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C'est le cas de l'ancienne rue Auvert, rebaptisée Mohamed Ben Ahmed Lakrik, où l'on peut lire sur une banderole, en arabe, en français et même en chinois : «Centre chinois de commerce en gros». Ce sont des Chinois qui ne cessent de prendre d'assaut l'un des poumons économiques de la métropole. De nombreux témoignages des commerçants marocains, dont les magasins jouxtent ceux des Chinois, portent à croire que le nombre de ces derniers s'accroît d'une année à l'autre depuis 2000. C'est ce que constate également Jamal, libraire installé depuis 23 ans déjà à Derb Omar. «Ces gens envahissent de manière progressive le marché de gros de la capitale économique. Ils gagnent du terrain. Et ils achètent ou louent des magasins voire de grands dépôts où ils stockent à tour de bras leurs marchandises, achalandant leurs produits sans crier gare», déclare-t-il, attristé.
A entendre de tels propos, l'on comprend très vite que les ventes de leurs magasins augmentent crescendo. Et qu'ils exercent une forte attraction auprès des clients. En effet, ils proposent diverses marchandises : porte-clés, tables, réveils, cartables, cahiers, objets de décoration, chaussures, vêtements, vaisselles, etc. Ils affichent les prix du gros et du détail à 40% et parfois à 50% de moins que les prix proposés par les commerçants locaux.
A quelques mètres de notre libraire, un marchand d'accessoires, de fantaisie, bagues, bracelets, boucles d'oreilles, gourmettes, chaînettes, dresse le même constat. Pour lui, ces Chinois sont en train de les briser. «Que deviendrons-nous si tout ce beau monde va chez eux? », se demande-t-il en nous montrant la grande foule qui préfère des produits chinois.
Face à cette ruée des Chinois à Derb Omar, les opinions des commerçants voisins divergent. Pour certains, cette concurrence sera bénéfique. «Elle nous acculera à retrousser nos manches, à prendre en modèle leur dynamisme et à nous imprégner de leurs astuces commerciales», disent-ils. D'autres, au contraire, sont plutôt méfiants. Ils pensent que leur entrée signera leur arrêt de mort. «Si on s'aligne sur leurs prix, on va droit à la dérive et si on maintient nos prix, notre clientèle nous boudera», affirme un commerçant inquiet. Les Chinois n'hésitent pas à augmenter les prix quand la demande est là. Une ménagère constate, non sans étonnement, que le prix d'un petit tapis est passé de 25 à 40 DH en quelques jours. Même constat chez un grossiste de plumeaux, pour qui leur prix est passé de 3 à 5 DH puis à 10 DH l'unité.
r De Fujian à Casablanca
Le marché regorge de magasins, de marchandises et de Chinois aussi. Le centre compte au total 35 magasins dont une bonne dizaine est actuellement occupée par ces nouveaux commerçants. Ces derniers emploient des jeunes Marocains qui informent la clientèle des prix, de la gamme et de l'utilité des produits. D'autant plus qu'il y a certains objets dont on ne connaît pas l'usage à première vue. Ghita, une employée de 21 ans, dans un magasin chinois de Derb Omar, se dit contente d'y travailler. «Nous vendons des sandales, des cadres pour tableaux de peinture ou de grands portraits-photo ainsi que de petits objets cadeaux», dit-elle en se déclarant très satisfaite du salaire que lui verse sa patronne. Il s'agit de Madame Lee, Chinoise qui gère une dizaine de magasins et la Galerie Ben Omar, située au cœur du Maârif. Elle ne parle pas anglais, pas bien le français et l'arabe qu’elle ne parvient pas à comprendre. Une situation qui constitue une difficulté pour ses compatriotes à Casablanca. Madame Lee est originaire de la province de Fujian. C'est très justement de cette province du sud-est de la Chine que viennent la plupart des grossistes chinois installés à Derb Omar et dont le nombre d'articles est incalculable. Les compatriotes de Lee ne viennent pas directement de Chine. Mais, ils font une escale de quelques mois au Kenya, au Sénégal et en Mauritanie avant de jeter l'ancre à Casablanca. D'ailleurs, le choix de Casablanca, selon Lee, est dû au fait qu'elle présente plusieurs attraits. «Elle est réputée capitale économique du Maroc, connue pour sa politique libérale en matière de commerce». De son côté, Youssef nous apprend que «tout est en règle pour lui, que ce soit à la douane ou pour ce qui est de ses papiers de résident étranger». C'est le cas de tous ses compatriotes, ils ont tous leurs pièces d'identité et ce sont souvent des Marocains qui les aident pour toutes les démarches administratives.