Les militants syndicaux de tout bord affluaient vers une ville où les habitants venaient assister à tous les rassemblements comme si on visiterait les stands d’une foire ou d’une exposition, pour finir devant celui qui exposait mieux et parlait des soucis quotidiens du citoyen. La place du marché où l’on dressait généralement les tribunes des principales centrales syndicales et les plus représentatives. Les discours enflammés et très attendus soulevaient les foules et les slogans retentissaient sur la place à faire trembler les casques des services de l’ordre qui « couvraient » l’événement. D’habitude, des membres des bureaux nationaux se rendaient pour soutenir les sections et donner à cette fête une dimension qui a toujours dérangé les autorités de Khénifra. Bref, c’était un rendez vous attendu par tous les protagonistes. Et puisque les grands syndicats ont été toujours épaulés par de grands partis, on se retrouvait avec les militants politiques en place et ceux de la société civile khénifrie très animée par la gauche, toutes tendances confondues.
Le 1er Mai à Khénifra était non seulement la fête du travail mais celle du militantisme. Une journée incontournable pour les forces vives du pays enfin d’exprimer leurs revendications sur le plan syndical certes, mais aussi au niveau politique local et national voire arabe, telle la cause palestinienne ou encore l’hégémonisme américain. Après ces rassemblements, c’était au tour des grands défilés.
La population se mêlait aux syndicats et créait une ambiance de solidarité. Les marcheurs traversaient les principales artères, s’arrêtant devant tout bâtiment représentatif d’une administration pour réclamer une meilleure gestion et de meilleures conditions des travailleurs du secteur en question. Cela pouvait prendre des heures et la foule ne faisait que grossir au fur et à mesure que le défilé avançait. Pour beaucoup de syndicalistes, c’était le bon vieux temps où l’engagement militant et désintéressé faisait la loi. Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé au niveau de la forme de la fête à Khénifra. Il y a une sorte de rupture entre les syndicats et la population. On est entré dans une période de « modernisation »de l’encadrement qui privilégie l’adhérent au moment où l’on constate une certaine abstention des adhérents. Devant cette situation, plusieurs syndicats ont opté pour la fête « in », et par conséquent, ils organisent des rencontres, dans l’enceinte de leurs sièges avec les adhérents. D’autres préfèrent organiser des manifestations, prononçant les discours devant leurs sièges pour leurs adhérents. En tout cas, mais les anciens défilés monstres des syndicats sont en régression à Khénifra depuis ces dernières années.