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Fenêtre : Enseigner

Jeudi 12 Mai 2011

Enseigner demeure l’exercice d’un art qui doit s’accomplir dans la liberté inconditionnelle des deux pôles de l’opération enseignement/apprentissage : enseignant et apprenant. Il s’agit là de libérer le dire enseignant du dire contraignant, c'est-à-dire enseigner sans contrainte et sans patronage.  C’est là une manière de dire qu’enseigner dans son acception structurelle est le synonyme de défaire les principes de la connaissance absolutiste comme idéologie d’exclusion. L’enseignement absolutiste commence, en effet, lorsque l’enseignant considère son public comme mineur et donc sans connaissance préalable. D’où l’exercice d’une verticalité regardante, donc intolérante au désavantage d’une horizontalité coopérante, donc tolérante. L’enseignant est aujourd’hui appelé vivement à respecter l’autonomie de son apprenant, autonomie sans laquelle l’opération enseignement/apprentissage n’aura évidemment pas lieu. Aussi l’apprenant est-il initialement le produit d’un processus historique qu’il faudrait prendre en considération de la part de l’enseignant. Il est une conscience inscrite dans le mouvement qu’est l’Histoire et donc il est évolutif.  De là à déduire que s’il y a crise d’enseignement aujourd’hui de part le monde entier, c’est qu’il y a incompatibilité entre la conscience enseignante et la conscience apprenante. L’une est arrimée à un passé révolue, l’autre, quant à elle, est projetée dans un avenir en devenir.  Deux autonomies, deux consciences, deux volontés d’être. Telle s’avère être la réalité d’un enseignement dont le dogmatique s’oppose radicalement au productif. L’enseignement dans cette optique, devient quasi impossible car il est bancal du fait qu’il met en jeu deux forces contradictoires : la volonté de l’enseignant et la volonté de l’apprenant. L’enseignant est un résultat : il est fait dans un monde structuré et organisé. Quant à l’apprenant, il est en devenir puisque il aspire à la re-structuration et à la ré-organisation du monde, son monde. Le débat est désormais ouvert concernant le rôle de l’enseignement dans un monde condamné aux changements les plus vertigineux qui soient. Il est question de repenser l’utilité de ce contact entre enseignant et apprenant. D’où l’utilité de la communication fondée essentiellement sur le droit à la différence comme fondement d’être. Ainsi, être enseignant c’est être attentif aux battements cérébraux de son public. C’est être conscient qu’être enseignant ou apprenant c’est avant tout être inscrit dans la logique de l’Histoire, c’est dire la logique du mouvement et du changement.  « La relation enseignante », selon le mot de Roland Barthes (Le bruissement de la langue, Seuil, 1984), est une relation compliquée dès lors qu’elle peut renverser l’ordre des choses, et donc au lieu de produire un discours savant cherchant à convaincre ou à persuader l’auditoire, l’enseignant devient celui qui se psychanalyse par son public, d’où sa ridiculisation parfois à force de dire je. Le je n’est point ici le je cartésien qui pense, il n’est pas non plus le je kantien qui philosophe, il est plutôt le je freudien d’un moi refoulé dans les ténèbres de l’inconscient et qui revient sous forme d’un discours absolu.   L’enseignement est en crise est une formule qui se ressasse dans tous les recoins du globe. Si tout le monde en parle c’est parce que tout le monde est conscient de la portée symbolique de l’enseignement. Toutefois, rares sont ceux qui voient que la crise de l’enseignement est avant tout subjective avant d’être objective. Si l’école dans le sens académique et sociologique du terme est en crise c’est que l’enseignant est dépassé par l’accélération du rythme de l’Histoire. L’enseignant demeure dans le synchronique alors que l’apprenant est inscrit dans le diachronique. L’école a changé car les apprenants ont changé ; les apprenants ont changé car l’histoire va son chemin. Le 21ème siècle annonce la couleur de l’école de demain : une école fondée essentiellement sur l’acceptation de l’apprenant comme conscience historique et non comme prolongement de l’être de l’enseignant.   La pratique enseignante ne peut s’accomplir honorablement que si elle se laisse nourrir d’un savoir-faire émanant d’un savoir-être. Pédagogiquement, est-il nécessaire de le rappeler, l’acte d’enseigner nécessite chez l’exerçant la compétence de motiver son auditoire tout en étant capable de créer chez cet auditoire la volonté d’afficher son je d’être différent… 

Atmane Bissani

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