L'exécutif bruxellois table désormais sur une progression du produit intérieur brut (PIB) de seulement 0,9% en 2025 et de 1,4% en 2026 pour les 20 pays partageant la monnaie unique.
La Commission restait depuis novembre sur un pronostic de +1,3% en 2025 et +1,6% en 2026, unanimement jugé trop optimiste depuis les fortes hausses de droits de douane annoncées par le nouveau locataire de la Maison Blanche.
Bruxelles s'aligne ainsi sur le pronostic de la Banque centrale européenne (BCE) et de nombreux autres experts, en prenant acte de "l'affaiblissement des perspectives du commerce mondial et l'incertitude accrue entourant les politiques commerciales".
L'économie européenne "fait preuve de résilience dans un contexte de fortes tensions commerciales", a tenté de positiver le commissaire à l'Economie, Valdis Dombrovskis.
"Soutenue par un marché du travail robuste et des salaires en hausse, la croissance devrait se poursuivre en 2025, bien qu'à un rythme modéré", a-t-il mis en avant.
Si le scénario de Bruxelles se réalise, l'évolution du PIB en 2025 serait la même que l'an dernier, après une croissance de 0,4% en 2023. Des performances faibles et surtout bien inférieures, depuis des années, à celles des Etats-Unis ou de la Chine.
L'Europe reste enlisée dans une quasi-stagnation depuis fin 2022, à cause de la hausse des coûts de l'énergie consécutive à l'invasion de l'Ukraine par la Russie qui pénalise son industrie. Elle est à la traîne dans les technologies numériques.
L'Allemagne, bastion industriel et première économie européenne, est la plus touchée. La Commission anticipe pour elle une croissance nulle cette année, contre +0,7% attendu jusqu'ici. Cela, après une récession en 2023 et 2024 (respectivement -0,3% et -0,2%).
La révision est moins sévère pour la France, deuxième économie du continent : +0,6% en 2025, au lieu de +0,8%.
L'inquiétude autour de l'inflation est maintenant reléguée au second plan. Bruxelles la voit ralentir encore à 2,1% cette année dans la zone euro, en ligne avec l'objectif de la BCE.
Les taxes douanières de Trump ont jeté un coup de froid sur la conjoncture mondiale. Elles devraient réduire les flux commerciaux, rogner les bénéfices des multinationales, tandis que l'incertitude érode la confiance des entrepreneurs et retarde leurs projets d'investissements.
Et leur impact pourrait s'avérer plus sévère que prévu.
Les prévisions de la Commission sont bâties sur l'hypothèse de taxes douanières américaines sur les importations de biens européens à leur niveau actuel: soit 10% sur l'ensemble des produits, exemption pour les produits pharmaceutiques et semi-conducteurs, et 25% sur l'acier et les automobiles.
Valdis Dombrovskis reconnaît le risque d'un affaiblissement encore plus marqué de la croissance. "L'UE doit agir de manière décisive pour renforcer sa compétitivité", a-t-il martelé.
L'Europe ne peut mettre toutes ses difficultés sur le dos des crises successives: pandémie de Covid en 2020, invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, tensions commerciales avec Donald Trump en 2025.
"On se bat à la fois avec des défis conjoncturels et des défis structurels", souligne Charlotte de Montpellier, économiste pour la banque ING, évoquant "une situation assez morose depuis plusieurs années".
L'Europe subit un décrochage face aux Etats-Unis et doit se réformer radicalement si elle veut éviter "une lente agonie", avait averti l'ancien président de la BCE, Mario Draghi, dans un rapport publié en septembre.
Il a plaidé pour des investissements massifs dans l'innovation numérique, la transition verte et les industries de défense.
Message entendu. Le projet de "bazooka" d'investissements du nouveau chancelier allemand Friedrich Merz, pour moderniser les infrastructures de la première économie européenne et renforcer son armée, devrait apporter un soutien décisif à la croissance de l'UE à partir du deuxième semestre.
L'Union européenne s'est par ailleurs engagée à mettre en oeuvre les principales recommandations du rapport Draghi, comme l'allègement de réglementations qui pénalisent la compétitivité ou encore la création d'un véritable marché unique de la finance afin d'éviter que les meilleures start-up européennes s'exilent aux Etats-Unis pour y trouver les capitaux dont elles ont besoin.