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Anthropologiquement, l’errance aide à connaître l’autre, sa culture et sa nature. L’anthropologie dans cette optique peut passer pour l’art de l’errance en ceci qu’elle permet aux anthropologues de saisir la particularité de l’autre. Elle est une ouverture sur le divers et l’exotique, sur l’ailleurs et le dehors. L’errance traduit également une expérience mystique qui se tisse entre l’être et le monde. L’errance est méditation, spéculation et exploration du désert de l’âme. L’errance dans son sens existentiel s’accompagne du silence, elle se contente du voir, sentir, goûter, toucher et ouïr. Elle éveille les sens et épanouit les cœurs. L’esthétique de l’errance se fonde sur le plaisir de l’errance. L’être erre non seulement pour vaincre sa solitude ontologique, mais plutôt et surtout pour se rencontrer à travers la rencontre de l’autre. Ainsi, la quête du métaphysiquement autre, de l’invisible, commence-t-elle chez l’être à partir du moment où il a peur du «rien» comme forme d’impasse ontologique. La métaphysique permet à l’être de s’ouvrir sur le dehors comme horizon de possible. Force est de constater, par la suite, que le métaphysiquement correct demeure l’ « il y a », c’est-à-dire la possibilité de l’existence d’un « derrière » assurant au même confiance et sécurité. Ce derrière, ce dehors, cet « il y a » sont la trace de l’autre dans le monde. Sa trace conçue comme différence et comme suite dans le temps et dans l’espace de l’expérience de l’existence du même. Dans ce sens, l’errance programme la pensée philosophique et programme la vie nomade. L’être des temps modernes nomadise au quotidien de son chez soi au lieu de son travail, il nomadise d’une chaîne télévisée à une autre, il nomadise d’un état psychique à un autre, il nomadise d’un problème à un autre ou d’un bonheur à un autre, il nomadise d’un parti politique à un autre, il nomadise entre son épouse, ses enfants, ses amis et ses collègues. Le nomadisme est, pour ainsi dire, une condition d’être. Il façonne l’être et l’oblige à conditionner son existence suivant la logique du nomadisme moderne. Le nomadisme est devenu aujourd’hui une culture fondée sur le besoin et le plaisir de nomadiser. Le nomadisme ici compose avec le retour du sauvage, le retour de l’innocent, le retour du naturel. Les temps modernes sont devenus par excellence les temps d’un nomadisme ontologique qui rend hommage aux sens de la solitude et de l’étrangeté…