Festival de Clermont-Ferrand : La culture contre la crise


Mohammed Bakrim
Mercredi 4 Février 2009

Festival de Clermont-Ferrand : La culture contre la crise
Tous les programmes de la sélection clermontoise connaissent un engouement public formidable; tous les films sont accueillis avec empathie. Un court-métrage marocain, un autre de Corée du Sud ou du Québec ont leur temps et en profitent grâce à cette ambiance extraordinaire. Parfois, il faut se mettre à une file trente à quarante minutes au milieu d'un public diversifié de tous les âges et de tous les milieux; beaucoup de fidèles qui sont là accompagnant l'évolution du festival.
Cette présence populaire dans un festival de cinéma n'est pas un événement inédit. L'exposition Picasso-Matisse à Paris a eu un immense succès public; plus de 750.000 visiteurs hors week-end…Partout y compris dans la France de la province, la culture renaît au point que cela interpelle de nouveau les sociologues: la culture se porte bien au moment où le pays, le monde s'enfoncent dans la crise. Pour Jacques Attali, les gens préfèrent se ressourcer pour faire face de plus en plus aux incertitudes des temps modernes. C'est aussi certainement en relation avec le regain des mouvements sociaux. Le retour de la culture, le retour à la culture, surtout dans ses expressions classiques, est un signe du retour de la citoyenneté et de l'intérêt pour la chose publique. La crise n'est pas seulement l'expression d'un malaise social; elle signifie aussi la faillite de certaines valeurs centrées sur l'égoïsme, la course au profit…La crise a ramené les gens vers eux-mêmes. Et le cinéma offre souvent l'occasion d'un miroir de réflexion de cet état d’esprit: réflexion au double sens du mot…
Le film marocain en compétition internationale, « Le bal des suspendus »  réalisé par un jeune étudiant de l'école du cinéma de Marrakech, Mehdi Azzam, a été accueilli fort positivement. Azzam n'est pas présent à Clermont-Ferrand pour cause d'études bien sûr puisqu'il termine sa troisième année, l'année terminale est chargée en travaux. C'est un exercice fort intelligent filmant merveilleusement la déchéance d'une forme d'existence minimale en marge de la grande ville. C'est très économe en moyens mais c'est très riche en référence cinéphilique, notamment au niveau des plans (le film a  été encadré fort intelligemment par Faouzi Bensaïdi à qui le jeuner réalisateur rend hommage à travers un clin d'œil au film « Mille mois »). Parmi les autres films marquants de la compétition internationale, signalons  le film australien « Sous nos pas » de René Hernadez qui décrit, avec de vrais moyens de cinéma, la prise de conscience d'un jeune adolescent confronté à la violence de l'altérité; d'abord violence physique dans ses rapports à son père mais aussi violence des rapports sociaux. C'est une formidable pédagogie à un niveau microscopique; le jeune finit par se forger sa propre personnalité en refusant de s'enfermer dans la logique infernale du coup pour coup… « Luksus », film polonais de Jaroslaw Sztandera qui aborde une autre forme de violence, celle faite aux enfants des milieux urbains à travers leur exploitation sexuelle. Le film palestinien  reste très modeste au niveau de ses ambitions cinématographiques.
L'un des moments forts du Festival a démarré lundi avec le marché du film: plusieurs pays sont présents avec leur stand pour mettre en valeur leur production cinématographique du court-métrage; c'est un formidable lieu d'échange et de confrontations des expériences; beaucoup de films y circulent: le catalogue qui en est le support a encore atteint cette année un record avec ses 1100 pages et près de cinq mille films référencés: une mine d'informations sur l'état du court-métrage international.


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