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Entretien avec Naceur Oujri président du Syndicat des figurants à Ouarzazate

“Il faut organiser la profession et associer les acteurs à la promotion de la destination”


Propos recueillis par M’BARK CHBANI
Vendredi 18 Mars 2011

Entretien avec Naceur Oujri  président du Syndicat des figurants à Ouarzazate
Grand pionnier
de la figuration
cinématographique à Ouarzazate, Naceur Oujri a consacré toute sa vie
au tourisme
et au cinéma qu’il continue toujours
à servir avec
la même ardeur
et le même
professionnalisme. Entretien.

Libé :Tout d’abord, parlez-nous un peu de vous ?

Naceur Oujri: Je suis né en 1948 à Ouarzazate où j’ai poursuivi mes études jusqu’au cours moyen deuxième année. J’ai décroché mon certificat d’études primaires en 1962. Ensuite, j’ai arrêté. 

Et qu’avez-vous fait après l’école ?

J’ai travaillé à l’hôtel Azghor, gîte d’étape de l’époque et premier hôtel de tourisme à Ouarzazate. Je travaillais à l’hôtel et j’accompagnais les touristes en visite dans la région. Ceci m’a permis de rencontrer un jour une équipe de cinéastes étrangers venus faire les repérages de ’’Lawrence d’Arabie’’ dans la région d’Ouarzazate. Je les ai accompagnés pour leur faire découvrir tous les sites naturels de la région qui pourraient leur servir de décors pour leur film. Ils étaient accompagnés par feu Mohamed Ousfour du CCM. Une fois les repérages terminés, ils  sont rentrés chez eux.

Et après, que s’est-il passé?

-A la mi 1962, on a commencé le tournage de ‘’Lawrence d’Arabie’’ à Ouarzazate. J’y ai participé en tant que figurant. J’ai joué le rôle d’un soldat turc, car Lawrence avait regroupé les tribus arabes pour chasser les Turcs de la péninsule arabique.

Combien gagniez-vous ?

A l’époque, je gagnais dix dirhams par jour, l’équivalent de cent ou deux cents dirhams aujourd’hui.

Avez-vous participé à d’autres films après ‘’Lawrence d’Arabie’’ ?

Oui. En 1967, j’ai tourné dans ’’Oedipe-Roi’’ de Pasolini. Lorsqu’il était venu à Ouarzazate pour les repérages de son film, il était descendu à l’hôtel où je travaillais. Et c’est là que j’ai fait sa connaissance. Il m’a alors demandé de lui servir de guide pour les repérages. Et après, quand il est revenu pour le tournage, il m’a confié le rôle d’un berger qui allait trouver un bébé Oedipe) dans la nature. ‘’Oedipe-Roi’’, m’a ouvert la voie car j’ai commencé à faire de la figuration dans de superproductions hollywoodiennes et autres. Il y a eu d’abord des films tels que ‘’la Bible’’ en 1992, et ‘’Abraham’’. Asper avait loué l’endroit où se trouve aujourd’hui le musée du cinéma pour y tourner la série des films de la Bible. On a commencé par ‘’Abraham’’, et ensuite, tous les films sur les prophètes ont été tournés dans ce site.

Parlez-nous un peu de cette amitié avec Pasolini !

Lorsqu’il était venu à Ouarzazate, c’est moi qui lui avais servi de guide. Je lui ai fait visiter M’Hamid El Ghizlane, Tinghir , Méghrane… Bref, il avait visité toute la région. Et il était émerveillé par tout ce qu’il avait découvert. Comme je lui avais dit que j’étais de la région, il était très content. Il m’a dit :«Lorsqu’il je reviendrai pour le tournage de mon film, tu seras chargé du recrutement des figurants et tu auras également le rôle que tu voudras dans le film. »Ainsi est née notre amitié et notre longue relation de travail, car Pasolini avait remarqué que j’aimais ce métier. Il me payait très bien. J’interprétais les rôles qu’il me confiait avec professionnalisme.

Vous êtes alors devenu un vrai acteur de cinéma. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

C’est vrai. Je suis passé de la simple figuration aux seconds rôles. Le dernier grand film auquel j’ai participé est ‘’Gladiator’’qui a remporté cinq Oscars.

Et lorsqu’il n’y a pas de tournage, que faites-vous ?

Pour accompagner Pasolini et d’autres cinéastes, le caïd de Ouarazazate m’avait délivré à l’époque une autorisation pour exercer le métier de guide. Comme vous le savez, en1967, Ouarzazate était encore rattachée à la province de Marrakech. 

Donc, en plus des rôles que vous interprétiez dans ses films, Pasolini vous avait chargé du recrutement des figurants. Racontez-nous comment cela se passait?

Comme il me connaissait bien et me faisait confiance, il m’avait chargé de cette mission. J’étais en quelque sorte son assistant pour la figuration. Mais ce n’était pas facile du tout à cette époque-là car dans les années soixante, les gens ne voulaient pas faire du cinéma et on ne trouvait pas de femmes à Ouarzazate pour faire de la figuration féminine. Nous étions donc obligés d’aller à Marrakech.

Mais aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé. A votre avis, à quoi est dû cet engouement pour le cinéma à Ouarzazate ?

Le cinéma a commencé à attirer du monde à partir des années quatre-vingts après la construction des studios Atlas en 1984. 

Vous rappelez-vous des titres de certains films tournés dans ces studios ?

Bien sûr. On y a tourné entre autres, ‘’Le Diamant du Nil‘’, ’’Kundun’’, ’’Le Dernier Pharaon’’, ’’Astérix et Obélix : mission Cléopâtre’’, …

Et où en est la situation des figurants à Ouarzazate aujourd’hui?

Aujourd’hui, nous avons plus de 4000 figurants. En 2001, nous avons créé notre propre syndicat pour défendre nos intérêts. C’est le Syndicat de la figuration Ouarzazate dont je suis le président. Nous avons également créé l’Association ’’Ouarzazate 7ème Art’’.

Comment cela se passe-t-il dans la pratique ?

Les sociétés de production ont leurs représentants à Ouarzazate. Donc, c’est à eux qu’elles s’adressent pour répondre aux besoins des sociétés de production étrangères qui viennent tourner chez nous. Nous sommes donc obligés d’aller trouver ces représentants pour leur proposer nos services.

En 1962, vous gagniez 10 DH par jour pour tourner dans ‘’Lawrence d’Arabie’’. Et aujourd’hui, combien gagne un figurant à Ouarzazate ?

La situation a évolué difficilement. En 1996, nous avions même observé une grève pour faire entendre notre voix car on ne gagnait que 120 DH par jour.  Notre mouvement a entraîné l’arrêt d’un tournage. C’était, si je ne me trompe ’’Cléopâtre’’. Nous avions eu gain de cause et on nous avait accordé une augmentation de 60 DH. On a donc passé à 180 DH par jour. Et après la création du syndicat et de l’association en 2001, nous avions réclamé une nouvelle augmentation de salaires. Les sociétés de production ont alors porté notre salaire journalier à 200 DH. Nous avons à maintes fois demandé au CCM (Centre cinématographique marocain) d’organiser la profession, mais en vain. Je pense qu’il est temps d’accorder aux figurants un statut spécial comme les autres corps de métiers. 

Quelles relations entretenez-vous avec la Ouarzazate Film Commission ?

Nous avons de bonnes relations avec ‘’La Film Commission’’dont nous avons salué la création, car c’est un plus pour le cinéma à Ouarzazate. Nous avons déjà eu des contacts avec Abderrazzak Zitouny, le directeur de l’OFC, à qui nous avons demandé de nous contacter chaque fois qu’il a besoin de figurants. Et je crois savoir qu’ils sont en train de préparer un événement dans le cadre duquel la Film Commision rendra hommage à certains figurants de la région.

Selon vous, que doit-on faire pour attirer davantage de tournages à Ouarzazate ?

Dans ce domaine, le Maroc est sérieusement concurrencé par d’autres destinations telles que la Tunisie, l’Amérique latine et l’Inde. Je fais le guide à la Kasbah de Taourirt, et j’ai eu déjà l’occasion de rencontrer beaucoup de touristes d’Amérique latine et de Tunisie qui me posent presque toujours la même question : «Qu’est-ce qui a fait que Ouarzazate est devenue une destination de tournage très prisée par les réalisateurs étrangers ?» Cela veut dire qu’ils cherchent à nous rafler des tournages. Et quand je leur renvoie la question en leur  demandant comment ils s’y prennent chez eux, ils me disent que leurs acteurs sont toujours présents aux grands rendez-vous du cinéma pour attirer les réalisateurs étrangers. Ils les présentent dans tous les festivals que ce soit en Tunisie ou à l’étranger. Je pense que les acteurs et les professionnels peuvent faire beaucoup plus dans ce domaine. Notre participation aux événements cinématographiques ne doit pas se limiter seulement aux fonctionnaires. Les gens du cinéma doivent également être présents pour promouvoir la destination. Car ils peuvent donner tout un aperçu sur Ouarzazate, les sites de tournage, l’éclairage, les professionnels disponibles sur place, etc. Cela encouragera certainement les réalisateurs à venir tourner chez nous. Sinon, il nous sera difficile de faire face à une concurrence de plus en plus forte dans ce domaine. D’ailleurs, la production a beaucoup baissé à Ouarzazate. Et je souhaite que l’OFC et le CCM associent à l’avenir les professionnels locaux à la promotion de cette destination. En tout cas, c’est ce que font tous nos concurrents. A titre d’exemple, Readley Scot était sur le point d’aller tourner son prochain film en Tunisie s’il n’y avait pas eu les derniers événements qu’a connus ce pays. 


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