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Si ces chiffres témoignent d’une attractivité croissante, une analyse approfondie révèle, cependant, plusieurs limites structurelles. D’une part, cette croissance reste dominée par des secteurs traditionnels — notamment l’énergie et les infrastructures — sans diversification suffisante vers des industries à plus forte valeur ajoutée ou socialement inclusives. D’autre part, le recul significatif des projets «greenfield» en Afrique (-37% en valeur) témoigne d’un déficit en termes de créations d’activités nouvelles, ce qui questionne le potentiel du Maroc à générer un développement économique endogène et durable.
Déséquilibre
Le Maghreb en général, et le Maroc en particulier, sont pris dans une dynamique où les investissements lourds se concentrent sur des mégaprojets régionaux, souvent portés par l’Egypte. Cette centralisation met en lumière un déséquilibre dans la répartition des IDE au sein même du continent, avec un risque de marginalisation pour les autres pays malgré des chiffres en apparence positifs. Le Maroc bénéficie certes d’annonces engageantes, comme le projet de production d’ammoniac vert, mais l’exécution et l’impact réel sur la transition énergétique et la création d’emplois restent encore à démontrer.
Dépendance
Par ailleurs, la persistance de la domination des investisseurs européens — notamment français — souligne une vulnérabilité liée à une dépendance aux capitaux occidentaux et à leurs choix stratégiques, dans un contexte de compétition grandissante avec les investisseurs chinois. Ces derniers, en diversifiant leurs investissements vers les secteurs manufacturiers et sociaux, posent un défi à la structuration économique marocaine et maghrébine, qui devra s’adapter à cette nouvelle donne géopolitique.
Sous financement
Enfin, alors que le continent africain affiche de vifs besoins en infrastructures sociales (santé, éducation, eau), ces secteurs continuent d’être sous financés par rapport aux projets énergétiques et de construction. Ceci est particulièrement prégnant au Maroc qui, pour tirer pleinement profit des IDE, devra orienter davantage ses politiques vers un développement inclusif et durable.
En résumé, plusieurs spécialistes estiment que « l’évolution favorable des flux d’IDE vers le Maroc en 2024 ne doit pas masquer des défis majeurs : une concentration sectorielle excessive, une faible diversification des projets, une dépendance persistante à des investisseurs extérieurs, et une transition énergétique encore embryonnaire ».
Stabilité
Sur un autre registre, le document d’ONU Commerce et développement observe qu’en 2024, les économies en développement ont attiré 57% des flux mondiaux d’IDE, soit environ 867 milliards de dollars, un montant quasiment inchangé par rapport à 2023. Cette stabilité apparente est souvent présentée comme un signe de résilience face à la volatilité mondiale, aux conditions financières restrictives et à l’affaiblissement du commerce international. Mais cette lecture optimiste masque des réalités structurelles préoccupantes et des déséquilibres persistants.
Concentration
L’un des éléments les plus révélateurs – et les plus inquiétants – est la forte concentration des IDE dans un petit groupe de dix grandes économies émergentes, dont la Chine, le Brésil, le Mexique, l’Indonésie et l’Inde. A elles seules, ces économies captent environ 75% des flux destinés aux pays en développement. Cette polarisation illustre l’incapacité des économies plus petites et plus vulnérables à recueillir des investissements significatifs, renforçant ainsi leur dépendance à l’aide internationale et les laissant à l’écart des chaînes de valeur mondiales.
Fragilité
Bien que le nombre d’annonces de projets « greenfield » ait augmenté de 4%, la valeur totale de ces projets a chuté de 19%, traduisant une baisse qualitative de l’investissement. Ce déclin est encore plus brutal dans les domaines stratégiques de l’infrastructure et de l’énergie, où les investissements liés aux partenariats public-privé (IPF) ont plongé de 23 %. La combinaison de dettes publiques élevées, de conditions de financement de plus en plus serrées et d’une aversion croissante au risque chez les investisseurs, notamment dans les pays à faible revenu ou dits «frontières», explique en partie cette dynamique négative.
Ambivalence
Les politiques industrielles menées par les pays du Nord ont également des effets d’éviction sur les pays du Sud. La montée en puissance des stratégies de relocalisation (reshoring) ou de rapprochement des chaînes de production (near-shoring), notamment dans des secteurs sensibles comme les technologies, freine les investissements vers les pays en développement. Ces derniers deviennent progressivement moins prioritaires pour les investisseurs cherchant stabilité, proximité géographique et incitations fiscales dans les économies avancées.
Sélection
Malgré ces tendances préoccupantes, certains facteurs internes permettent à quelques pays du Sud de limiter les pertes : montée des investissements Sud-Sud, rôle croissant des fonds souverains issus du Sud global, initiatives industrielles sélectives dans des pays comme l’Inde ou le Vietnam. Mais ces dynamiques profondément inégalitaires accentuent les fractures régionales et nationales, créant un paysage de l’investissement à plusieurs vitesses.
Contraste
L’analyse des tendances sectorielles sur la période 2020–2024, comparée à 2015–2019, révèle des évolutions marquées par les contraintes structurelles autant que par les opportunités émergentes. A ce propos, le rapport indique que le secteur de l’énergie et de la distribution de gaz reste le principal pôle d’attraction des IDE, en lien avec la transition énergétique mondiale et les besoins en infrastructure dans les économies en urbanisation rapide. Les industries extractives demeurent essentielles, en particulier pour l’Afrique et les PMA, bien qu’en déclin relatif en Asie. Toutefois, cette dépendance aux matières premières, sans véritable montée en gamme locale, expose ces pays aux fluctuations des prix mondiaux et au piège de la dépendance aux exportations brutes.
Certains progrès sont à noter en matière de montée en gamme industrielle, notamment en Amérique latine, qui attire davantage d’investissements dans les secteurs des machines, de la chimie, de l’électronique et de la transformation.
Hassan Bentaleb