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Entretien avec le Pr Amal Bourquia, néphrologue et présidente de l'Association “Reins” de lutte contre les maladies rénales

“Nombreux sont ceux qui meurent faute de traitement”


Propos recueillis par Amina SALHI
Samedi 21 Mars 2009

Entretien avec le Pr Amal Bourquia, néphrologue et présidente de l'Association “Reins” de lutte contre les maladies rénales
Libé: Comme partout dans le monde, le Maroc a célébré la Journée mondiale du rein. Quel diagnostic faites-vous de la situation néphrologique au Maroc notamment en termes de prévalence?

Amal Bourquia: La prévalence des maladies rénales au Maroc reste inconnue faute de statistiques, Cependant on peut avancer que cette prévalence est parmi les plus importantes, du fait que le diabète et l'hypertension artérielle sont fréquents et ne sont pas bien suivis; de nombreux cas arrivent au stade terminal de l'insuffisance rénale. Par ailleurs, les autres maladies rénales notamment héréditaires sont fréquentes, en particulier dans certaines régions du fait des mariages consanguins.

Quelles sont les principales formes des maladies rénales et leurs principales causes ?

La plus grande partie des maladies rénales peuvent aboutir à l'insuffisance rénale chronique et terminale surtout si elles ne sont pas traitées et bien suivies. Les causes les plus courantes de l'insuffisance rénale chronique sont liées au diabète et à l'hypertension artérielle. Les complications rénales du diabète et de l'hypertension artérielle sont devenues les principales causes de traitement par dialyse au Maroc...
D'autres maladies peuvent aussi toucher les reins et les abîmer, qu'elles soient malformatives et congénitales, héréditaires, ou encore acquises ... Elles peuvent être causées par des infections, liées par exemple à certains microbes comme les streptocoques. Elles peuvent aussi être occasionnées par des dérèglements spontanés du système immunitaire, ou encore par l'absorption de substances toxiques pour le rein, notamment certains médicaments.

Est-ce que les habitudes alimentaires en sont pour quelque chose ?

Dans une certaine mesure. Par exemple, une alimentation trop salée peut entraîner ou aggraver une hypertension artérielle. Un excès d'apport de protéines ou de graisse peut également entraîner des troubles métaboliques.

La Journée mondiale du rein a été célébrée sous le thème « Reins et hypertension artérielle ».  Quel lien y a-t-il entre eux ?

Les maladies rénales risquent souvent d'entraîner de l'hypertension et d'un autre côté l'hypertension artérielle augmente les risques d'avoir une maladie rénale. L'hypertension artérielle endommage les reins et affecte peu à peu les unités du rein qui filtrent le sang. Les reins ne sont alors plus en mesure de fonctionner correctement. Il en résulte une diminution de la capacité des reins de débarrasser le sang des liquides et des déchets, d'où le risque d'insuffisance rénale.

L'on sait qu'une grande proportion, probablement le tiers des Marocains sont hypertendus.  Est-ce qu'ils encourent tous le risque d'attraper une maladie rénale?

Les artères apportent de l'oxygène dans tout le corps : cerveau, jambes, reins, cœur… Lorsque la pression du sang est trop élevée, les artères de tous ces organes indispensables à la vie s'usent donc plus vite. L'usure due à la tension sur ces organes vitaux : le cœur, le cerveau, les reins...se produit lentement mais sûrement, en 10, 20 ou 30 ans. Le contrôle de la tension doit être plus strict chez les diabétiques.

Y a-t-il d'autres facteurs aggravants, dont l'âge par exemple ?

De nombreux facteurs peuvent augmenter ce risque, notamment:
- des antécédents familiaux d'hypertension artérielle ;
- l'obésité ; le manque d'exercice physique ;
- l'âge : risque plus important après 50 ans
- une alimentation trop salée ;
- la cigarette ; le stress.

Est-ce que l'insuffisance rénale peut être évitée ? Y a-t-il des mesures préventives à suivre ?

Lorsque l'on est en bonne santé, certaines règles très simples permettent de préserver le bon état de ses reins. Elles contribuent également à la prévention des maladies cardiovasculaires et métaboliques :
- boire la quantité d'eau adaptée à ses besoins (au moins 1 litre par jour), répartie sur la journée, afin de faciliter le travail des reins
- avoir une alimentation équilibrée afin d'éviter le surpoids et l'excès de cholestérol
- ne pas manger trop salé car l'excès de sel favorise l'hypertension;
- arrêter de fumer;
- pratiquer un exercice physique régulièrement pour lutter contre la sédentarité.
- faire attention à certaines substances qui peuvent être toxiques pour les reins;
 - éviter l'automédication : les anti-inflammatoires non stéroïdiens, y compris l'aspirine, peuvent être toxiques pour les reins. Il en va de même pour certains analgésiques, comme le paracétamol, s'ils sont utilisés à fortes doses et à long terme;
- être vigilant quant à l'abus de laxatifs ou de diurétiques, et à la consommation de produits dont la composition n'est pas clairement identifiée (herbes ou décoctions);
- se méfier des régimes hyperprotéinés, qui peuvent fatiguer les reins.
Certains produits de contraste iodés injectés lors d'examens radiologiques peuvent endommager les reins de personnes fragiles.  Il faut toujours en parler à son médecin.

Quels sont les traitements les plus fréquents contre ces maladies?

Des traitements étiologiques et d'autres symptomatiques. Ces traitements permettent soit la guérison, soit retarder l'évolution vers l'insuffisance rénale. Un bon contrôle de la tension artérielle peut ralentir la dégradation  de la fonction rénale en cas de maladie rénale.

La dialyse est utilisée parfois en dernier recours. Est-ce que c'est une fatalité pour les patients atteints de cette maladie?
 
Seul un traitement efficace peut ralentir la progression de la maladie et retarder l'heure des premiers traitements de suppléance rénale. La première étape : informer le public sur les maladies rénales et leurs préventions : C’est l’une des actions prioritaires de l'Association Reins. La dialyse devient une nécessité au stade terminal

Finalement, tout doit se faire en amont, sur le plan de la prévention et de la sensibilisation. Que faites-vous en tant qu'Association à ce niveau-là ?

C'est ainsi que l'Association Reins a développé des actions de communication ciblées sur les maladies rénales et des campagnes de dépistage précoce. Pour essayer d'atteindre nos objectifs, nous organisons des campagnes d'information, de formation et de dépistage des maladies rénales auprès de la population générale (caravane des maladies rénales) avec le recours à des moyens pédagogiques et audiovisuels, dont le film de sensibilisation : “La greffe …un bonheur retrouvé”, en versions arabe et française, des dépliants et des affiches.

Qu'en est-il de la prise en charge des malades? Au coût de la maladie s'ajoute souvent l'absence d'une couverture médicale. Et en l'absence de traitement, les malades sont confrontés à une morte lente.

Environ 3000 personnes nécessitent chaque année un traitement par dialyse au Maroc, mais seule une minorité peut y accéder. Le traitement des maladies rénales représente une lourde partie des dépenses totales de l'AMO. Le traitement par dialyse se développe de manière très lente dans notre pays et même avec un nombre de centres qui avoisine actuellement les 121, ces derniers ne permettent  pas de prendre en charge tous les patients, en particulier les plus indigents d'entre eux. Le manque de moyens reste toujours une entrave importante au développement de ce moyen thérapeutique. Si l'AMO permet à une catégorie de la population d'avoir accès aux traitements, comme la dialyse et la transplantation dans le cadre de la prise en charge des maladies chroniques, nombreux sont encore ceux qui décèdent par manque de traitement.

La greffe reste une solution alternative. Où en est-on aujourd'hui au Maroc ?

Depuis 1990, date de la première greffe avec une équipe 100% marocaine, 160 greffes ont été effectuées à partir d’un donneur vivant. Malheureusement, comme le montrent les statistiques, nous avons accumulé un énorme retard  dans ce domaine. Il est certain que de nombreux facteurs sont incriminés dans ce retard: économiques, logistiques et socioculturels,… Cependant, ceci ne peut pas nous excuser dans la mesure où  des pays de même culture et d'autres du même niveau économique, ont pu développer cette thérapeutique. La situation des transplantations rénales dans notre pays reste inacceptable et qu'il y a urgence à la faire  évoluer. Alors on est en droit de se poser la question : pourquoi pas nous ? Et que devons-nous faire pour essayer de rattraper le retard ?

Enfin, le thème de la Journée organisée à Rabat porte sur le « Rein et cancer ». Pourquoi ce thème ? Et quelle est la fréquence du cancer du rein chez les insuffisants rénaux?

Cette association est fréquente, les reins peuvent être atteints en cas de cancer de façon directe ou indirecte par les médicaments utilisés. Et le cancer des reins bénéficie actuellement de thérapeutiques nouvelles. En effet, les reins atteints d'insuffisance rénale peuvent développer des lésions qui dégénèrent. Ces lésions nécessitent une surveillance pour un dépistage fréquent.


Bio express

Amal Bourquia, présidente de l’association Reins, est professeur de néphrologie. Elle fait partie de la première génération de néphrologues marocains. Titulaire du certificat national de néphrologie de la Faculté de Médecine René Descartes de Paris, elle a effectué un cursus d’enseignante au CHU Ibn Rochd et a signé plusieurs ouvrages sur le thème de l’insuffisance rénale. Le Pr. Bourquia a participé à la mise en place et au développement de la dialyse périodique et au démarrage de la transplantation rénale au Maroc.


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1.Posté par ourabah hassan le 05/05/2010 15:33
Bien le bonjour à vous très cher pr s'il vous plait j'attends votre réponse le Dr me demande d'enlever le rein gauche et moi j'ai peur de perdre le droit car j'ai très mal à gauche merci bien de me répondre qu'allah vous garde recevez mes remerciements pour ce que vous faites et un grand bravo

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