Derek Chauvin, l'incarnation des brutalités policières aux Etats-Unis

Derek Chauvin, l'incarnation des brutalités policières aux Etats-Unis


Libé
Dimanche 27 Juin 2021

Derek Chauvin, l'incarnation des brutalités policières aux Etats-Unis

Une personnalité "antisociale" à la carrière entachée de violences: le policier blanc Derek Chauvin s'était déjà livré à des interpellations brutales avant d'asphyxier George Floyd. Sans être sanctionné jusque-là.

Cet homme de 45 ans a été condamné vendredi à 22 ans et demi de réclusion pour le meurtre de cet Afro-Américain à l'issue d'une audience, où pour la première fois depuis treize mois, il a pris la parole.

"A cause de questions légales en suspens, je ne suis pas en mesure de faire une déclaration formelle à ce stade mais, brièvement, je tiens à présenter mes condoléances à la famille Floyd", a-t-il dit, sans exprimer ni excuses ni regrets.

Pour le reste, il est resté de marbre. Pendant son procès déjà, il n'avait pas réagi aux propos accablants des témoins, se réfugiant dans la prise de notes frénétique sur un petit carnet jaune.

Le 25 mai 2020 à Minneapolis, il a maintenu son genou sur le cou de George Floyd pendant plus de neuf minutes, même une fois le quadragénaire noir évanoui et son pouls devenu indétectable.

Il s'agissait de l'attitude d'un homme "raisonnable" qui appliquait un geste autorisé et conforme à sa formation pour interpeller un suspect "qui opposait une résistance", a plaidé son avocat Eric Nelson.

Faux, ont rétorqué plusieurs policiers: Derek Chauvin a "violé les règles", "la formation" et "l'éthique" de la police, a notamment asséné Medaria Arradondo, qui dirige les forces de l'ordre à Minneapolis.

Jusqu'à ce drame qui a bouleversé l'Amérique, Derek Chauvin n'avait jamais été lâché par sa hiérarchie malgré d'inquiétants précédents.

Au cours de ses 19 ans de carrière, le policier a reçu quatre médailles mais a aussi fait l'objet de 22 plaintes et enquêtes internes, selon un dossier public expurgé de tous les détails.

Seule l'une d'elle a été suivie d'une lettre de réprimande. Selon la presse, elle avait été déposée par une femme blanche qu'il avait violemment extraite de sa voiture en 2007 pour un excès de vitesse.

Depuis la mort de George Floyd, un coin du voile a été levé sur les autres incidents. Dans leur dossier d'accusation, les procureurs ont détaillé plusieurs arrestations lors desquelles il a appliqué une pression "au-delà du raisonnable" sur le cou de suspects.

En 2017, il avait exercé ce "mode opératoire" sur Zoya Code. "Il était installé sur mon cou", a raconté cette jeune femme noire au site Marshall Project. Frustrée qu'il ignore ses appels à la relâcher, elle l'avait mis au défi d'appuyer plus fort. "Il l'a fait. Juste pour me faire taire."

En mai, la justice fédérale a révélé avoir inculpé Derek Chauvin pour la mort de George Floyd mais aussi pour l'interpellation violente d'un adolescent de 14 ans en septembre 2017.

"Sans justification légale, il a pris l'adolescent par la gorge et l'a frappé à plusieurs reprises à la tête avec une torche", puis "il a maintenu son genou sur le cou et le haut du dos de l'adolescent allongé à plat ventre, menotté et n'offrant pas de résistance", selon l'acte d'accusation.

Sur le plan personnel, peu de détails ont filtré.

Derek Chauvin avait une épouse, une réfugiée du Laos épousée en 2010. Dès la fin mai 2020, elle a demandé le divorce. Depuis, la justice a ouvert des poursuites pour fraudes fiscales contre le couple.

D'anciens collègues ont, sous couvert d'anonymat, esquissé le portrait d'un homme taiseux, rigide, bourreau de travail, qui patrouillait souvent dans les quartiers difficiles.

Andre Balian, un instructeur d'arts martiaux qui l'a connu il y a une vingtaine d'années, a décrit à l'AFP un homme "antisocial" qui, souvent, "se tenait debout, les bras croisés, sans parler", pendant leurs cours de kung-fu.

L'ancienne propriétaire d'une boîte de nuit où il assurait la sécurité le week-end a évoqué dans la presse un homme "un peu raciste", qui faisait un usage généreux de gaz lacrymogène au moindre incident.

Vendredi, sa mère, première proche à sortir du silence pour le défendre, a voulu casser cette image. Mon fils a "bon coeur", c'est "un homme tranquille, réfléchi, honorable et désintéressé", a assuré Carolyn Pawlenty.

Mais une image a marqué les esprits: lors du procès, la famille Floyd s'est relayée pour occuper en permanence le siège qui leur était réservée. Celui destiné aux proches de Derek Chauvin est, lui, quasiment toujours resté vide.

 



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