Le premier film était court. La tradition a suivi. Dans tous les pays, on commence petit et on fait des courts métrages qui, par la suite, se trouvent relégués au second plan par leurs successeurs, les longs métrages. Les réalisateurs font leurs premiers exercices et produisent des courts mais combien sont ceux qui se rendent compte que ce qu'ils produisent est un genre susceptible de créer émotion et réaction.
Le court métrage au Maroc a attiré depuis les premiers débuts du cinéma dans notre pays des artistes qui ont essayé, par le moyen de cette expression artistique, d'aborder des thèmes relevant du quotidien, du simple mais qui ont, à la fois, intéressé le public marocain et constitué des noyaux et des fondements de travail pour leurs créateurs et les lueurs d'un cinéma marocain naissant et prometteur.
Parmi les films de cette période, on cite: "Le chanteur itinérant de Marrakech", "Le retour aux origines", "Le parcours d'un poète", "Aux environs de Tassaout", "La forêt", "Attente", etc. L'adhésion à ce projet ne s'est pas fait attendre et des jeunes marocains dont Moumen Smihi, Mohamed Abderrahmen Tazi et d'autres ont cru que le cinéma est un front de lutte contre le conformisme et un moyen pour intégrer le changement et valoriser le produit national.
Après l'Indépendance, des efforts pour la marocanisation du cinéma ont été déployés. Des produits en témoignent et des courts métrages ont participé à ce mouvement et confirmé le désir des intellectuels et des artistes à vouloir installer de nouveaux fondements pour le cinéma marocain. Ces cinéastes avaient, certes, des principes, des références culturelles et existentielles différentes, mais leurs volontés convergent vers un objectif majeur: produire un cinéma marocain. Les expériences se sont succédé et ont donné naissance à des orientations dans le court métrage qui peuvent être résumées comme suit:
p Court métrage-exercice.
Considéré sous cet angle, le court métrage est vu par certains artistes comme un exercice qui, malgré sa difficulté lorsqu'il est commandé par une vision consciente, pourrait donner la possibilité de maîtriser des moyens techniques et initier l'intégration dans le domaine. Cette vision a été adoptée par plusieurs cinéastes et a constitué pour les uns un simple exercice, mais elle a été pour d'autres le fondement essentiel de leur expérience ultérieure.
p Le court métrage-prétexte
Depuis les années 90, des cinéastes ont réduit le rôle du court métrage en prétexte leur permettant d'aboutir à l'intégration formelle dans le domaine du cinéma et d’acquérir une carte professionnelle. La logique du prétexte veut que le produit soit médiocre de fond et sans conscience ni référence artistique et culturelle. Les films produits dans cette perspective relèvent de ce qu'on peut appeler films à orientation triviale et ne sont pris en considération que pour l'octroi de la carte. Donc ils ne peuvent en aucun cas être vus comme participation dans le processus de perfectionnement de l'art individuel et collectif.
p Le court métrage-genre:
Le cinéma est un art qui englobe des genres: la fiction, le documentaire… le court métrage. C'est ainsi que des cinéastes perçoivent ce produit qui doit obéir à la contrainte du temps et du métrage. Mais ils sont convaincus que ces contraintes, d'ordre technique, ne doivent en aucun cas affecter ni le fond du produit ni la perception qu'on doit se faire du film. Donc, ils définissent ce genre comme expression artistique, par le biais de laquelle, ils exposent leurs convictions, prennent position dans les conflits culturels et artistiques et confirment l'idée que le parcours artistique est un ensemble dont les prémisses, les orientations et les attentes doivent figurer avec les premiers courts métrages réalisés.
Parmi ces cinéastes, on cite ceux de la nouvelle génération comme N. Lakhmari, M. Mouftakir et M. K. Darkaoui.
En effet, les courts métrages de Lakhmari sont l'expression d'un art fin qui fait appel à tous les ingrédients de la beauté. Cette beauté qui devient inouïe et extrême lorsque son sujet est simple. Doté d'un savoir académique sûr, ce réalisateur a su faire de ses courts métrages des moments de création artistique à part entière. "Né sans ski aux pieds", "Le livreur de journaux", "Solitude" constituent l'image que se fait un intellectuel d'une société où il vit tout en restant imprégné par une culture et une éducation subies dans un autre contexte. C'est une vision critique et exploratrice de l'être universel. Dans "Le dernier spectacle", Lakhmari marque un retour aux origines et peut-être, une réconciliation avec le passé. Ce retour confirme une vision et des objectifs artistiques de ce cinéaste.
Pour Mouftakir, son premier court métrage "L'ombre de la mort" a constitué un événement de la naissance d'un artiste doté de grandes compétences dans l'écriture scénaristique et ayant une culture et une éducation artistiques qui ont fait de lui un cinéaste qui sait faire appel à la musique, à l'expression du corps, aux couleurs et aux questions philosophiques les plus pertinentes pour faire de vrais films. Cette tendance s'est confirmée, par la suite, avec ses autres films "La danse du fœtus", "Fin de mois" et "Chant funèbre". Des films fondateurs d'une conception enrichissante et qui invite à la réflexion.
Kamal Darkaoui, quant à lui, a voulu marquer son entrée dans le cinéma avec le court métrage "Fenêtre" qui se caractérise par un foisonnement narratif qui a mené en parallèle deux histoires avec deux aboutissements différents: un objet de quête simple et retrouvé pour les uns mais négligé, par inattention, pour les autres.
Ce film est une invitation à la découverte de tout ce qui est simple, souvent proche et qui pourrait changer le cours d'une existence et susciter parfois un bonheur intense.
Le cinéma marocain fête cette année son Cinquantenaire. Une occasion pour célébrer à la fois nos courts et longs métrages car notre cinéma, à l'instar de tous les autres, est fondé sur ces deux genres.