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Histoire d’une ingratitude


Libé
Mardi 30 Décembre 2008

Histoire d’une ingratitude

C’est le 8 décembre 1975 que le président Boumediene promulgua l’innommable décret qui ordonna la déportation de 45.000 familles marocaines vivant sur  le sol algérien depuis des générations. La présence marocaine sur le territoire voisin est historique et date d’avant la colonisation ottomane.
Le régime totalitaire en Algérie avait alors, en représailles à la Marche verte qui permit au Maroc de recouvrer son intégrité territoriale, décidé d’expulser 350.000 personnes, le même nombre de marcheurs marocains vers les provinces sahariennes en novembre de la même année.
La junte militaire algérienne décida en période de fête (Aïd Al Adha) de refouler abusivement des Marocains installés dans ce pays voisin en toute légalité et dont le seul tort était d’avoir choisi de vivre dans un pays qu’ils considéraient comme leur propre patrie. Le 18 décembre 1975 restera gravé dans les mémoires des Marocains d’Algérie mais également du peuple algérien qui fut loin de toute réaction à l’encontre de ses frères marocains avec qui il cohabitait paisiblement.
A l’époque, Houari Boumediene criait à qui voulait l’entendre que le Maroc allait payer très cher ce qu’il appelait, lui, «l’invasion du Sahara par la population marocaine». Il donna même une appellation à ce que les militaires algériens appelleraient «la marche noire» en mettant à exécution leurs desseins d’expulsion massive  de 350.000 Marocains d’Algérie.
Les consignes de Houari Boumediene, mûrement réfléchies avec Abdelaziz Bouteflika (alors ministre des Affaires étrangères), faisaient état d’une expulsion, sans préavis et dans des conditions abominables, de l’ensemble de cette communauté. Une longue marche «déshonorante» qui conduira ces milliers d’émigrés marocains d’Alger, d’Oran, de Tlemcen, d’Annaba, de Constantine…, où ils ont été  contraints d’abandonner leurs biens (meubles et immeubles, commerces, bijoux, comptes bancaires bloqués…), leurs familles et leurs enfants (pour les couples mixtes qui constituent la majorité), vers les frontières, du côté de la ville d’Oujda.
Pourchassés et traqués dans tout le territoire, maltraités, arrêtés et emprisonnés dans des camps de  concentration, les Marocains subiront tous les supplices avant de rentrer au Maroc, le  coeur plein de haine envers ce pays qui les a sacrifiés pour une cause qui n’est pas la leur. Mais les militaires avaient toujours aussi en tête la cuisante défaite de la « Guerre des sables » que leur avait fait subir l’armée marocaine à Hassi Baida. Les soldats marocains conduits par le général Driss Benomar n’étaient pas loin de Tlemcen. Le pouvoir algérien s’est vengé sur une population désarmée et isolée. Le mot d’ordre était donné le jour de la fête pour rassembler toutes les familles marocaines dans les commissariats et traquer tout ce qui « sentait »marocain. Une véritable chasse à l’homme commença à travers le pays de l’Emir Abdelkader pour chercher des Marocains et les  expulser. Une vraie déchirure s’installa au sein de plusieurs familles mixtes atrocement séparées. Les témoignages de quelques Marocains expulsés, semblent verser dans la même  tragédie qui restera dans les annales de l’histoire des relations entre les deux pays  comme une pomme de discorde sans précédent. Arrestations, expropriations,  confiscations, fouilles, insultes, reconductions à la frontière dans des conditions barbares et inhumaines. A l’époque, le pouvoir militaire en Algérie appartient au conseil de la révolution, composé (pour les plus connus), entre autres, du général Larbi Belkhair   (ambassadeur d’Alger à Rabat), Chadli Benjedid, (l’ex-président de la république), et Abdelaziz Bouteflika (alors ministre des affaires étrangères sous Boumediene et actuel président de la république).Ce sera l’occasion pour la junte de se dérober et de renier tous les accords de 1963 concernant le tracé des frontières entre les deux pays. Un prétexte pour plonger toute la région dans le doute et la tension de la guerre froide qui sévissait entre les deux blocs communiste et capitaliste. Houari Boumediene passera ainsi à l’acte et mettra son armée en alerte maximale  tout le long de la frontière avec le Maroc.
Si les autorités marocaines se sont attelées tant bien que mal à reloger et intégrer ce grand nombre de nos compatriotes, il n’en reste pas moins que la réaction de la diplomatie marocaine pour défendre la cause et sensibiliser l’opinion publique sur l’inhumanité des actes barbares des autorités algériennes, fut très timide. Il en fut de même au sein de la société civile et la classe  politique qui, elle-même, était préoccupée par un autre combat : celui de la démocratisation du pays.
Aujourd’hui et après trente ans de souffrances, les plaies sont toujours ouvertes. Les jeunes ont grandi et les grands ont vieilli mais avec une mémoire commune et un même objectif : celui réparer le tort dont ils ont été victimes.
Les Marocains déportés ont décidé de s’organiser au sein d’une association. Ils décident de rompre le silence et de poursuivre l’Etat algérien en justice. Pour atteindre cet objectif, ils se sont constitués en association créée en juillet 2005 : (ADMEA) avec une section au Maroc et une autre en France et une sympathie grandissante dans les milieux des ONG concernées par les droits humains dans le vieux continent et le pays de l’Oncle Sam.
Le combat pour faire éclater la vérité et rendre justice à 45000 familles marocaines déportées d’Algérie est une priorité.  Cependant, la paix en Méditerranée exige que le Maroc et l’Algérie   règlent leurs différends pacifiquement pour leur bien et celui de toute la région et son développement. Il y a un exemple à suivre : celui de la France et de l’Allemagne, Après la paix en 1944, aujourd’hui c’est la prospérité de deux peuples   voisins qui coopèrent en toute harmonie.


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