En Egypte, le foisonnant printemps de la scène musicale indépendante

Jeudi 24 Novembre 2016

Debout sur la scène d'un club du Caire, ordinateur ouvert devant lui, le musicien égyptien Ahmed Saleh partage avec un public conquis sa dernière création de musique électro-soufie avec à la voix son compère Abdullah Miniawy. Le duo incarne la nouvelle génération de musiciens qui a fleuri au Caire ces dernières années, enthousiasmant en Egypte et au-delà avec leurs sons électroniques, hip-hop, jazzy ou rock parfois mixés avec de la musique traditionnelle arabe ou des chants soufis. Ahmed Saleh, qui a déjà collaboré au Festival "La voix est libre" à Paris, donne au moins cinq concerts par mois entre son duo et une collaboration avec le groupe Telepoetic de la ville portuaire d'Alexandrie (nord). Dans un pays qui fait surtout la une de l'actualité pour son instabilité politique et la répression des opposants, l'effervescence de la scène musicale apporte une fraîcheur opportune. Et permet à l'Egypte, nation la plus peuplée du monde arabe, de rayonner à nouveau sur la scène culturelle. Ce mouvement "a trouvé un public (...) parce qu'il est devenu accessible sur Internet et non sur le marché dominé par ceux qui éditent les CD", explique à l'AFP Tamer Abou Ghazaleh, un musicien palestinien né au Caire, co-fondateur de Ma3azef, un magazine en ligne de critique musicale. Comme dans d'autres pays, les maisons de disque ont misé durant des années sur des morceaux traditionnels et consensuels, écartant de nombreux artistes. Mais les nouvelles plateformes Internet comme SoundCloud, Pandora, YouTube ou Facebook, très prisées dans un pays qui compte 40% de jeunes âgés de 10 à 20 ans, ont révolutionné le monde de la musique. "C'est la première fois en Egypte, au moins depuis les années 1920, que la musique représente les gens de façon directe, sans intermédiaires", explique à l'AFP Mahmoud Refat, fondateur de la maison de disque indépendante 100Copies Music, connue pour ses productions de musique expérimentale et de jazz. Dès la fin des années 2000, le mouvement musical "mahraganat" ou "electro-chaâbi" s'est développé depuis les quartiers populaires, sans le contrôle des maisons de disques. Utilisant des logiciels gratuits ou bon marché, les jeunes musiciens ont remixé de la musique traditionnelle égyptienne avec des sons électroniques tout en s'inspirant du flow des rappeurs. Le "mahraganat" est devenu le style le plus écouté en Egypte. En 2014, l'Institut du monde arabe à Paris lui a consacré une soirée d'honneur dans le cadre du "Arabic Sound System".
Le Printemps arabe, marqué par des manifestations de masse et la chute du régime autoritaire de Hosni Moubarak, a accentué l'effervescence musicale. "Beaucoup de choses ont évolué avec ce qui s'est passé en 2011 et 2012 et la révolution", affirme Maurice Louca, compositeur en 2014 d'un album à succès Benhayyi Al-Baghbaghan (Salut au perroquet) et qui a joué plus de 50 concerts à l'étranger cette année, entre autres en Allemagne ou aux Pays-Bas. Dans les années 1990, sous le régime Moubarak, la scène musicale existait à peine. Les autorités interdisaient souvent des concerts, accusant les participants de pratiquer le "satanisme", selon M. Louca.
"On avait l'impression d'être dans un désert absolu". Le vent de liberté après la révolution a facilité l'ouverture de nouveaux lieux de concerts et l'apparition de festivals. Et les médias ont davantage couvert la musique. "Il y avait une très belle atmosphère où tous ceux qui voulaient faire quelque chose pouvaient le faire", se souvient le compositeur électro Rami Abadir, qui vient de publier un premier album avec le label canadien D.M.T Records.


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