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Driss Lachguar : Il ne peut y avoir de développement sans une réelle réforme du Code de la famille

Lors d’ une table ronde initiée par l’Organisation des femmes ittihadies


Mourad Tabet
Dimanche 20 Novembre 2022

Driss Lachguar : Il ne peut y avoir de développement sans une réelle réforme du Code de la famille
«La conjoncture actuelle est favorable au gouvernement et il doit faire preuve de courage et proposer une loi garantissant les droits des femmes, car il n'y a pas de développement de notre pays sans une réelle réforme du Code de la famille ».

C’est la conviction inébranlable du Premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachguar, qu’il a exprimée lors de la table ronde organisée samedi dernier par l’Organisation des femmes ittihadies (OFI) en présence de Hanane Rihhab, secrétaire nationale de l’OFI, des représentantes des organisations féministes marocaines et des membres du Bureau politique de l’USFP.

« Pour celles qui travaillent au sein des organisations défendant les droits humains des femmes, il ne devrait y avoir aucun seuil quant aux droits et libertés des femmes, qui sont universellement reconnus», a rappelé  Driss Lachguar lors de cette table ronde tenue au siège central du parti de la Rose.

Et de mettre un bémol : «Mais nous travaillons dans une société composite dans laquelle il est difficile pour une personne de parler avec certitude ou de prendre des positions certaines et absolues», a souligné le dirigeant ittihadi, tout en appelant les associations féministes marocaines à faire campagne auprès des femmes pour les convaincre de la nécessité de modifier le Code de la famille.
«La persuasion commence d'abord par la moitié de la société», a-t-il précisé.

Driss Lachguar a également rappelé le débat sur l’article du Code de la nationalité. « Lorsque j'ai présenté une proposition de loi portant modification de l'article 6 du Code de la nationalité, une résistance est apparue au sein même du gouvernement de l’Alternance dirigé par Abderrahmane El Youssoufi prétextant que les circonstances ne permettaient pas de le discuter, mais nous sommes restés fermes sur notre position», a fait savoir le dirigeant ittihadi.

Il convient de rappeler que l’article 6 dudit Code, avant sa modification, disposait ceci : «Est Marocain, l’enfant né d’un père marocain ; l’enfant né d’une mère marocaine et d’un père inconnu», cela veut dire que la mère ne peut conférer la qualité de Marocains à ses enfants que dans le seul cas où le père de ses enfants serait inconnu.

Par ailleurs, Driss Lachguar a appelé l’OFI à procéder à un diagnostic minutieux de tous les articles du Code de la famille pour déceler ses lacunes et ses contradictions, soulignant le soutien de l’USFP et de ses Groupes parlementaires à toutes les initiatives allant dans le sens de la réforme de la Moudawana.

Pour sa part, Hanane Rihhab, secrétaire nationale de l’Organisation des femmes ittihadies (OFI), a fait savoir que les revendications portées par le mouvement des femmes au Maroc pour changer le Code de la famille ne peuvent aboutir sans une réelle synergie entre les associations de la société civile et les organisations féminines des partis politiques.
«Il y a complémentarité entre l’action des défenseurs des droits humains et l’action politique», a-t-elle rappelé.

Dans ce contexte, elle a appelé à la constitution d’un bloc regroupant les organisations féministes marocaines et les partis politiques en vue d’une réforme en profondeur du Code de la famille, laquelle est devenue une nécessité 18 ans après l'adoption  dudit Code.

Hanane Rihhab a également souligné que l’OFI a organisé plusieurs conférences, tables rondes et rencontres à ce sujet en vue de l’élaboration d'un mémorandum de plaidoyer  sur la réforme globale du Code de la famille. Selon la secrétaire nationale de l’OFI, ce mémorandum sera finalisé et présenté à la presse et à l’opinion publique à la fin de ce mois.

Quant à Aicha Lakhmass, représentante de l'Union de l'action féminine, elle a indiqué que le « Code de la famille de 2004 a constitué une révolution douce. C'est un fait indéniable, mais ses acquis étaient symboliques, car il avait un impact limité sur le statut de la femme marocaine au sein de la société ».

«Depuis le début, la Moudawana a connu des problèmes dans sa mise en œuvre. Elle aurait dû être une loi qui traite de la famille marocaine, et non pas une loi qui est un produit d’un consensus superficiel entre des tendances contradictoires, ce qui a empêché la Moudawana d'accomplir le rôle qui lui est assigné», a précisé Aicha Lakhmass.

Elle a relevé que «toutes les régressions proviennent de l’article 400 du Code». L’article auquel fait allusion Aicha Lakhmass dispose : «Pour tout ce qui n'a pas été expressément énoncé dans le présent Code, il y a lieu de se référer aux prescriptions du Rite Malékite et/ou aux conclusions de l'effort jurisprudentiel (Ijtihad), aux fins de donner leur expression concrète aux valeurs de justice, d'égalité et de coexistence harmonieuse dans la vie commune, que prône l'Islam». Selon elle, cet article a vidé les autres dispositions avancées du Code de la famille de leur sens.

« Il y a eu une sorte de coup d'Etat contre le Code et ses dispositions avancées lors de sa mise en œuvre, tout comme les coups d'Etat fomentés contre les révolutions», a-t-elle martelé.

Fatima-Zohra Chaoui, représentante de l'Association marocaine de lutte contre la violence à l'égard des femmes (AMVEF) a, pour sa part, salué l’organisation de cette table ronde par l’OFI pour débattre de la réforme du Code de la famille.

«Nous aspirons à un Code de la famille moderniste», a-t-elle mis en exergue, tout en soulignant que «la société civile et les organisations défendant les droits des femmes ont besoin de partis politiques qui peuvent défendre leurs revendications au sein du Parlement ».

A l’instar d’Aicha Lakhmass, Fatima-Zohra Chaoui a fait savoir que « le Code de la famille de 2004 a constitué une avancée par rapport au Code du statut personnel de 1957, car il a consacré le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes, mais la mise en œuvre de ses dispositions a dévoilé ses lacunes et ses limites».

Bouchra Abdou, présidente de l'Association Tahadi pour l'égalité, a, quant à elle, énuméré «les lacunes et les dysfonctionnements de la Moudawana» et mis l’accent sur «le calvaire que les femmes endurent dans les tribunaux du Royaume» pour défendre leurs droits.
Et d’ajouter : «Nous avons considéré le changement de 2004 comme une révolution douce pour fonder une famille harmonieuse qui protège toutes ses composantes, mais sa mise en œuvre a révélé ses limites».

Elle a également estimé que le Code de la famille comporte des dispositions contradictoires et des termes qui consacrent les stéréotypes sexistes, appelant à l’adoption d’«une nouvelle loi moderne basée sur l'égalité entre les femmes et les hommes et dénuée de tous les termes qui consacrent les stéréotypes sexistes (sadaq, don de la consolation…)».

Bouchra Abdou a aussi mis l’accent sur la problématique du mariage des mineures, notant que toutes les institutions de l’Etat (CNDH, CESE,  Parquet général…) tirent la sonnette d’alarme et révèlent des chiffres alarmants sur ce phénomène et ses répercussions négatives sur ces mineures. A cet égard, la présidente de l’Association Tahadi a appelé à l’amendement des dispositions concernant le mariage des mineures (articles de 41 à 46) et au durcissement des peines à l’encontre de toute personne impliquée dans les affaires de mariages de mineures.
Hanane Rihhab L’OFI présentera, fin novembre, un mémorandum de plaidoyer sur la réforme globale du Code de la famille
En outre, elle a évoqué le calvaire des mères célibataires et de leurs enfants, tout en sollicitant que le législateur prenne en compte le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant et à l’adoption du test ADN pour prouver la filiation parentale des enfants nés hors mariage.

Pour sa part, Farida El Yamouri, membre du Centre marocain de la professeure universitaire pour la recherche en genre et développement, a présenté une lecture juridique des articles et dispositions du Code de la famille, tout en estimant que la révision dudit Code est une nécessité vitale, car «ce Code intéresse la société dans son ensemble, et pas uniquement  les femmes».

Aïcha Guellaâ, présidente de l’Association marocaine des droits des victimes (AMDV), a, quant à elle,  affirmé dans son intervention que «la partie la plus faible dans le Code de la famille est la femme et l'enfant».

«Formellement, nous avons désacralisé le Code, mais le caractère sacré continue dans la pratique, et dans la façon dont la société marocaine le considère», a-t-elle déploré.
Elle a aussi mis l’accent sur les dispositions avancées de la Constitution de 2011, appelant à la nécessité d’harmoniser le Code de la famille actuel avec  la Loi suprême et avec les conventions internationales, notamment celle sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Elle a attaqué les libéraux qui sont profondément imbus d’idées conservatristes. «L’acteur politique d'orientation libérale peut aussi être conservateur», a martelé Aïcha Guellaâ, ajoutant : «Je ne crois pas  que ce gouvernement soutiendra nos revendications en ce qui concerne la réforme du Code de la famille, et je ne pense pas qu’il a le courage de le faire, même si nous élevons le seuil de nos revendications. C'est un gouvernement qui traite les revendications non pas avec la logique de l’autonomisation des femmes, mais plutôt avec celle de la charité ».

Pour sa part, Souad Batal, représentante de la Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes-FLDDF, a mis l’accent dans son intervention sur la «dynamique du discours Royal» reclamant la réforme du Code de la famille, tout en soulignant que la FLDDF plaide pour l’harmonisation du Code de la famille avec les dispositions de la Constitution de 2011 et celles des conventions internationales que le Maroc a ratifiées.

Mourad Tabet


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