George Blake, l’agent double britannique qui espionnait pour le compte du KGB


Libé
Lundi 28 Décembre 2020

Le Britannique George Blake, célèbre agent double espionnant pour le compte du KGB avant de passer à l’Est, était l’un des derniers témoins vivants de la confrontation féroce entre Soviétiques et Occidentaux dans le tumulte de la Guerre froide. Décédé samedi dernier à l’âge de 98 ans en Russie, George Blake a fourni les noms de centaines d’agents des services de renseignement au KGB, le bras armé de l’espionnage soviétique. Il était le dernier encore en vie d’une génération d’agents doubles britanniques qui a marqué les esprits de l’époque. Son parcours n’a cependant rien à voir avec ses acolytes bien-nés des “Cinq de Cambridge”, ce réseau d’anciens étudiants de la célèbre université britannique recrutés dans les années 30 par le NKVD soviétique, le futur KGB. Né en 1922 sous le nom de George Behar aux Pays-Bas d’une mère néerlandaise et d’un père égyptien et britannique, le futur espion a d’abord mené une vie dissolue qui l’a vu aller jusqu’au Caire. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, il rallie la résistance aux Pays-Bas avant de rejoindre le MI6, les services de renseignement extérieurs britanniques. Fait prisonnier par les Nord-Coréens lors de la guerre de Corée, George Blake raconte avoir proposé à sa propre initiative ses services aux Soviétiques après avoir été témoin de bombardements américains sur des populations civiles lors de ce conflit. “Pour moi, le communisme consistait à essayer de créer le Royaume de Dieu sur terre. Les communistes essayaient concrètement de faire ce que l’Eglise avait essayé d’obtenir par la prière”, expliquait M. Blake, de confession protestante. “J’en ai conclu que je ne me battais pas du bon côté”. Revenu à Londres, l’agent devenu double réalise son premier grand coup: il révèle au KGB l’existence d’un tunnel secret à Berlin-Est utilisé pour espionner les Soviétiques. Alors qu’il devient progressivement un puits d’information pour ses employeurs soviétiques, George Blake se marie: sa femme, qui ne sait rien de sa double-vie, lui donne trois fils. Puis la petite famille déménage à Berlin, où il affirme avoir trahi chacun des “500 ou 600” agents travaillant en Allemagne pour les Britanniques. Si le sort de ces agents n’est pas connu du grand public, George Blake assure qu’ils n’ont pas été tués par les services de renseignement soviétiques. “Je leur disais: je vous donnerais cette information à condition que vous me promettiez qu’ils ne seront pas exécutés”. D’imprudences en imprudences, le filet se resserre autour de lui. Un agent double polonais finit par le dénoncer. Blake admet être un espion à la solde des Soviétiques: après un procès à huis clos, la justice le condamne à 42 ans de prison. Cinq ans après, en 1966, il s’échappe de prison à l’aide d’une échelle en corde et de ses camarades de cellule: un voleur irlandais et deux militants anti-nucléaires. Ces derniers l’emmènent, caché, jusqu’à la frontière avec la République démocratique allemande (RDA): l’agent double traverse le Rideau de fer et passe pour toujours à l’Est. A Moscou, il est fêté en héros. Le KGB lui décerne le rang de colonel et lui attribue un confortable appartement dans le centre de la capitale russe. Sa femme britannique divorce et laisse la place à Ida, qui lui donnera un fils à son tour. L’ancien espion déchante vite devant la réalité de “l’idéal communiste”. “L’une des choses m’ayant le plus déçu, c’est que je pensais qu’un nouvel homme était né ici”, a-t-il raconté au quotidien britannique The Times. “J’ai vite compris que ce n’était pas le cas. Ce sont juste des gens normaux. Comme tout le monde, leur vie est dirigée par les mêmes passions humaines, la même avarice et les mêmes ambitions” qu’à l’Ouest. En 1990, George Blake publie son autobiographie intitulée “Pas d’autre choix” (No Other Choice), diffusée sous le titre “Une vie d’espion: mémoires” en France. Il se retire ensuite avec sa femme dans une datcha près de Moscou et regarde l’Union soviétique s’effondrer. Du président Vladimir Poutine, il dit qu’il fait partie d’une “constellation de personnes fortes et courageuses, de brillants professionnels”. Malgré la chute de l’URSS à qui il avait dédié sa vie, il n’a jamais regretté ses actes: “Je pense qu’il n’est jamais mal d’offrir sa vie à un noble idéal et à de nobles expériences, même si ce n’est pas couronné de succès”, disaitil lors d’une de ses rares interviews.


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