Coco Mitchell : La soixantaine rayonnante sur les podiums

Le racisme est un animal étrange et nous vivons aux Etats-Unis. Il ne disparaîtra jamais. Cela fait partie de l'ADN des gens


Jeudi 19 Septembre 2019

Elle n'avait plus défilé depuis dix ans mais à plus de 60 ans, l'Américaine Coco Mitchell, qui fut l'une des premières mannequins noires sur un podium, est revenue à la Fashion Week pour soutenir de jeunes créateurs et prendre des libertés impensables pour les plus jeunes.
Il lui a suffi de mettre la main sur son chemisier puis de balayer l'air d'un mouvement nonchalant pour que le public rugisse. En une fraction de seconde, Coco Mitchell avait pris le contrôle du défilé Barragan à New York le 9 septembre courant.
Même contact, deux jours plus tôt, avec le public, ravi, lors de son passage chez Christopher John Rogers. Quant au troisième défilé qu'elle a fait cette saison à New York, Deveaux, Coco Mitchell y a esquissé quelques mouvements de danse sur du Janet Jackson.
"Je veux pousser un peu le curseur", dit-elle à l'AFP, chez elle, dans un de ces petits immeubles typiques du quartier de Harlem, les "brownstones".
"Je veux qu'on se souvienne de moi quand je défile. (...) L'air figé, sans expression, je ne sais pas faire. Vous n'avez pas choisi la bonne fille."
"Ce que vous voyez" sur les podiums, "c'est de la gratitude" d'avoir pu vivre des instants comme ceux-ci. "Et les gens le sentent. Je n'ai peur de rien. Le designer peut ne pas aimer. Peu importe. Je vais prendre un risque."
A "plus de soixante ans", seule indication qu'elle veut bien fournir sur son âge, l'Américaine Coco Mitchell n'a plus rien à prouver, elle qui a démarré dans le milieu il y a plus de 35 ans et défilé pour Dior, Saint Laurent, Armani ou Versace.
Au début des années 2000, elle avait choisi de quitter les podiums.
"Je me sentais comme une esclave", dit-elle. Mais une fois revenue aux photos de catalogues, comme à ses débuts, dans lesquelles il n'y a "pas de créativité", selon elle, l'appel des défilés l'a de nouveau démangé.
"J'ai donc décidé que cette année, je ferai des shows avec des jeunes", s'enthousiasme celle qui a été découverte dans la rue par Eileen Ford, co-fondatrice de la prestigieuse agence Ford. "Que s'ils avaient besoin de mon aide, j'étais disponible."
Son approche correspond bien à celle de ces jeunes créateurs émergents, qui s'efforcent de rompre avec le formalisme du défilé traditionnel en invitant leurs modèles à sourire, voire à échanger avec les spectateurs ou les photographes.
Elle qui fut parmi les premiers mannequins noirs à défiler au monde, Coco Mitchell observe aujourd'hui avec intérêt le vent de diversité qui souffle sur la mode, en particulier américaine, qu'il s'agisse d'âge, de couleur, ou de formes.
Elle y voit de l'ouverture, mais aussi un intérêt.
"Economiquement", dit-elle, "les entreprises constatent que les Noirs dépensent beaucoup d'argent dans le soin, les produits de beauté et l'habillement" et font un effort de représentation pour attirer cette clientèle.
Elle qui s'est battue pour la présence de femmes noires ou métisses sur les podiums -comme la mannequin d'origine somalienne Iman, qu'elle cite en exemple- ne se fait pas pour autant d'illusion sur l'état de la société américaine.
"Le racisme est un animal étrange et nous vivons aux Etats-Unis", raconte celle qui débuta comme institutrice. "Il ne disparaîtra jamais. Cela fait partie de l'ADN des gens."
Ce retour impromptu aux podiums a tant plu à Coco Mitchell qu'elle se verrait bien y revenir la saison prochaine.
"J'ai commencé tard, à 23 ou 24 ans et personne ne savait l'âge que j'avais, donc je ne pense jamais à l'âge", dit-elle.
"Quand j'aurai 99 ans, je veux avoir la qualité de vie que j'ai aujourd'hui", prévient celle qui pourrait très aisément passer pour une quinqua. "Je veux pouvoir marcher, courir, avec l'esprit intact. C'est mon objectif."


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