Bizarrap. Le phénomène argentin DJ rap latino, de la chambre d'ado à la scène mondiale


Libé
Lundi 5 Juin 2023

S on visage reste en partie un mystère mais il est à 24 ans l'artiste argentin le plus écouté au monde. Le phénomène Bizarrap, qui a sorti mercredi un nouveau titre, incarne une génération de producteurs/DJ passés directement de la chambre d'ado au succès planétaire.

Le monde étranger à la "nouvelle pop" ou "musique urbaine" a sans doute découvert Bizarrap début 2023 quand il a acquis une notoriété mondiale en collaborant avec la superstar colombienne Shakira, sur un titre où elle se payait son "ex", le footballeur Gerard Piqué.
J'aimerais que les producteurs qui ont 15 ans aujourd'hui sachent que depuis ta propre chambre, tu peux réaliser des thèmes musicaux de 100 millions de vues sans aucune publicité ou soutien
"BZRP Music session #53" demeura quatre semaines le plus écouté sur Spotify, première plate-forme musicale au monde, et y compte 635 millions d'écoutes à ce jour. Et il s'est invité dans le Livre des records, comme titre latino le plus regardé en 24h sur YouTube: 63 millions de vues.

Le magazine américain Time vient de le désigner l'un des "dix leaders de la prochaine génération", dont "l'ascension fulgurante mais peu conventionnelle signale un changement dans l'industrie (musicale), prouvant que les nouveaux arrivants n'ont pas à suivre un chemin déterminé pour trouver leur public". Car Bizarrap, né Gonzalo Julian Conde, n'a pas attendu Shakira.

Dès 2022, il était l'Argentin le plus écouté sur Spotify, et un producteur/DJ recherché, à l'image de ses collaborations avec le rappeur espagnol Quevedo, la Portoricaine Villano Antillano, l'Argentine Nicki Nicole. Ou, cette semaine, la star montante mexicaine Peso Pluma de 23 ans.

Avec eux, les "Music sessions BZRP", où Bizarrap ne chante pas mais assure la piste musicale, sont en quelque sorte le prolongement des remix de "batailles de freestyle" de rue, qu'il bidouillait sur son ordinateur, dans sa chambre d'adolescent à Ramos Mejia, en grande banlieue de Buenos Aires.

Prolongement à plus d'un titre: ses "Music sessions" sont enregistrées dans la même chambre, papier peint compris, décor minimaliste et profil bas délibéré, où il apparaît en arrièreplan --en partie lié à sa timidité, dit-il. Et quand l'artiste "principal" ne pouvait venir à Ramos Mejia, un studio était recréé à l'identique.

Comptant les disques de ses parents (père comptable, mère enseignante) parmi ses premières inspirations --Radiohead, PJ Harvey-- Gonzalo eut une révélation avec la musique dance/électronique et des stars comme l'Américain Skrillex ou l'Australien Flume. En classe de musique, il "apportait de très bonnes idées, et avait une soif d'apprendre", se souvient pour l'AFP Juliana Scilatto, qui fut sa professeure de piano.

Elle le décrit comme un "garçon intelligent, très décidé", mais aussi "une personnalité sans fard, un bon gamin du quartier". Qui comme tout bon Argentin a son club de foot fétiche (Velez Sarsfield). Et posa dûment avec Messi lors d'une visite à Paris.

Son originalité, mêlant effets spéciaux et gags visuels dans ses remix, lui donnèrent à la fois un début de notoriété sur la toile pour sa série "Combo Loco" (2017). Et une idée de nom, "Bizarrap", pour sa touche un peu "bizarre" amenée à ce genre musical.

"J'aimerais que les producteurs qui ont 15 ans aujourd'hui sachent que depuis ta propre chambre, tu peux réaliser des thèmes musicaux de 100 millions (de vues) sans aucune publicité ou soutien", déclarait Bizarrap au média digital Filo News. "Biza" n'est pas le premier jeune musicien passé de la musique "DIY" au succès mondial. Et une bonne culture marketing l'y a aidé: il raconte qu'à la fin du secondaire, il hésitait entre cursus technique de commercialisation et production musicale.

On lui suggéra de ne surtout pas laisser tomber la musique mais d'étudier le marketing qui pourrait lui servir. Deux ans passés chez Warner comme apprenti-agent ont aiguisé son sens des affaires. De son look --énormes lunettes noires lui mangeant le visage, casquette à large visière-- qui le feraient passer incognito dans la rue, jusqu'au choix des artistes avec lequel il collabore, explorant électro, hip-hop latino, ou rap, tout chez Bizarrap évoque des choix bien sentis.

"C'est un stratège, une personne très tactique", dit de lui Villano Antillano. Et musicalement "il a un sens inné de ce qui vient, d'où va cheminer une chanson", s'émerveille Nicki Nicole. "On peut être au top et c'est fun, mais il faut savoir que c'est du boulot, il faut être professionnel. Je travaille tous les jours", déclarait-il au Time.

Pour Bizarrap, qui à ce jour n'était apparu qu'en festivals, dont certains à l'étranger, un test majeur était "son" concert à lui. Examen réussi fin avril à Buenos Aires, trois soirs devant 60.000 fans extatiques, dans un show ambitieux avec 3.000 m2 d'écrans et son immersif. Prochaine étape: le monde.


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