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En Espagne, les destins de deux apprentis toreros figés par la pandémie


Libé
Dimanche 9 Mai 2021

En Espagne, les destins de deux apprentis toreros figés par la pandémie
Les “toro, toro!” résonnent encore plus fort dans le vide des arènes de Las Ventas à Madrid, les plus prestigieuses du monde, où s’entraînent Alvaro et Guillermo, deux jeunes apprentis toreros dont la carrière naissante a été stoppée net par la pandémie.

En survêtement et baskets, masque FFP2 sur le visage, Alvaro Burdiel, 22 ans, tend vers l’avant la cape fushia et moutarde. Le bras raide, la fierté dans l’épaule, le geste est là. Espoir de la tauromachie, il est déjà sorti triomphant en octobre 2019 “sur les épaules et par la grande porte” de Las Ventas, plus grand moment de gloire qu’un matador puisse vivre. Ignorant si les prochains mois le laisseront redescendre dans l’arène, il ne manque aucun de ses cours quotidiens dans l’enceinte ocre mythique, en pleine capitale espagnole. Il reconnaît avoir eu “des passages à vide comme nous en avons tous. Mais c’est la passion, la constance qui font la différence à la fin. Le fait de ne jamais se rendre”. Un peu plus loin, Guillermo Garcia, t-shirt vert céladon, a eu lui la chance d’être choisi pour toréer dimanche, lors de la première corrida organisée à Las Ventas depuis un an et demi. Il agite doucement sa cape, soulevant le sable pour provoquer la “bête” en face de lui. Un taureau ? Non, un autre élève, paire de cornes en main et dos voûté, qui, essouflé, charge avec la même fougue que l’animal.

Ils sont une vingtaine de jeunes cet après-midi d’avril à répéter inlassablement la chorégraphie du combat avec le taureau. Un “carreton”, une tête de taureau montée sur des roues, attend qu’on l’empoigne dans un coin de l’arène. Les enseignants tentent de maintenir la motivation de leurs élèves, malgré les incertitudes pesant sur la saison, qui se tient habituellement de mars à octobre et avait été annulée en 2020 à cause de la pandémie. Autre place forte de la tauromachie, Séville a finalement annulé les corridas prévues mi-avril car elles n’auraient pas été rentables en raison des restrictions sanitaires. “Doucement, ne lève le talon qu’au dernier moment, bouge le bassin, voilà c’est ça”, lance José Pedro Prados, alias El Fundi, directeur de l’école taurine de Las Ventas.

“On les emmène voir des cheptels pour qu’ils gardent le moral et de l’espoir”, confie cet ancien célèbre matador. Il le reconnaît, “les écoles taurines vivent très mal” les restrictions sanitaires. “Il y a des gamins qui étaient au firmament quand tout s’est arrêté, ce sont des années décisives dans une carrière”. Les tribunes sont désertes, à l’exception de quelques ouvriers repeignant les rambardes, signe d’une reprise imminente de l’activité. Fermées depuis octobre 2019, Las Ventas ont obtenu l’autorisation d’organiser une corrida avec seulement 6.000 spectateurs, contre 44.000 habituellement. Des stars comme El Juli ou Enrique Ponce seront à l’affiche aux côtés de Guillermo, novillero (matador débutant). Un honneur qu’il doit à 19 ans, à sa “constance”, estime son maestro. Il a, selon El Fundi, “quelque chose de différent, une gravité, une force et une passion” et ce, “depuis ses débuts”. Guillermo confie avoir connu des moments de “doute” au cours de cette année de paralysie. “Je ne voyais pas venir le jour où je pourrai récolter les fruits de mon entraînement”. Il se disait alors “tôt ou tard, ils vont rouvrir les arènes et ce sera mon tour”.

“Voir les gens avec des masques, espacés, les arènes à moitié vides. Il n’y aura pas non plus de sortie par la grande porte puisque les attroupements sont impossibles. Mais il faudra bien s’habituer. Pas le choix”. L’étudiant en administration des entreprises conclut: “Le taureau lui se moque de la pandémie. Pandémie ou pas, il sera le même”. La pandémie durera le temps qu’elle durera mais la relève est déjà assurée. Le petit Nico, 6 ans, cape et épée miniatures à la main dans l’arène, fait du “toreo de salon”, c’est-à-dire sans taureau, comme il l’explique, très sérieux.


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