Entretien avec Roberta Yasmine Catalano, écrivain italo-libanaise

«La communauté italienne a toujours été proche des Marocains»


PROPOS RECUEILLIS PAR ALAIN BOUITHY
Mardi 17 Novembre 2009

Entretien avec Roberta Yasmine Catalano, écrivain italo-libanaise
La présentation de l’ouvrage «Eclats de mémoire, les Italiens au Maroc» (Editions Senso Unico) a eu lieu récemment dans l’enceinte du Consulat général d’Italie
à Casablanca.
En présence de son auteur, Roberta Yasmin Catalano, qui s’est prêtée
à nos questions.

Libe : Votre livre donne un aperçu historique des relations maroco-italiennes à partir du XII siècle. Pourquoi partir de cette date ?
Roberta Yasmine Catalano: Il n’y pas de raison particulière à ce choix. Il se trouve que les documents que j’ai pu trouver dans les différentes bibliothèques où je me suis rendue au cours de mes recherches proposent des informations qui remontent à cette date. Il n’y a donc pas d’autres raisons que celle-là.
C’est un travail de très fourni que vous proposez dans ce livre. A-t-il été facile de réunir autant de documents et d’informations dans votre ouvrage ?
Les documents étaient disponibles. Une grande partie des documents cités dans ce livre viennent de la Bibliothèque nationale de Rome et des archives du Consulat d’Italie de Casablanca et de Tanger. Mais surtout des archives des personnes interviewées. Mais cela n’a pas toujours facile.
A propos des témoignages que vous publiez. Quelle a été la réaction des personnes interviewées à l’annonce de ce projet ?
Elles étaient très ravies parce que leur plus grande peur était d’être oubliées. En livrant leurs histoires, elles espéraient ainsi « sauver » leurs histoires.
Vous étiez-vous intéressée à un profil particulier lors de ces entretiens?
Pas du tout. J’ai commencé par contacter les personnes que je connais mais aussi celles que j’aime ou dont les histoires méritaient d’être connues. Ces premiers contacts m’ont conduite vers d’autres Italiens qui m’ont suggéré des noms à leur tour que j’ai contactés par la suite.
J’ai interviewé des Italiens au profil très varié, notamment des architectes, femmes au foyer, médecins, vétérinaires, coiffeurs, des ouvriers de bâtiment, etc.
Y a-t-il des anecdotes (témoignages) qui vous ont particulièrement marquée?
L’un des moments émouvants était sûrement l’évocation des témoignages sur la guerre telle qu’ils l’ont vécue. Cela n’a pas été facile d’en parler: On sentait leurs réticences. Certains m’ont déclaré se sentir nus en racontant leur séjour dans les internats, prisons de la guerre, chose que je comprends.
Et c’est avec beaucoup d’émotion que je les ai retrouvés à la présentation du livre dont ils ont daigné enrichir de leurs précieux témoignages. Savoir que certains sont venus de très loin pour cette cérémonie (organisée par le Consulat d’Italie à Casablanca et l’Association Dante Alighieri) me touche énormément.
Le livre décrit aussi la perception qu’avaient les écrivains et voyageurs italiens du Maroc à une époque lointaine. Qu’est-ce qui a pu nourrir les préjugés d’alors?
Il y a naturellement une nette évolution depuis cette époque, ce qui est tout à fait normal. Il y avait un tas de préjugés du fait qu’il y a eu deux cultures totalement différentes. Il était donc normal que s’installe au tout début une certaine méfiance et des préjugés. Les Italiens ne s’étaient pas préparés à être confrontés à une culture aussi différente. Mais au fur et à mesure que le temps passait, on a commencé à apprécier, admirer au point que certains Italiens sont tombés amoureux du Maroc.
Vous vous êtes déjà intéressée à l’émigration italienne en Tunisie. Avez-vous retrouvé des points de convergence avec celle du Maroc ?
Très peu. Parce que la communauté italienne en Tunisie a été très nombreuse, je pourrais dire dix fois plus que celle du Maroc. Et donc beaucoup de productions (livres, publications) ont été montées dont des journaux, tel le journal italien de Tunisie qui existe encore.
Qu’aimeriez-vous que les lecteurs retiennent de ce travail ?
Qu’ils sachent que la communauté italienne au Maroc a existé, qu’elle a une histoire très forte et surtout qu’elle a été très proche des Marocains. En arrivant ici, les Italiens dont les origines étaient modestes, étaient aussi pauvres que leurs hôtes, qu’ils se sont entraidés avec ces derniers. Le respect entre les deux peuples est tel que je trouve important de le souligner.
Quelle image l’Italienne que vous êtes a-t-elle du Maroc où vous avez vécu pendant 15 ans?
Je me sens plus chez moi ici qu’en Italie. Et pour moi, c’était une dette envers ce pays (Maroc), d’écrire aussi leur histoire et tout le bien qu’ils ont fait pour les Italiens.
Cet ouvrage est disponible en français et en italien. Envisagez-vous une version arabe pour une large diffusion ?
Pour le moment, nous n’en sommes pas là. Mais si cela pouvait intéresser un éditeur, j’en serais ravie. C’est vraiment mon rêve.


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