Fenêtre : Propos sur la culture

Jeudi 19 Janvier 2012

Fenêtre : Propos sur la culture
Quel avenir pour quelle société ? Poser une telle question revient à interroger le parcours mobile (ou immobile) d’une société donnée, à une époque donnée et suivant une conjoncture donnée. Quel avenir pour quelle société ? Y répondre revient à penser aux projets de société qualifiés à participer directement dans le devenir de la société. Dans ce sens, la culture s’avère être le projet le mieux placé quant au conditionnement des grands changements pouvant touchés à la société. La vie sans culture serait une erreur. C’est fort bien dit. Mais de quelle culture s’agit-il? La durée de vie des civilisations se mesure essentiellement par le cumul culturel qu’elles lèguent à l’humanité après plusieurs années de survie. La culture est fort loin d’être l’apanage des décideurs politiques car elle émane du peuple pour revenir au peuple. Il faut dire dans ce sens que la culture imposée par un pouvoir politique est une culture qui ne répond pas et ne répondra jamais aux impressions et sentiments réels du peuple. Le décalage entre le peuple et l’état commence lorsque celui-ci impose au peuple une image qui n’est pas la sienne propre. Tout se passe comme si l’état cherchait à falsifier l’image du peuple en lui infligeant une image importée, fausse et kitch. La culture est pour ainsi dire le miroir du peuple. Si le miroir est brisé, le peuple l’est obligatoirement et donc son image n’est pas fiable; si le miroir n’est pas brisé, le peuple l’est au même degré et donc son image est on ne peut plus fiable. Les artistes et les intellectuels du peuple ne trichent pas, ne prostituent pas une image contrefaite de la réalité de leur peuple. Et comme ils sont le produit d’une réalité sociale, ils œuvrent, un tant soit peu, à être fidèles aux souffrances de leur peuple. La sociologie de la culture nous apprend que l’artiste et/ou l’intellectuel est celui qui sort d’un état de crise vécu par sa société. Il développe une conscience malheureuse sans laquelle son œuvre passerait pour nulle et non avenue. L’artiste et/ou l’intellectuel baigne dans la même eau que son peule. Ils partagent les mêmes douleurs existentielles, les mêmes besoins, les mêmes  attentes, les mêmes rêves et les mêmes ambitions. Face à la culture du peuple, cette culture de masse qui condamne la falsification de la véritable image du peuple, les fabricants des cultures créent une autre image du peuple mais sans pour autant pouvoir métamorphoser le peuple. Ils excellent dans le maquillage et le fard de la face du peuple, mais le peuple finit toujours par réagir tout en réclament son image réelle. Tout se passe ici comme si les fabricants de la culture  cherchaient à anéantir l’«être» du peuple. Tout se passe aussi comme s’ils cherchaient à endoctriner le peuple pour lui faire oublier son «être». Or, le peuple est conscient que son image ne peut changer qu’au fur et à mesure qu’il chemine dans le monde. Le peuple est conscient qu’il ne peut vivre l’expérience de l’autre car une expérience est inscrite dans un processus historique, et que l’histoire est aussi la fabrique des peuples. Les fabricants de la culture croient à tort qu’il est de leur droit de badiner avec les cultures des peuples. Ils croient pouvoir fabriquer aux peuples «leurs» images sans être contrariés par la volonté de ces peuples-là. Il est tout naturel de s’ouvrir sur toutes les cultures du monde; il est tellement nécessaire d’accueillir la culture de l’autre, mais il n’est point tolérable que l’autre fasse perdre aux peuples leurs identités et leur fierté d’être. Badiner avec les cultures des peuples revient à dire être réfractaire à l’originalité des peuples. Les peuples ont leurs histoires, et il faut que leurs histoires soient respectées et reconnues comme lieu d’ «être». Les fabricants de la culture ont beau essayer de dompter les peuples. Ils ont toujours essayé de leur faire accepter une autre culture, donc une autre nature. Mais les peuples finissent toujours par réagir pour revendiquer leur droit d’être ce qu’ils sont. L’intelligence des fabricants de la culture les amène à faire croire aux peuples que la modernité ne peut aller qu’avec une certaine forme de pensée, c’est-à-dire une certaine culture. La modernité pour eux devient très rapidement une forme idéologique qui vise la déformation de l’image originale et la production d’une autre truquée. Bien qu’ils soient conscients que la copie ne remplacera jamais l’originale, bien qu’ils soient conscients qu’en déformant la culture de l’être ils déforment sa nature d’être, les fabricants de la culture ne cessent de faire usage de leurs moyens les plus sophistiqués qui soient afin de réduire l’écart entre la conscience réelle du peuple et le «mythe» qu’ils lui donnent à vivre. Ils badinent avec la culture comme si la culture n’était pas le seul et unique capital immatériel qui définit les peuples et les êtres. Si, relativement à une certaine Europe,  Hannah Arendt traite de «La crise de la culture» (Gallimard, 1972) et Alain Finkielkraut traite, lui, de «La défaite de la pensée» (Gallimard, 1987), nous traiterons, quant à nous, dans un contexte relatif au printemps arabe, de «La résurrection de la culture» et «La réanimation de la pensée.» La culture doit d’être conçue comme lieu de fabrique de l’interculturel, lequel fonde le dialogue et la communication entre toutes les nations du monde. Loin de tout idéologisation du travail de l’intellect ; loin tout prosélytisme de gauche ou de droite, la culture demeure un véritable projet de société aux niveaux interne et externe…  

Atmane Bissani

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