L'arganeraie, une mine d'or vert à l'épreuve du dérèglement climatique


Libé
Lundi 12 Mai 2025

L'arganeraie, une mine d'or vert à l'épreuve du dérèglement climatique
Au pied des contreforts de l'Anti-Atlas, là où le climat est semi-aride à aride, se dresse, tel un symbole de résilience et de développement durable, un arbre endémique du Maroc, à forte valeur écologique, économique et culturelle: l'arganeraie.

Bien plus qu'un simple végétal, cette essence forestière emblématique agit tel un "bouclier écologique", assurant, à la fois, le rôle de rempart contre les phénomènes climatiques extrêmes et de gardien d'un savoir-faire ancestral et d'une identité nationale. Autant d'atouts qui lui ont valu la reconnaissance par l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) comme patrimoine culturel immatériel de l'humanité.

Toutefois, cette précieuse ressource naturelle se trouve confrontée à de multiples risques et défis, notamment le réchauffement climatique et la succession des années de sécheresse, qui impactent son développement et engendrent sa dégradation, déplore la directrice générale de l'Agence nationale pour le développement des zones oasiennes et de l'arganier (ANDZOA), Latifa Yaakoubi.

Approchée par la MAP à l'occasion de la Journée internationale de l'arganier (10 mai), Mme Yaakoubi a pointé du doigt divers facteurs anthropiques et climatiques qui impactent cet arbre semi-aride, notamment la multifonctionnalité du territoire où se superposent pâturage, labour et autres usages, le déficit hydrique altérant le cycle de production, l'irrégularité des pluies et les épisodes de sécheresse de plus en plus intenses.

"Face à ces conditions défavorables, l'arganier, connu pour sa résilience et son adaptabilité, déploie ses mécanismes physiologiques d'adaptation, lui assurant une longévité de plus de 100 ans, privilégiant ainsi sa survie au détriment de la fructification et de la reproduction", explique la responsable.

Résultat : Des arganiers en stress de plus en plus vulnérables aux parasites, un appauvrissement de l'ensemble du couvert végétal associé et une diminution de la récolte de fruits estimée à plus de 50% dans les zones aux pratiques non rationnelles, précise-t-elle.
Même son de cloche chez le chef du Centre régional de la recherche agronomique d'Agadir, Abdelaziz Mimouni, pour qui l'état des lieux de l'arganier est "assez préoccupant" en raison du dessèchement sévère subi par ces arbres au cours des dernières années, ce qui a "gravement limité leur productivité fruitière et causé la perte de plusieurs d’entre eux".

"Certes, les dernières pluies ont permis de démontrer une fois de plus la résilience de cette essence, en permettant à de nombreux arbres de reprendre leur végétation, notamment dans la région d'Essaouira, mais elles restent tout de même insuffisantes pour que la totalité de l'arganier soit sauvé et puisse retrouver sa capacité productive et de résilience d'antan", a-t-il estimé dans un entretien à la MAP.
De ce fait, la préservation de cet arbre endémique du Royaume est aujourd'hui plus importante que jamais.
 
Une ressource vitale pour les populations locales

Couvrant une superficie de 830.000 hectares au sein de la réserve de biosphère de l'arganeraie, l'arganier contribue, en effet, à la stabilisation des sols escarpés, grâce à ses racines profondes permettant de réduire l'érosion jusqu’à 75% dans les zones montagneuses et de limiter l'ensablement progressif des terres agricoles.

En outre, il permet de faciliter la régulation des flux hydriques, de renforcer la résilience contre les phénomènes climatiques extrêmes comme les inondations et d'atténuer les émissions de gaz à effet de serre, dans la mesure que chaque hectare d'arganier séquestre annuellement 2,5 tonnes de CO2.

C'est précisément dans cette logique que s'inscrit le choix du thème de la Journée internationale de l'arganier cette année, à savoir "L'arganier, levier pour renforcer l'atténuation des effets du changement climatique".
L'objectif étant de rappeler une fois de plus l'importance vitale de cet arbre pour l'écosystème marocain et les communautés qui en dépendent.

Ainsi, pour le fondateur du réseau des Associations de la réserve de biosphère de l'arganeraie (RARBA), Khalid Alayoud, le microclimat non désertique du Souss doit justement son existence notamment à l'arganier.

De même, cet écosystème, abritant plus de 200 espèces végétales et 100 espèces animales endémiques, contribue également à la préservation d'une biodiversité unique.

Au-delà de sa valeur écologique, l'arganier représente aussi un pilier identitaire et social qui stimule l'économie locale en offrant des emplois à environ 4 millions de personnes, dont 80% de femmes au sein des coopératives, s'imposant ainsi comme un levier majeur d'émancipation féminine en milieu rural, selon l'ANDZOA.

En effet, la filière de l'arganier a permis la création de quelque 1.000 coopératives et 900 PME qui préservent des savoir-faire ancestraux, comme l'extraction manuelle de l'huile d'argane, favorisant ainsi une dynamique qui permet de freiner l'exode rural et de revitaliser des régions entières.

Pour préserver cette ressource précieuse et garantir sa durabilité, plusieurs initiatives ont été lancées par le Royaume, dont les stratégies "Génération Green 2020-2030" et "Forêts du Maroc 2020-2030".

Ces feuilles de route ont permis des avancées tangibles, à savoir la réhabilitation de plus de 246.000 hectares d'arganeraie historique et la plantation de 10.000 hectares supplémentaires dans les régions de Souss-Massa, Marrakech-Safi et Guelmim-Oued Noun, via un modèle innovant d'arganiculture climato-résiliente, d'après les chiffres de l'ANDZOA.

Parallèlement, de multiples actions ont été entreprises par cette Agence pour consolider le développement intégré et durable des territoires d'arganiers, telles que la modernisation des infrastructures d'eau potable, le désenclavement de zones isolées, l'amélioration des services sociaux de base (éducation, santé) et le développement de projets d’assainissement liquide.

A l'heure où le monde est en quête de modèles de développement résilients, l'arganeraie marocaine offre un exemple holistique qui concilie rentabilité économique, développement socio-économique et préservation écologique.

L'objectif étant de transformer le domaine forestier en un espace résilient, mobilisateur d'investissements durables, promoteur de filières porteuses et générateur d'alternatives économiques viables au profit des populations locales.

Par Fatine El Fatini (MAP) 


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