Sous la tente, un vieil homme acquiesce: "mon neveu a été pointé du doigt aussi" par un voisin qui l'accusait d'avoir volé sa terre. Après la mort de son frère au combat en 2017, Nour et sa famille l'ont publiquement renié. Normalement, selon la loi tribale, plus personne ne peut leur faire porter ses fautes. Mais selon elle, le cheikh avait déjà pris les terres et les maisons de la famille. "Quand j'ai essayé de revenir, j'ai découvert qu'il était protégé par le Hachd alChaabi", dit-elle, en référence à une coalition d'anciens paramilitaires pro-Iran désormais intégrés à l'Etat. "Pour pouvoir rentrer, nous devons payer (le cheikh), mais nous n'avons pas cet argent", assure-telle. Selon un rapport de Mélisande Génat pour l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), les familles de déplacés peuvent faire "confirmer la fausseté des accusations" par "des comités de chefs tribaux et de dignitaires politiques et militaires". Ensuite, les accusations "doivent être abandonnées par l'Etat" et un retour est possible. Mais, ajoute le rapport, dans les zones où est présent le Hachd, les accusateurs peuvent s'en rapprocher et faire accréditer les accusations de "terrorisme".
Dans une tente voisine, une Irakienne se présentant sous le pseudonyme de Sara vit avec sa soeur, veuve d'un combattant de l'EI. Suspectée de sympathie pour ce groupe, cette dernière a été emprisonnée plus d'un an. "Nous avons payé 180.000 dollars à un membre du Hachd (pour la faire libérer). En vain", raconte Sara désignant sa soeur, prostrée sous un voile qui ne laisse apparaître que ses yeux. Pour obtenir sa libération, la famille a finalement engagé un avocat en s'endettant. Aujourd'hui, elle n'arrive plus à rembourser ses créanciers. Selon Sara, des membres du Hachd lui ont même volé à un barrage 500 dollars reçus d'une ONG. Avec les accusations qui planaient autour d'elles, un vieux conflit familial a refait surface. "Nous avions des problèmes avec nos cousins, et quand ils ont appris l'arrestation de ma soeur, ils ont fait de faux témoignages" pour discréditer la famille, dit-elle à l'AFP. Non seulement ces familles ne peuvent rentrer chez elles mais les autorités leur demandent de quitter Hassan Cham. Depuis l'automne, Bagdad cherche en effet à fermer le plus possible de camps où vivent encore plus de 200.000 Irakiens. "Des centaines de familles au moins (...) ne peuvent pas retourner dans leur région d'origine à cause de ces accusations (...) généralement basées sur des rumeurs (...) et souvent liées à des problèmes tribaux ou familiaux", confirme à l'AFP Belkis Wille, de l'ONG Human Rights Watch. L'Etat n'a pas mené la nécessaire réconciliation, accuse-t-elle. Résultat, dit-elle, "ces familles sont traitées comme des ennemis de l'Etat".