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Dr. Layoussifi Elkhansa : Il ne faut surtout pas laisser un adolescent suicidaire livré à lui-même


Propos recueillis par Chaabi Chady
Mercredi 5 Février 2020

«Comprendre l’impensable».
Tel est le titre de notre article
paru il y a près d’un an, destiné
à braquer les projecteurs sur une des pires douleurs humaines.
Une insondable souffrance qui n’a de commune mesure que
l’incompréhension qu’elle suscite. On parle bien évidemment du suicide des jeunes et adolescents.
L’adolescence n’est pas une
période de la vie comme les autres. Loin d’être un long
fleuve tranquille, c’est plutôt un cap difficile à passer. Une période charnière et souvent troublée entre l’enfance et l’âge adulte qui peut conduire, pour le plus grand malheur de tous, certains jeunes
à mettre fin à leurs jours, ou du moins le tenter. Ce genre
de drame terrifiant suscite
chez la famille et les proches
incompréhension, culpabilité et sentiment d’impuissante extrême. Pour les parents, s’en remettre ressemble à une chimère.
A l’occasion de la Journée
nationale de la prévention du
suicide des jeunes, Layoussifi Elkhansa, psychiatre-
addictologue au Centre
d’addictologie du CHU Ibn Rochd et secrétaire générale
adjointe de la Ligue pour
la santé mentale, fait le point dans cet entretien.



Libe : Qu’est-ce qui pousse un adolescent au suicide ?
Dr. Layoussifi Elkhansa : cet acte n’est pas attribuable à une seule cause, mais plutôt à la combinaison de plusieurs facteurs. D’abord, il existe des facteurs pathologiques, à savoir les maladies psychiatriques. Ensuite, il y a la dépression. Beaucoup de jeunes connaissent des épisodes dépressifs et, malheureusement, leur entourage ne s’en rend pas compte. D’autant plus que ces ados sont réticents à en parler, tout bonnement car ils ne savent pas comment aborder le sujet. Donc, dans ce cas, la suicidalité* apparaît sur un nid de dépression : une maladie qui a un début et une fin. Un traitement et une prise en charge.

Quels sont les principaux facteurs déclenchant la dépression ?
Il en existe plusieurs tels une rupture amoureuse, un échec scolaire ou tout simplement un conflit avec les parents. Ces derniers peuvent déclencher une dépression, en s’appuyant notamment sur des facteurs de type héréditaire ou biologique, mais aussi psychologique voire environnemental. Par ailleurs, il existe des tentatives de suicide qui se déroulent dans d’autres circonstances. Sans qu’il y ait dépression ou maladie mentale sous-jacente.

Lesquelles ?
Elles sont à mettre sur le compte de l’impulsivité qui caractérise l’état émotif de certains adolescents. Dans ce cas-là, le passage à l’acte peut être facile, à l’instar de la prise d’une drogue, que le jeune soit addict ou bien juste sous l’effet d’une substance utilisée pour la première fois. Enfin, il convient de mettre en lumière le danger émanant d’Internet et qui prend corps dans des challenges morbides qui peuvent le pousser au suicide.  A titre d’exemple, le défi de la baleine bleue (voir notre édition du 9 janvier 2018). Cet effet de mode est dangereux dans le sens où faire comme l’autre, s’identifier à autrui, est un processus d’identification et une étape qui existe pendant l’adolescence.  

Est-il possible de “repérer” un adolescent suicidaire et de détecter les symptômes avant qu’il ne soit trop tard ?
Il y en a certains qui ne trompent pas, comme des changements importants de comportement. Généralement, un jeune en bonne santé et en pleine effervescence est fait pour être avec ses pairs, ses semblables. Il va sortir avec ses copains et passer du temps avec eux. Du coup, s’il commence à s’isoler, à préférer la solitude, à fuir ses amis et éviter toute discussion avec les membres de sa famille, les parents doivent se poser des questions. Tout comme quand leur fille ou leur fils, manque de concentration quant à ses travaux scolaires, avec des résultats à la baisse ou ne mange plus correctement et commence à perdre du poids, à faiblir et à blêmir. Là, il y a sûrement quelque chose qui ne tourne pas rond chez lui ou chez elle. Et justement, la maman a un rôle important à jouer dans ce sens, puisqu’elle est douée pour constater et percevoir les changements de comportement de ses enfants.

Que faire dans ce cas ?
On se doit d’aller lui poser la question. Mais en y mettant la manière, directement ou indirectement via une personne de confiance de son entourage. Il ne faut surtout pas le laisser livré à lui-même, et ce même si les parents ont tendance à se dire qu’il commence à grandir et qu’il a besoin d’intimité et donc ’’laissons-le tranquille’’. Certes, il a besoin d’intimité sauf qu’il a aussi besoin de se sentir soutenu et en sécurité. En fait, les ados ont une folle envie d’indépendance, tout en ayant un fort besoin d’être soutenus et accompagnés. Cette dualité est la définition même d’un adolescent. Il faut trouver le bon équilibre. Ne pas être trop intrusif, ne pas le gaver avec trop de questions, mais en parallèle, il ne faut pas totalement s’en désintéresser. Ce sont deux attitudes extrêmes à bannir.   

Et si les parents n’arrivent pas à établir le contact ?
Il va leur falloir s’appuyer sur une personne de confiance dans l’entourage de l’enfant. Il y a toujours une tante, un oncle ou un cousin, qui est plus proche de lui et plus empathique. Ce dernier doit avoir la capacité de l’écouter et lui exprimer son soutien. Lui poser des questions ouvertes pour l’amener à se confier. Et surtout le message à transmettre est : «Je suis ici pour toi si tu as besoin d’aide».

Quel est l’état d’esprit d’un adolescent qui a des envies suicidaires ?
Il se trouve dans un tunnel sans fin. Il y broie du noir avec la sensation d’un horizon bouché. Il se culpabilise, en se disant qu’il ne mérite pas cette vie pour une raison ou pour une autre. Pour lui, l’unique moyen d’échapper à cette souffrance intérieure serait le suicide. J’aimerais insister sur cette notion. Pendant la phase d’adolescence, le cerveau émotionnel prend de l’ampleur par rapport au cerveau rationnel. En d’autres termes, l’adolescent ne possède pas toutes les capacités pour prendre les bonnes décisions d’un point de vue rationnel et objectif. Donc, la personne qui va lui parler doit combler ce déséquilibre et lui offrir d’autres alternatives. Une lueur d’espoir.

* Tentative de suicide ou idées
suicidaires, sans qu’il y ait forcément  passage à l’acte réussi. 


Lu 2202 fois


1.Posté par Amina le 01/09/2021 00:26 (depuis mobile)
Un grand merci c'est Un très bon article je connais une personne qui a déjà fait un acte de suicide que puisse faire s'il vous plaît

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