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Au Brésil, les inégalités dans l'éducation creusées par le coronavirus


Libé
Jeudi 1 Octobre 2020

Pendant que Valentina, 13 ans, suit ses cours en ligne, Gustavo, jeune garçon du même âge, vend des mangues au marché, symbole des inégalités dans l'éducation au Brésil, exacerbées par la pandémie de coronavirus. "Gustavo n'a pas eu cours depuis le 16 mars. Il aide son père à vendre des fruits dans trois différents marchés au lieu d'aller à l'école", raconte Vanessa Cavalieri, mère de Valentina et juge pour enfants, dans une publication sur Facebook partagée des milliers de fois. "Les inégalités entre les élèves du public et du privé, qui sont déjà abyssales, se creusent encore plus", conclut-elle, précisant qu'elle avait volontairement changé le prénom du jeune garçon pour préserver son identité. Au Brésil, seuls 19% des d'élèves plus privilégiés étudient dans des établissements privés, tandis que les autres sont scolarisés dans le public, la plupart du temps dans des conditions précaires. Le Covid-19 a frappé davantage les populations noires et défavorisées, dans ce pays de 212 millions d'habitants, le deuxième le plus endeuillé après les Etats-Unis, avec plus de 144.000 morts. La plupart des écoles restent fermées, malgré la pression de certains établissements privés pour la reprise des cours. "Cette situation est compliquée dans tous les pays, mais au Brésil, certaines circonstances compliquent encore plus les choses", dit à l'AFP Catarina de Almeida Santos, spécialiste en pédagogie à l'Université de Brasilia. "Les cours en ligne pour des élèves pauvres, c'est une illusion. Ils n'ont pas les bons équipements, ni la connexion Internet", insiste-t-elle. Mais une réouverture des écoles publiques en pleine pandémie pourrait causer de nombreux problèmes sanitaires. "Beaucoup d'établissements n'ont pas d'eau potable, de toilettes ni d'électricité.

Plus de 40% d'entre eux ne sont pas reliés au tout-àl'égout. Dans ces conditions, on s'expose à une forte augmentation des contaminations", prévient la spécialiste. Comme beaucoup de parents, Cinthia Pergola, assistante sociale et mère célibataire à Sao Paulo, a beaucoup de mal à aider ses enfants à suivre les cours en ligne, alors qu'elle doit encore travailler et s'occuper seule des tâches ménagères.

"Je vois un peu ça comme une année sabbatique, on a passé plus de temps ensemble, mais en termes d'apprentissage, c'est un échec", a-t-elle confié à l'AFP. Malgré ses revenus modestes, elle se considère comme privilégiée parce que ses enfants peuvent suivre les cours sur son ordinateur portable. Juliana Stefanoni Iwamizu, enseignante dans une école primaire publique de Sao Paulo, révèle qu'à peine 10% de ses élèves parviennent à suivre les cours en ligne. "Beaucoup d'entre eux vivent dans des favelas, ils n'ont pas l'eau courante à la maison et dépendent souvent de la cantine pour manger. Donc bien sûr, ils n'ont pas Internet", déplore-t-elle. La situation n'est pas beaucoup plus reluisante dans le privé, avec une énorme confusion au sujet de la reprise des cours. En temps normal, ces établissements ont plus de moyens que le public, mais près de la moitié sont au bord de la faillite, les parents se refusant à payer les mensualités, selon une étude récente. Et l'absence d'une politique coordonnée de la part du gouvernement du président d'extrême droite Jair Bolsonaro rend la situation encore plus chaotique. "Chaque école utilise sa propre plateforme en ligne, avec différentes stratégies pour gérer les demandes des élèves. On ne reçoit aucune directive de Brasilia, on a l'impression que l'éducation est un ennemi du gouvernement", dénonce Timmon Vargas, professeur de chimie dans un collège privé de Rio.

La confusion n'a fait qu'augmenter quand la réouverture des écoles privées de Rio, fixée initialement au 15 septembre, s'est transformée en imbroglio judiciaire, avec des annonces contradictoires et des arrêts annulant à plusieurs reprises le retour des élèves en salle de classe.

La dernière décision en date, prise par le juge Peterson Barroso Simao, maintient l'ensemble des écoles fermées, au nom de l'égalité des chances, pour ne pas privilégier les élèves du privé. "Cela ne ferait que contribuer à l'augmentation des inégalités", a-t-il affirmé dans son arrêt.


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