Fenêtre... : Devenir

Jeudi 12 Août 2010

Le « devenir » est désormais considéré comme l’un des thèmes les plus sensibles quant à la pensée humaine au niveau de la théorie et au niveau de la pratique. Le devenir, en effet, implique le changement et la modification, c'est-à-dire le passage d’un état donné à un autre, le dépassement d’une structure donnée et son remplacement par une autre. Est devenir toute activité, tout acte et tout mouvement réfractaire au croupissement, à la nonchalance et à l’immobilité. Tout devient dans la nature, c’est dire tout change, tout bouge, rien n’est figé, tout est versatile. Ainsi considéré, le devenir est synonyme de la vie du fait que tout immobilité est une mort. Pour être, l’être humain est condamné à devenir, à modifier la structure de son existence et à programmer, selon les lois de la nature et de l’histoire, la structure de son avenir. Car qu’est-ce que devenir sinon être capable de vivre et de subir les changements que recommande la nature humaine ? Qu’est-ce que devenir sinon passer de l’en-soi au pour-soi ? Qu’est-ce que devenir sinon opérer le passage de l’étant à l’être ? Devenir c’est ne pas se répéter, c’est ne pas se re-produire mais se produire, c’est s’inscrire dans la logique de l’histoire, c’est condamner l’erreur d’être figé, d’être fait et conçu comme corps amorphe. Le devenir est transgression de la loi de la métaphysique qui veut que l’être soit condamné à la réitération et à la tautologie. Le devenir est dialogue avec le futur. Il est dépassement du futur et mise en crise de ses mystères. Devenir n’est pas se métamorphoser, c’est se parfaire. Si la métamorphose, il est on ne peut plus clair, consiste à rendre confus et inintelligible l’être ou la chose qui en est l’objet et ce à cause de sa déformation complète, le devenir, lui, ne déforme pas, ne saccage pas, n’oblitère pas ; il corrige le figement de la structure ontologique de l’être, il oriente son énergie inexploitable, il redresse ses anomalies. Le devenir est déconstruction des traces du réactionnisme, du conservatisme  et de l’absolutisme. Il est réaction pure et nette contre le statu quo en tant que fait accompli. Les langues deviennent. Les politiques deviennent. La pensée et la littérature deviennent. Le devenir se veut la loi de la nature et de l’histoire. En fait, l’histoire de la pensée humaine est un continuum de ruptures entre ce qui fut, ce qui est et ce qui sera. Le devenir est une interrogation permanente portant sur la notion de temps. Le temps a sa logique : présent, passé, futur. Le devenir, métaphore du temps à venir, est la production d’un temps qui n’est pas linéaire mais oblique. La linéarité définit le temps de la nature, quant à l’obliquité, elle définit le temps de la culture. Le temps de la nature est certain (la vie/la mort, l’été/l’hiver, etc.), à contrario, le temps de la nature est incertain en ceci qu’il est lié à ce que Gilles Deleuze appelle des « lignes de fuites. » Le devenir est l’apanage de l’homme de la raison. Il est un acte fait d’aventures et d’imprévus. On ne naît pas sujet, on le devient. On ne naît pas philosophe, on le devient. On ne naît pas poète, on le devient. Le devenir est un cheminement qui engage l’être à choisir sa destinée tout en se choisissant soi-même. Il est responsabilisation de l’être en tant que conscience et en tant que projet. Existentiellement parlant, le devenir est loin d’être l’opportunité des connaissances superstitieuses, ni des conventions métaphysiques. Le devenir est une vision rationnelle qui croit à la notion de conjoncture. Il nécessite beaucoup de travail, beaucoup de patience et surtout beaucoup de courage. Aussi est-il fondamental de distinguer entre le devenir biologique relatif à tous les êtres vivants, et le devenir ontologique propre à l’homme. Dans cette optique, devenir n’est pas seulement passer d’un état naturel/biologique à un autre, mais plutôt se saisir, raisonnablement, comme Sujet en mouvement continuel, en progression régulière. Le devenir est une croyance aux capacités humaines comme étant des lieux d’inspiration, d’illumination et de révélation. Le devenir de l’homme, se joue entre les mains de l’homme. C’est là sa responsabilité ontologique et historique…

Atmane Bissani

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