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Des juges égyptiens inquiets de la mainmise renforcée de Sissi sur la justice


Jeudi 22 Août 2019

Des juges égyptiens inquiets de la mainmise renforcée de Sissi sur la justice
La mainmise renforcée du président Abdel Fattah al-Sissi sur la justice égyptienne suscite des craintes dans la profession, alors que le système judiciaire du pays est déjà sous le feu des critiques d'organisations de défense des droits humains. "Les garanties d'indépendance du juge résident dans le fait qu'il soit éloigné du pouvoir exécutif", clame auprès de l'AFP un magistrat, sous le couvert de l'anonymat en raison de la sensibilité du sujet dans un pays étroitement contrôlé par l'appareil sécuritaire.
Ce principe "est incompatible avec l'intrusion du président de la République dans les mutations, promotions, affectations ou sanctions disciplinaires", ajoute-t-il.
En juillet, le chef de l'Etat a nommé les présidents de la Cour constitutionnelle suprême, de la Cour de cassation et de l'Autorité des poursuites administratives.
Pour la première fois, le principe d'ancienneté, qui conduisait traditionnellement le chef de l'exécutif à nommer de façon systématique les juges les plus expérimentés, n'a pas été retenu.
Accusé par les ONG de graves violations des droits humains, le président Sissi a en l'espèce appliqué les amendements de la révision constitutionnelle votée en avril à près de 89%, sans véritable débat public et en l'absence de voix dissonantes dans les médias.
La réforme a également permis à l'ancien maréchal, qui tient les rennes du pays depuis 2013 et la destitution par l'armée du président islamiste Mohamed Morsi, d'allonger son mandat actuel de quatre à six ans et de pouvoir se représenter une troisième fois en 2024.
Selon le professionnel interrogé par l'AFP, les amendements constitutionnels risquent de nuire aux magistrats intègres et de bénéficier, à l'inverse, à d'autres juges qui "aspirent à obtenir des postes et des privilèges", via leurs relations avec l'exécutif.
Amnesty International a estimé que ces modifications constitutionnelles "saperont l'indépendance de la justice et renforceront l'impunité pour les violations des droits humains".
Selon l'ONG, les hautes juridictions ont jusque-là pu "jouer un rôle dans la remise en cause de la légalité de certaines lois restreignant les droits et libertés en Egypte". Elles ont "ordonné de nouveaux procès dans un certain nombre d'affaires" contre des "dissidents".
Depuis 2013, le système judiciaire égyptien est régulièrement critiqué par les ONG mais aussi l'ONU, qui dénoncent des procès de masse de dissidents, notamment les Frères musulmans, la hausse vertigineuse des peines de mort et le recours abusif aux détentions provisoires.
Une loi de 2017 donnait déjà au chef de l'Etat la compétence formelle de nommer les chefs des hautes juridictions, mais sur la base d'une sélection effectuée par le Conseil des magistrats en principe indépendant.
Depuis la réforme, la Constitution permet donc à M. Sissi de nommer directement la personnalité de son choix parmi les candidats, sans être tenu par le principe d'ancienneté. Le poste clé de procureur général est également concerné.
Le club des juges, proche du régime, avait dénoncé les critiques de l'ONU et des ONG en fustigeant "une ingérence inacceptable dans le travail du pouvoir judiciaire égyptien indépendant".
Mais, en Egypte aussi, la réforme a été vivement critiquée.
Le pouvoir de nomination du président "était purement formel et c'est devenu une véritable décision", regrette un autre magistrat interrogé par l'AFP, là encore sous couvert d'anonymat.
Le célèbre avocat Gamal Eid estime également que la révision constitutionnelle accentue la chape de plomb de l'exécutif sur la magistrature, en "affaiblissant la position des juges" et en "accroissant davantage l'érosion de son indépendance".
Pour ce célèbre défenseur des droits humains, les pressions politiques se traduisent déjà par "les longues périodes de détention provisoire, le placement de centaines de personnes sur des listes terroristes et les nombreuses condamnations à mort".
Les députés favorables à la réforme l'ont justifiée au nom de la stabilité du pays, reprenant la ligne de défense systématique du régime de M. Sissi face aux critiques des ONG ou de l'ONU.
"Les amendements sont passés avec leurs bons et leurs mauvais côtés", dit le député Mohamed Fouad. "Ces lois sont devenues des réalités", se borne-t-il à constater.


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