David Mouraret, maître de conférences à l’université de Montpellier I : «En France, le premier parti c’est la gauche»


Propos recueillis par Hassan Bentaleb
Mercredi 24 Mars 2010

Libé : Quelle lecture peut-on faire du résultat des dernières élections régionales françaises ?

David Mouraret :  Globalement, en France, le premier parti est la gauche. La leçon est au niveau du Front National (FN). Contrairement à ce qui était dit, il n'a pas disparu. Mais, il y a un mystère, en Languedoc-Roussillon. Si on totalise tous les votes de gauche, au premier tour, ceci représentait 60 %. Il y a donc des gens de droite qui ont voté à gauche. L'exemple typique se situe dans la ville de la tête de liste régionale de l'Union pour un mouvement populaire (UMP), Raymond Couderc, sénateur-maire de Béziers, où cette sous-préfecture, du département de l'Hérault, voit Georges Freche, président sortant de la région Languedoc-Roussillon, candidat sans étiquette, passer devant la droite au second tour !

La victoire de la gauche traduit-elle un sentiment positif à l’endroit du bilan des socialistes ou bien s'agit-il d'un vote sanction contre de la droite ?

Avec maintenant 21 régions sur 22, en métropole, à gauche, contre 20 sur 22, pour cette même gauche, en 2004, celle-ci loupe de peu le grand chelem ! Seule l'Alsace conserve sa majorité UMP, c'est-à-dire de droite. L'on peut légitimement penser que les électeurs ont envoyé hier un signal fort à l'UMP, en général, et au sarkozysme en particulier. Mais, il n'en demeure pas moins que si la gauche, en liesse, jubile, devant une droite défaite et enlisée, deux inconnus doivent tempérer une lecture trop optimiste de ces bons résultats pour la gauche. Tout d'abord, le taux d'abstention est alarmant. Cela peut risquer de ruiner l'autorité de l'institution régionale. La masse des gens non mobilisés est impressionnante et cela se ressent. Depuis 1986, date de la première élection, au suffrage universel direct, de l'assemblée régionale, où l'abstention s'établissait alors à 22,1 %, celle-ci n'a fait qu'augmenter. 31, 4 % d'abstentionnistes, en 1992, nationalement, pour le même type de scrutin, puis 42, 3 % en 1998, pour arriver aujourd'hui à 53, 7 %, soit plus d'un électeur sur deux ne se déplaçant pas pour aller voter. Ensuite, au-delà du ressentiment globalement positif à l'égard du bilan des présidents de régions socialistes, en témoigne la réélection de Georges Freche qui bien qu'exclu du Parti socialiste, remporte les élections, dans sa région, sur son seul nom, avec 53, 5 %, et déclare : «Il n'y a pas de victoire de la gauche : il y a une victoire des présidents de régions». Il faut souligner que le vote de défiance contre la droite permet à la gauche de réaliser un score historique, le plus important, d'ailleurs, pour elle, depuis les débuts de la Vème République, en mobilisant contre la politique du président de la République Nicolas Sarkozy.

La défaite de la droite constitue-t-elle un désaveu de François Fillon ou de Nicolas Sarkozy ?

Si dans les jours qui viennent, le Premier ministre, François Fillon, va marquer le coup, en remplaçant quelques secrétaires d'Etat, il est maintenant aussi affaibli que le président de la République Nicolas Sarkozy. Car, l'affaiblissement du couple exécutif Fillon-Sarkozy, aiguise les appétits... et notamment celui de Jean-François Cope, chef de file des députés UMP à l'Assemblée nationale qui reconnaît -avec le sourire- la défaite de la droite filloniste et sarkozyste ! La nouvelle garde se prépare...

Est-ce que les résultats des régionales préfigurent ceux des élections présidentielles de 2012 ?

Malheureusement, pour le PS, cette victoire printanière de dimanche risque de ne pas voir fleurir le temps des fleurs bien longtemps... car à l'exemple de 2004, où la gauche avait remporté les régionales, puis lourdement perdu, en 2007, soit trois ans après, aux présidentielles, l'on peut craindre que 2012, dans deux ans, soit une répétition de 2007 ! En effet, le nombre de présidentiables, à gauche, est toujours important. Ainsi, les candidats ayant ou croyant avoir le leadership nécessaire pour rassembler autour d'eux la gauche, à l'élection présidentielle, reste élevé. Que ce soit chez les Verts (José Bové, Daniel Cohn-Bendit, Cécile Duflot), chez la gauche post-communiste (Jean-Luc Melenchon), chez l'extrême-gauche (Olivier Besancenot,), chez les socialistes (Martine Aubry, Ségolène Royal) et même chez le désormais sans étiquette Georges Freche ! Reste pour résoudre ce problème de trop-plein de candidatures, pouvant nuire à la gauche (souvenons-nous du 21 avril 2002, où la multitude de candidats de gauche, au premier tour, avait privé celle-ci de second tour !) la solution préconisée par la Professeur de science politique et président de la Convention pour la Sixième République (C6R) Paul Allies, ainsi que par le député et président du Conseil général de Saône-et-Loire, Arnaud Montebourg, de réaliser au premier semestre 2011, une primaire, au-delà du seul PS, étendue à l'ensemble de la gauche, afin que celle-ci puisse présenter une seule candidature progressiste face au futur candidat de l'UMP... que ce soit l'actuel occupant à titre gratuit de l'Elysée, Nicolas Sarkozy, ou son clone, François Fillon.



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