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Mobutu Sese Seko, ancien président congolais (1965-1997) et militaire de carrière, a tenu d'une main de fer le grand pays d'Afrique centrale pendant plus de trois décennies.
Instauration d'un parti unique, opposants muselés voire assassinés, clientélisme et vastes détournements d'argent public ont marqué son règne. Pour de nombreux Congolais, Mobutu reste celui qui a permis à la corruption de pénétrer quasiment toutes les strates du système.
Lors d'un entretien à l'AFP, son fils, Nzanga Mobutu, assume éluder, dans l'exposition "Mobutu, une vie, un destin" présentée au Musée national de Kinshasa à l'initiative de la famille, les aspects les plus sombres du règne de son père, décédé en exil au Maroc en 1997 et dont la dépouille n'a jamais été rapatriée.
Disant donner "certaines clés" notamment à la jeunesse congolaise pour lire l'histoire du pays, il explique vouloir compléter le récit souvent "tronqué" ou "raconté de manière un peu partielle" de la RDC depuis son indépendance.
L'exposition montre des images de son père rencontrant des grands de ce monde, un fauteuil de velours et de dorures dans lequel il avait été pris en photo, ou encore de la monnaie du Zaïre, ancien nom de la RDC.
De l'actuel président congolais Félix Tshisekedi à la star de la rumba Fally Ipupa, les signatures de personnalités se succèdent dans le livre d'or de l'exposition, rendant hommage à celui qui s'empara du pouvoir par un coup d'État en 1965 jusqu'à être renversé en 1997 par la rébellion de Laurent-Désiré Kabila, soutenue par le Rwanda et l'Ouganda.
Mais l'abbé Joseph Mpundu, né en 1951 et connu comme un des pionniers des manifestations contre le régime Mobutu réprimées en 1992, garde l'image d'un dirigeant qui a maintenu le pays sous la férule des "Américains et des Européens", désireux de maintenir leur accès à ses ressources naturelles, au prix du soutien à un régime reposant sur "la corruption et l'autoritarisme".
Pour l'ancien député congolais Enoch Ruberangabo, originaire d'une communauté tutsi de l'est du pays, Mobutu fut l'homme du laissez-faire. Selon lui, l'ex-dirigeant "a laissé s'envenimer les tensions communautaires" qui dégénérèrent dans l'Est après le génocide au Rwanda en 1994, nourrissant ainsi un cycle de 30 années de conflits qui durent toujours.
Auteurs, chercheurs et historiens ont décrit la persistance en RDC d'un système hérité de la colonisation belge, caractérisé par la prédation des richesses du pays par un pouvoir centralisé, ainsi que sa transformation sous Mobutu en entreprise de captation des ressources par des réseaux informels liés au pouvoir.
La chute du dictateur en 1997 n'a pas enrayé le cycle. Et aujourd'hui encore, "si tu essaies de mettre de l'ordre, le système va te broyer", déplore auprès de l'AFP un responsable administratif sous couvert de l'anonymat.
Finalement, l'ère Mobutu a laissé peu de vestiges visibles: une poignée de palais et monuments décrépits dressés à la gloire de l'ancien dirigeant, quasiment aucune infrastructure pérenne. Le pays compte aujourd'hui parmi les plus pauvres du monde.
A la chute du régime, "on s'est rendu compte que cette grandeur reposait sur du vent", souligne Enoch Ruberangabo.
Mais dans une RDC qui peine à se remettre d'une nouvelle intensification du conflit dans l'est du pays, avec les prises des grandes villes de Goma et Bukavu en début d'année par le groupe antigouvernemental M23, Mobutu apparaît aux yeux de certains comme le dirigeant qui avait su maintenir "l'unité du pays".
Pour Aaron Mbungu, étudiant en droit venu à l'exposition, l'ex-dirigeant est "le symbole d'un leadership national" inspirant "la force". Pour Daniel Dimasi, étudiant en urbanisme, Mobutu reste un dictateur dont on ne peut toutefois pas nier les valeurs "patriotiques".
"Les jeunes, confrontés au chômage et à l'absence de perspectives, idéalisent le passé et dédiabolisent l'époque Mobutu", résume l'analyste politique congolais Christian Moleka.
Rencontrant un certain succès, l'exposition Mobutu, lancée à la mi-octobre, a été prolongée jusqu'à une date indéterminée.







