Des milliers de Zimbabwéens fuient vers le Botswana et l’Afrique du Sud : L’avenir en pointillés


Par Temba Nolutshungu *
Vendredi 29 Mai 2009

Presque tous les pays du monde ont connu la croissance économique cette dernière décennie, même si l’on prend en compte la récession actuelle. Les Zimbabwéens ont cependant vu leur revenu décliner de plus des deux tiers, leur pays ayant connu la pire performance économique parmi les pays pour lesquels des données similaires sont disponibles. Mais ils peuvent toujours sauver leur pays, si on leur en donne la chance.
La bonne nouvelle est que les réformes économiques ont généralement des effets rapides : les voisins du Zimbabwe ont tous connu les effets de l’ouverture commerciale et le Zimbabwe lui-même était un gros exportateur il y a seulement quelques années. Toute simplification des réglementations des affaires et des impôts, tout renforcement de la loi des contrats et de la sûreté publique a presque un impact immédiat sur les individus, les familles et l’économie.
L’épidémie de choléra qui décime le Zimbabwe depuis des mois déjà n’est qu’un autre symptôme d’une oppression obstinée et barbare. Depuis 1998 l’espérance de vie moyenne a chuté de 55 ans à 35 ans. Plus de 80% de la population adulte est au chômage. Près de la moitié des zimbabwéens risquent la malnutrition et la faim : 8 millions d’entre eux, soit deux fois plus qu’il y a quelques années, ont besoin d’aide alimentaire. Les enfants du Zimbabwe sont victimes de la plus forte mortalité infantile, de la plus forte malnutrition et de la croissance économique la plus faible de tous les pays de l’Afrique sub-saharienne.  L’équipe corrompue de Robert Mugabe s’est accrochée au pouvoir en déclarant la loi martiale, volant les terres au profit de ses soutiens, en contrôlant les médias et en interdisant la dissidence. Les activistes de l’opposition ont été emprisonnés ou assassinés et le courageux pouvoir judiciaire ignoré. La tentative actuelle d’un gouvernement bipartisan ressemble beaucoup à un autre tour du Président Mugabe lui permettant d’écraser ses ennemis.
L’ONG de défense des droits de l’homme au Zimbabwe, Forum, a répertorié plus de 20 000 violations des droits de l’homme, y compris 3000 actes de torture depuis 2001. Plutôt que de préserver les citoyens de la violence, les forces de sécurité du Zimbabwe protègent essentiellement la clique au pouvoir et perpétuent des violences à l’encontre du peuple.
Il est donc peu surprenant que des milliers de Zimbabwéens fuient vers le Botswana et l’Afrique du Sud. Un tiers de la population vit à l’étranger. Les dirigeants du Zimbabwe prétendent que tout cela est la faute des colonisateurs britanniques, et non de celle de l’oppression, les dépenses irrationnelles, impôts, restrictions des affaires et, bien sûr l’inflation, générées par les politiques de M. Mugabe. Ce pays qui était jadis le grenier à grain de l’Afrique australe, est désormais à la dérive, laissant pour l’instant dans le désespoir des millions de zimbabwéens.
Et pourtant le Zimbabwe n’est pas un cas désespéré justement : il dispose des entrepreneurs, des mineurs, des paysans, de l’éducation et même de quelques fonctionnaires restants, dignes d’un pays prospère. Ses voisins sont amicaux (bien que parfois trop amicaux à l’égard de M. Mugabe) et le pays a fait un grand pas en avant en permettant des devises étrangères de remplacer sa monnaie nationale en hyperinflation.
Il lui faut désormais réduire les dépenses publiques et restaurer les libertés économiques pour libérer chaque travailleur productif de réglementations étouffantes et d’impôts qui ont eu pour effet de faire fuir la majeure partie de l’activité économique dans l’informel.
L’International Finance Corporation estime qu’il faut 96 jours pour lancer une entreprise au Zimbabwe, 481 jours pour obtenir les licences et 30 jours pour enregistrer une propriété. Rendre artificiellement difficile le fait de lancer une nouvelle entreprise rend automatiquement plus difficile la création d’emplois – le coût d’embauche d’un salarié équivaut à 14 salaires moyens. De même, le capital minimum requis pour monter une entreprise est trop élevé, ce qui a découragé les zimbabwéens qui stagnent dans l’économie souterraine.
Les pays en développement qui ont abaissé leurs barrières commerciales avec détermination dans les années 1990 ont connu une croissance trois fois plus forte (5% par an) que celle des pays qui n’ont pas modifié leur politique. Le Zimbabwe, à l’inverse, a restreint son commerce international. Il est actuellement classé à la 7ème (pire) place de l’Indicateur de Restrictions au Commerce International de la Banque Mondiale. Réduire les 30 jours requis pour préparer les documents administratifs pour l’exportation et les 42 jours pour l’importation donnerait immédiatement aux entrepreneurs une chance d’entrer dans le jeu de la concurrence.
Les saisies des fermes de blancs par les politiciens font souvent la une des journaux, mais la triste réalité est que les droits de propriété de tout le monde ont été violés, que cela soit des petites parcelles de terres ou des entreprises. La plupart des zimbabwéens ne peuvent obtenir de titres formels, même ceux qui ont reçu des terres volées à d’autres. Incapables de faire respecter ou d’échanger leurs droits de propriété, les pauvres ne peuvent obtenir de prêt pour améliorer leur terre et leur productivité. La leçon qui a fait ses preuves pour améliorer le commerce, la formation d’entreprise, l’emploi et l’enregistrement des terres n’est pas compliquée: simplifier, simplifier, simplifier.
Mais la simplicité n’est pas si … simple. Une minorité puissante, qui use d’intimidation, tire profit du système qui est la cause de ce désastre – mais dans un futur très proche la dominance du Zanu-PF de Robert Mugabe s’affaissera pour disparaître et permettre la réforme. Les réformateurs devront alors être prêts, avec des politiques éprouvées qui ont fonctionné ailleurs et qui le peuvent aussi au Zimbabwe. Contrairement à la Corée du nord ou la Birmanie, le Zimbabwe dispose de nombreux artisans, agriculteurs, entrepreneurs, juges, fonctionnaires et même des policiers qui se souviennent comment fonctionne un pays qui réussit et comment le remettre sur les rails.

* Directeur du think tank Free Market Foundation en Afrique du Sud.
Article publié en collaboration avec www.unmondelibre.org


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