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Fenêtre… : Dire le corps


Atmane Bissani
Lundi 5 Septembre 2011

Dire le corps revient à dire penser ses énigmes et ses potentialités d’être le lieu humain le plus intrigant et le plus incompréhensible. Sa logique est tellement insaisissable qu’il demeure le lieu de toutes les recherches relatives à la pensée humaine : psychologie, sociologie, anthropologie, sémiotique, etc. Ceci dit, la technologie aujourd’hui s’adresse plus au corps qu’à autre chose : un corps à nourrir, un corps à habiller, un corps à pérenniser. Tout porte à croire ici que la technologie s’adresse à la psychologie humaine tout en lui proposant un corps idéal, parfait, voire mythique. Tout comme la langue, le corps développe ses moyens d’expression dans un cadre diachronique. Si, en effet, la langue d’aujourd’hui n’est plus la langue d’hier, si la langue comme code social évolue suivant la logique de l’Histoire, le corps en tant que langue, lui aussi, fait de même tout en créant ses outils et ses mécanismes d’évolution. Donc, présentement, le corps d’aujourd’hui est tellement différent de celui d’il y a belle lurette. Ceci dit, la première et fondamentale fonction de la langue est l’acte de communiquer, transmettre des messages à autrui. Elle est pour ainsi dire la concrétisation matérielle d’un "vivre avec" et d’un "vivre ensemble" qui structurent la vie humaine dans un espace public destiné à faire valoir le sens du droit à la différence en tant que fondement existentiel et essentiel de l’être. S’il en est ainsi pour la langue, le corps, lui, se voit jaillir dans ce contexte comme langue à part entière qui fonctionne autrement. Si la langue est ou bien écrite ou bien orale, la langue du corps est plutôt gestuelle et vestimentaire. La langue du corps traduit ce que la langue ne peut dire et ne peut transmettre pas le biais du mot. La langue du corps se fonde pratiquement sur sa manifestation externe (exotopie) qui entre en télescopage avec le regard de l’autre afin de lui arroger une signification et donc une présence dans le monde. La langue du corps stipule solennellement les émotions et les tempéraments du corps, chose que la langue courante n’a ni l’audace ni la capacité de traduire. Lorsque il parle, le corps endeuille la langue parlée pour imposer la sienne propre comme socle de son fonctionnement spontané et impulsif. Si le corps de la langue s’avère être le style, la grammaire, la rhétorique et l’éloquence, la langue du corps, elle, demeure ses connotations, ses suggestions, ses mouvements et sa manière d’être selon les contextes. Dans ce sens, et la langue et le corps jouissent d’une danse intérieure, d’une sonorité singulière et d’une mélodie originale qui les distinguent des autres registres de la communication interhumaine. Chorégraphie ou calligraphie, le corps est une écriture dans l’espace qu’il ponctue et qu’il meuble de sa sinuosité frappante. Esthétique, poétique, érotique, kitch ou idéologique, le corps déploie un langage incontrôlable du fait qu’il échappe à la contrainte de la raison. Le rapport existant entre la langue d’un coté et le corps de l’autre est indubitablement un rapport secret et mystérieux qui traduit la jouissance et la douleur. Le corps fonctionnera métaphoriquement ici comme s’il était la concrétisation physique de langue, et la langue, elle, fonctionnera emblématiquement comme si elle était la concrétisation métaphysique du corps. Le genre féminin du mot langue et le genre masculin du mot corps forgent, curieusement, la particularité de ce dialogue secret qui a lieu entre le corps et la langue. Ce dialogue secret est bien évidemment la connivence historique qui a toujours existé entre la langue et le corps : la révélation de l’expérience être dans le monde de l’être. Le corps et la langue accomplissent des fonctions sociales, psychologiques, ontologiques et anthropologiques relatives à l’être. Dans cette optique, pour faire une sociologie de la culture il est fort obligatoire de passer par les stades de la langue et du corps en tant que supports incontestables de l’identité, et en tant que fondements ontologiques de l’être. La langue et le corps se complètent subitement afin de dépeindre l’idée d’être. La langue traduit les sensations du corps tout comme le corps traduit l’indicible de la langue. Cependant, il est des fois où la langue trahit le dire du corps, car les généalogies de la langue et du corps sont toutes les deux dépendantes de la généalogie de la morale. Seules la poésie et la peinture, formes majeures de l’expression artistique humaine, sont capables de permettre à la langue de suggérer les mythes refoulés du corps,  et au corps de façonner les sublimations inédites de la langue. Quoiqu’il en soit, la langue et le corps constituent deux entrées incontournables relatives à la compréhension de l’Homme, cet inconnu, qui continue d’être fuyant et insaisissable tout comme son corps… 


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