanar ne favorisent guère l’amélioration des conditions de vie. Les sirènes de l’émigration vers les centres urbains ne séduisent que peu de gens dans le douar. De ce fait, « la structure familiale dominée encore par l’attachement au regroupement des membres de la même famille dans la demeure parentale, s’accentue; ce qui sclérose les initiatives et accroît la démographie. Cela pose problème quant à l’accès aux soins sanitaires et à la scolarisation des enfants. Voilà pourquoi nous souhaitons que le projet permette aux familles de parvenir à une vie décente et à l’accès aux services de base», argumente la présidente de l’Association.


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