“Désigné coupable ”: Tahar Rahim, une star dans l’ enfer de Guantanamo


Libé
Vendredi 9 Juillet 2021

“Désigné coupable ”: Tahar Rahim, une star dans l’ enfer de Guantanamo
Une performance d’acteur, un réquisitoire implacable contre l’arbitraire : Tahar Rahim brille aux côtés de Jodie Foster dans “Désigné Coupable”, en salles mercredi, film puissant inspiré du combat désespéré d’un innocent, suspecté de terrorisme et emprisonné sur la base américaine de Guantanamo.

Tahar Rahim incarne Mohamedou Ould Slahi, un Mauritanien suspecté à tort de terrorisme et enfermé pendant 14 ans dans cette prison militaire, sans inculpation ni jugement. Son avocate, qui le fera libérer à force d’acharnement judiciaire contre l’administration américaine, est jouée par Jodie Foster. La première scène se déroule dans le désert mauritanien, mais le film bascule très rapidement vers les cellules obscures de la base située sur l’île de Cuba, où il est conduit manu militari, comme près de 800 “prisonniers de guerre” depuis le 11 septembre 2001. “C’est une histoire vraie qui mérite et qui doit être racontée. C’est terrible ce qu’il s’est passé pour cet homme, dans le coeur duquel règne un message de pardon et de paix. C’est ça le plus important au fond”, a expliqué à l’AFP Tahar Rahim, interrogé sur ce film lors de la dernière saison des prix. 

Le film a été nommé aux Bafta et a valu un Golden Globe du meilleur second rôle à Jodie Foster, qui au-delà du combat judiciaire, montre la délicate tâche de tisser une relation de confiance avec ce prisonnier coupé du monde extérieur. Tortures par simulation de noyade, étourdissement par la musique à plein volume, privation de sommeil, humiliations... Le film, signé du documentariste et réalisateur Kevin Macdonald (auteur du biopic “Le Dernier roi d’Ecosse” en 2006) dépeint avec précision les conditions extrêmes sur la base américaine.

Vingt ans après le 11-Septembre, le film reste d’une actualité brûlante, Guantanamo détenant toujours en mai dernier 40 prisonniers, alors que sa fermeture avait été promise par Barack Obama en 2009. Washington est accusé de détention illégale, de violations des droits humains et de torture, alors que seuls une dizaine des détenus de Guantanamo ont vu les soupçons contre eux finalement confirmés. Le film doit beaucoup à la performance de Tahar Rahim. Parfois méconnaissable, les joues creusées, le teint malade et le crâne rasé, présent sur quasiment tous les plans, il rappelle par son intensité son rôle dans “Un Prophète”, le film de Jacques Audiard qui l’avait révélé il y a 12 ans, et où il jouait déjà un rôle de prisonnier.

“Le seul moyen que j’ai trouvé pour rendre authentiques ces scènes terribles de tortures, c’était d’en faire un peu l’expérience. D’aller au plus proche. Ce qu’on voit dans le film, je l’ai fait en vrai. J’ai porté de vraies menottes, j’ai été dans ces cellules froides, j’étais « waterboardé » (torturé par simulation de noyade) « forcefillé » (gavé de force de nourriture)”. “J’ai dû physiquement me transformer, perdre énormément de kilos en très peu de temps (...) ce qui m’a mis dans un état émotionnel très particulier”, a-t-il expliqué à l’AFP.

Il incarne aussi avec finesse le courage et l’obstination de Mohamedou Ould Slahi, coupé du monde et balloté d’interrogatoire en interrogatoire. Ce dernier a raconté son histoire, après sa libération, dans un livre dont le film est adapté.

Avec ce tournage, qu’il considère comme “le plus intense” de sa carrière, le Français qui a grandi à Belfort dans une famille modeste et nombreuse d’origine algérienne, aujourd’hui marié et père de deux enfants avec l’actrice Leïla Bekhti, franchit une nouvelle étape dans sa carrière internationale. “Jouer dans une langue étrangère, c’est une autre façon d’interpréter. Le corps, le visage, bougent différemment l’usage des mots n’est pas le même, donc les émotions et l’interprétation du personnage sont forcement différentes. Et ça, c’est très intéressant”, explique Tahar Rahim. A 39 ans, il tourne depuis une dizaine d’années à l’étranger (notamment déjà chez Kevin Macdonald pour “L’Aigle de la neuvième légion”), en parallèle de ses rôles dans le cinéma français. Il a été remarqué dernièrement dans deux séries, “The Eddy” et “Le Serpent”, et fait partie du prestigieux jury du Festival de Cannes, où Jodie Foster se voit remettre une Palme d’Or d’honneur.



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