Au Maroc, pays à l’histoire séculaire, beaucoup de lieux de mémoire sont laissés à l’abandon et souffrent non seulement de l’outrage du temps, mais aussi du désintérêt des hommes. Et pourtant, ils continuent à jouer, autant que faire se peut, leur rôle de sentinelles d’un passé parfois glorieux et de gardiens de cette mémoire sans laquelle aucun peuple ne peut ni survivre ni se projeter dans le futur avec fierté et sans complexes.
Du Nord au Sud et d’Est en Ouest, les traces d’une civilisation forgée par les fils de cette terre dans un continuum que ne peut interrompre que la méconnaissance ou l’indifférence. C’est une marque de singularité dont il faut tirer parti. Car il ne s’agit pas de basculer dans on ne sait quel passéisme outré, mais de souligner que, de tout temps, les Marocains ont eu le sens d’agencer de la meilleure manière possible leur environnement et d’asseoir les structures économiques et sociales qu’implique leur vie en communauté.
Les meilleurs exemples pouvant encore nourrir les réflexions et les recherches sont fournis par les modèles architecturaux que proposent nos médinas, kabahs et autres ksours qui ont exploité les plus simples des matériaux pour conférer à leur vie le cadre à même de lui permettre de forger une histoire et une authenticité à nulles autres pareilles.
Chaque Marocain doit et peut comprendre que la défense de ces sites n’est pas un acte gratuit. Ne serait-ce qu’à cause du fait qu’il s’agit à la fois de lieux de mémoire commune et d’affirmation identitaire.
Dans ce sens, il est essentiel de soustraire des espaces aussi importants que ceux des médinas de Fès, Marrakech, Meknès, Essaouira et Tétouan ou les ksours de Targa ou Aït Ben Haddou aux menaces qui peuvent être le fait de l’homme ou du temps.
Cette préoccupation n’est au demeurant pas une affaire propre aux érudits ou aux experts du patrimoine historique.
Autant que les autres sites comparables, ils racontent un pan de l’histoire de ce pays à travers son organisation spatiale, l’agencement de ses voies de circulation, la répartition de ses corps de métiers et corporations, les services publics dont disposaient les populations en termes d’éducation et de d’hygiène.
En outre, la dimension universelle de ces hauts lieux nous rend, aujourd’hui plus que jamais, responsables de leur sauvegarde.
Pour user d’un jargon plus convaincant parce qu’actuellement à la mode, la sauvegarde et la requalification des lieux de mémoire marocains s’imposent, entre autres, du fait qu’ils rapportent énormément plus que l’enveloppe budgétaire induite par leur restauration. Alors, avis aux amateurs !