Jeff Mills, pionnier de la techno à l'heure de la musique "bubblegum"


Samedi 13 Juillet 2019

Jeff Mills, pionnier de la techno à l'heure de la musique "bubblegum"
Il a été un pionnier de la techno, roi des DJ et se frotte depuis des années au classique. Mais à l'ère du numérique, Jeff Mills regrette la disparition du côté artisanal et engagé de l'électro face à la musique "bubblegum". Aux Chorégies d'Orange, le plus ancien festival d'art lyrique de France, où le public est plus habitué à entendre les oeuvres de Mozart et de Rossini qu'à voir des platines, l'Américain de 56 ans a joué mercredi soir 11 de ses titres aux côtés de l'Orchestre régional Avignon-Provence. Plus qu'un DJ star, c'est un artiste qui a bousculé les codes avec "Underground Resistance", le célèbre collectif techno très engagé, né dans les ghettos noirs de Detroit sous l'ère Reagan, avant de devenir un des plus célèbres producteurs des années 1990 et le premier DJ dans les années 2000 à monter des concerts avec des orchestres symphoniques.
Introspectif, se réinventant sans cesse en se nourrissant notamment du cinéma et de la science-fiction, Jeff Mills apparaît un rien interloqué par la production actuelle d'une musique techno qu'il juge au rabais.
"J'ai produit près de 70 albums en 35 ans mais presque aucun n'est joué en ce moment à la radio (...) qui est juste intéressée par le côté +pop+ de la musique électronique", regrette-t-il, dans un entretien avec l'AFP avant le concert. Les gens préfèrent désormais la techno "facile, un peu «bubblegum» plutôt que celle plus profonde, avec un message", estime celui que les technophiles surnommaient autrefois "The Wizard" (le magicien). "La techno était à portée plus politique avant", avance encore le producteur de titres devenus des classiques comme "Deep In 2 The Cut" (1989), "Waveform Transmission" (1992), "Dark Matter" (1993) ou encore "Bells" (1997). A l'époque d'Underground Resistance, qu'il a fondé en 1989 avec Mike Banks et Robert Hood, "pour le gouvernement, nous les jeunes afro-américains étions bons à être en prison ou morts, donc comme collectif techno à Detroit, nous avions trouvé le moyen de sortir de ça, de faire ce qu'on voulait et d'inspirer les autres".
"On évoquait les idées de violence, de brutalité et de racisme", dit-il, comme dans le titre "Riot" (émeute), alors que selon lui la musique électronique est aujourd'hui produite "notamment par des personnes de classes aisées".
"De nos jours, les gens qui font la fête ne veulent pas penser au président américain, aux gens qui meurent à la frontière avec le Mexique ou à la guerre au Soudan". Si l'esprit techno a changé, c'est aussi au niveau de sa production, selon Jeff Mills. "Avant, même si c'était un morceau de cinq minutes, on faisait très attention au mixage, on s'y attardait. Chaque dix secondes devaient signifier quelque chose, la musique avait plus d'architecture et de dimension", souligne-t-il. "Aujourd'hui, c'est très facile de faire de la musique et c'est plus rapide de la diffuser. Je ne pense pas que les gens l'analysent aussi longtemps qu'avant". Avec ses concerts aux côtés d'ensembles symphoniques -- à commencer par celui avec l'Orchestre Philharmonique de Montpellier qui a eu beaucoup de succès --, il espère favoriser un nouveau genre. "Je ferai tout pour casser cette notion que les esthétiques musicales ne doivent pas se mélanger, ni dialoguer. C'est comme ça que les choses évoluent et que de nouveaux styles de musique naissent", affirme-t-il. "Si vous avez étudié la musique classique mais que vous aimez la musique électronique, vous ne devez pas avoir peur de mélanger les deux. C'est l'idée d'être libre d'utiliser la musique, de dire ce qu'on a envie de dire", insiste le producteur. Selon lui, l'idée d'"hybridation" entre classique et électro était un rêve pour certains dès les années 1990. "Le processus a été lent mais cela change. Les jeunes gens qui viennent à ces concerts, voient combien c'est fluide. C'est probablement source s'inspiration pour eux".


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