Acteur et observateur de la scène migratoire : Saïd Charchira livre des pistes pour une politique migratoire alternative


Alain Bouithy
Mardi 8 Mars 2011

Acteur et observateur de la scène migratoire : Saïd Charchira livre des pistes pour une politique migratoire alternative
«Le dossier de la communauté des citoyens marocains de l'étranger reste un dossier mal connu, mal expliqué et mal géré ». Saïd Charchira ne mâche pas ses mots quand il s'agit d'évoquer la question migratoire. Il faut dire que cet ancien professeur assistant en histoire politique est un acteur actif et observateur de la scène migratoire.
L'actuel directeur du Centre européen d'études et d'analyses sur la migration a récemment publié  un ouvrage au vitriol, très crique à l'égard de la politique conduite par les autorités marocaines sur un sujet qui reste d'actualité. Son titre : « Dix ans de règne, dix ans de politiques migratoires marocaines et européennes » (Du migratoire vers le bi-national et l'ethnique).  
A travers cet ouvrage de 168 pages, l'auteur « ambitionne de contribuer modestement à proposer quelques pistes pour une nouvelle politique migratoire alternative », écrit-il. Quand bien même il ne le mentionnerait pas, ce livre semble bien motivé par ce que l'auteur considère comme une léthargie des autorités marocaines vis-à-vis d'un phénomène en évolution constante. En effet, « si les pays de résidence font tout pour accompagner cette évolution, force est de constater que nos responsables ne font rien pour mettre en place une véritable politique reflétant la réalité des quelque quatre millions de citoyens marocains de l'étranger », déplore-t-il en substance.
L'auteur, qui vit depuis 1985 en Allemagne, est persuadé que le Maroc a échoué dans la gestion du dossier des MRE. Pour lui,« l'évaluation de la politique migratoire et, au-delà, la gestion du dossier n'ont jamais fait l'objet d'un débat public sérieux ni au sein du gouvernement, ni au Parlement, ni au sein des partis politiques et des syndicats, encore moins au sein de la société civile marocaine », peut-on lire au verso du livre.
Qu'à cela ne tienne, l'auteur ne voudrait pas que l'on voie dans ses propos un quelconque nihilisme. Et pour cause: les critiques de certains MRE sur  la manière dont est géré leur dossier témoignent de leur amour pour leur pays, le Maroc. Un intérêt qui, aux dires de l'auteur, n'aurait « jamais reçu un feed-back de la même importance ». Craignant que les revers répétés de la politique mise en place sur cette question n'ébranlent la marocanité d'une partie de la communauté, il  estime que celle-ci doit être « un problème de vision et de stratégie ». Or, il se trouve que « le Maroc n'a pas de stratégie politique claire à  moyen et long termes. Le plus étonnant est qu'un certain nombre de responsables politiques sont conscients de ce dysfonctionnement, mais ne font rien pour y remédier  (P. 13)», regrette-t-il dans son introduction.
L'auteur ne comprend pas que malgré «l'existence de plus de dix-mille cadres marocains ou d'origine marocaine de grande qualité dans un certain nombre de pays de résidence, aucun plan d'action, aucune stratégie n'ont été élaborés pour leur implication de manière directe ou indirecte dans les grands chantiers du Maroc » (P. 57). Ce qui engendre le mécontentement et la démoralisation de la communauté marocaine de l'étranger.
Au fil des pages, Saïd Charchira examine et critique les multiples paradoxes et les insuffisances qui entourent ce dossier et empêchent l'évaluation d'une véritable politique migratoire (P. 74). Et livre quelques pistes sur la politique et les mécanismes de gestion qu'il estime urgents (chap III). Etant donné que la binationalité est une richesse et une passerelle pour le rapprochement du Maroc des pays occidentaux et vice versa, l'auteur appelle à s'orienter vers une politique migratoire binationale. Et à la mise en place d'une nouvelle politique « permettant à chacun d'entre nous de se sentir fier d'appartenir à un Maroc qui prend en considération la diversité de ses citoyens et où le droit est la règle (P. 79) », pense-t-il . « La binationalité est une richesse qu'il faut prendre en considération et valoriser (P. 80)», poursuit-il.
Etant donné la fragmentation des discours contradictoires et le chevauchement des rôles qui caractérisent cette question, Saïd Charchira préconise la fusion de multiples institutions et organisations et la mise en « commun des ressources disponibles au service d'une nouvelle politique qui prenne en considération les réalités de la communauté » (P. 84).
L'auteur propose aussi d'autres pistes que le lecteur retrouvera au fil des pages avec détails et arguments qu'il appréciera à leur juste valeur. Saïd Charchira  est l'auteur de plusieurs ouvrages et analyses sur le racisme, la migration et la  démocratie parus en langues allemande et française. Il a notamment écrit : «Pour une nouvelle politique équilibrée et durable », « Que nos intelligences convergent», « Le Maroc face à son devenir » et « Les citoyens marocains de l'étranger, ces oubliés de l'histoire ».


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