-
Driss Guerraoui: L’intelligence culturelle, un facteur clé de succès des entreprises marocaines en Afrique
-
L'Académie du Royaume du Maroc rend hommage à la littérature africaine
-
Focus sur l’intelligence culturelle et les innovations technologiques
-
La SNRT révèle les rôles historiques et enjeux futurs de ses chaînes amazighes
Natif d’Essaouira en 1948, Abdessalam EL Belghiti fut l’un des initiateurs des Lilas dans la pure tradition gnaouie et souirie qu’il a tenu à sauvegarder et défendre contre toute forme de défiguration.
Désenchanté par les nouvelles expressions musicales gnaouies, il considérait que la «chathaneya» (danse) a pris le dessus sur «la rouhaneya» (spiritualité).
Je me rappelle encore de ses mots forts, touchants et surtout francs avec lesquels il condamnait tous ceux et celles qui n’ont rien fait pour améliorer la situation sociale des vétérans de la musique gnaoua qui refusaient de meubler les concerts de fusion, les «ksayrs» privées et les tournées musicales. Pour Abdessalam El Belghiti, il n’était pas question de jouer de la musique gnaoua et de chanter la foi en Dieu et l’amour du prophète dans des hôtels et boîtes de nuit. Abdessalam El Belghiti, contrairement à certains qui se sont déjà emmêlés les pinceaux, a veillé sur la sauvegarde de l’authentique maâlem gnaoui, croyant, modeste et spontané. Avec énormément de peine et d’amertume, il tirait la sonnette d’alarme quant au tarissement des sources spirituelles du patrimoine gnaoui surexploité et commercialisé par certains qui n’ont aucun respect pour les maâlems gnaouis payés avec le strict minimum.
«Avant, il n’était pas donné à tout le monde de porter le nom de maâlem; il fallait côtoyer les grands, maîtriser les rythmes, les chants et les rituels, approcher le monde mystique et des Mlouks (esprits), pour pouvoir postuler, après plusieurs années d’entraînement, au titre de maâlem décerné par plusieurs maâlems au jeune gnaoui à l’occasion du rituel de la «Ckasaa». Aujourd’hui, il suffit de jouer du hajhouj pour porter le nom d’un maâlem!!», regrettait feu Abdessalam El Belghiti lors d’une rencontre avec Libé.
Avec son allure ferme, son regard profond, son sourire enfantin, ses réflexions ironiques, son cœur généreux, et son jeu de mots cinglant, il était l’expression d’une expérience humaine à part. Mort infortuné mais orgueilleux et propre de cœur et d’esprit comme tout authentique gnaoui, Abdessalam El Belghiti a emporté avec lui un pan de la mémoire du patrimoine gnaoui qui a impérativement besoin d’une mobilisation de la part de ses adeptes et vrais mélomanes en vue de préserver ce parcours spirituel au timbre de la nostalgie, du dépaysement, de la foi et de la délivrance, de loin des turbulences musicales qui ne font que nuire à cet héritage.
«Abdessalam El Belghiti peut dormir en paix, car Essaouira ne l’oubliera jamais, et ses complaintes et soucis font actuellement l’unanimité des partis politiques et de la société civile soucieux de protéger cet héritage commun contre l’usage mercantile, superficiel, exhibitionniste et défigurant qui se cache derrière les clichés, combien consommés, de fusion et de métissage !», nous a déclaré un acteur associatif et fervent adepte de la musique gnaoua en réaction à cet hommage qui lui fait chaud au cœur.