Hitler, pour citer le pire d’entre eux, a, par deux fois, échoué à l’examen d’entrée à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne. Mais il a continué à peindre au point d’avoir laissé des aquarelles, dont douze, récemment mises aux enchères à Londres, ont rapporté 143.000 dollars. Succès, hélas, tardif, car frustré par son échec d’artiste, il a versé dans la politique avec ce que cela a induit comme sang versé et comme malheurs indicibles pour l’ensemble de l’humanité.
Churchill était plus cher. Lui qui avait promis aux siens du sang, de la sueur et des larmes pour vaincre l’ire vengeresse du premier, avait réussi l’exploit d’exposer ses tableaux dans une galerie parisienne réputée. En avril 2008, à New York, l’une de ses toiles a même changé de main pour 420.000 dollars.
Poutine a fait encore mieux. En janvier dernier, son tableau «Ouzor» («Broderie») avait été vendu pour 37 millions de roubles (plus d’un million de dollars), somme qu’il a versée à des œuvres de bienfaisance.
Comme Klee, l’actuel homme fort de Russie veut voir le visible et se permet même de critiquer les œuvres des autres. Il en regarde les détails les plus infimes et les juge. Sans appel.
Le souci des détails n’est d’ailleurs pas rare dans les rapports entre la politique et l’art.
En général, les hommes politiques, du moins les plus cultivés d’entre eux, donnent l’impression de ne pas comprendre que la vérité de l’œuvre d’art, c’est celle de l’artiste et non la leur.
Ce qui n’est pas le cas chez nous. Non pas parce que nos politiques sont de bons peintres ou de bons critiques. Loin s’en faut. A part une ou deux exceptions près, ces derniers ne sont, en effet, pas férus de peinture.
En la matière, ils font plutôt allégeance à l’incontournable mimétisme et aux effets de mode pour meubler tant leurs salons que leurs discussions.
Ayant généralement horreur du prêt-à-porter, ils raffolent pourtant du prêt à penser. Exit donc Klee et vive le baratin et le gribouillage.
N’est-on pas au Maroc, pays des traditions orales et des contrastes ?